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Quand Moody's se fait 
de la pub sur le dos de la France
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AAA

En menaçant d'abaisser la note française, Moody's remet sur le devant de la scène la question de l'équilibre des pouvoirs entre les dirigeants politiques et les agences de notation financière.

Gunther Capelle-Blancard

Gunther Capelle-Blancard

Il est Directeur-adjoint du CEPII depuis septembre 2009. Il est en charge du programme de recherche « Macroéconomie et finance internationales ».
Ses recherches portent, pour l’essentiel, sur les marchés financiers, les banques, la gouvernance d’entreprise et la finance internationale. Il a co-signé La finance est un jeu dangereux ! 

 

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Atlantico : L'agence de notation Moody's a indiqué qu'elle mettait la France sous surveillance pendant les trois prochains mois. La France pourrait perdre sa note AAA, précieux sésame pour emprunter sur les marchés dans des conditions favorables. Pourquoi cette déclaration intervient-elle maintenant ?

Gunther Capelle-Blancard : Moody's communique dans le cadre de ces interventions régulières. Les révisions de notes relèvent d'un processus continu. Il ne s'est rien passé d'extraordinaire, pour moi cette déclaration est presque un non-événement. D'une part, rien n'a été décidé sur le moyen terme, et d'autre part la situation peu favorable de la France est déjà bien connue des investisseurs.

Je crois qu'il n'y a jamais de bon moment pour annoncer ce type de mauvaises nouvelles. Si les agences de notation interviennent trop tôt, on leur reproche d'avoir provoqué les crises, et si elles optent pour la discrétion, on leur reproche de n'avoir rien vu venir.

Imaginez que Moody's soit intervenue la semaine dernière, pendant le débat du second tour de la primaire socialiste, que n'aurions-nous pas entendu ? Au fond, il y aura toujours un événement extérieur qui pourra interférer.

Les agences de notation n’ont vraisemblablement pas toutes les mêmes critères d’évaluation. Comment travaillent-elles ?

Précisément nous ne sommes pas capables de le dire. Il serait péjoratif d’affirmer que les critères de notation des pays sont obscurs. Ce qui est certain, c'est que ces notes sont subjectives. Et encore une fois, il n'y a pas encore eu de dégradation de la note. Pour l'heure la France est seulement mise sous surveillance. La décision définitive sera prise dans trois mois, et prendra en compte la conjoncture internationale sur laquelle nous ne pouvons pas dire grand-chose aujourd’hui.

Il existe principalement deux critiques adressées aux agences de notation : leur automatisme, c'est-à-dire le fait qu’elles ne tiennent pas compte de la situation politique et sociale du pays, et leur trop grande subjectivité. Ces deux reproches sont extrêmes, parce qu'il n'est pas étonnant que toutes les agences ne parlent pas de la même voix, et n'aient pas exactement les mêmes modèles, ni les mêmes critères d’évaluation.

Le marché ne risque-t-il pas de se dégrader après cette annonce pessimiste ?

C'est toujours facile a posteriori d'attribuer spécifiquement la baisse sur les marchés à cette annonce. C'est un exercice très délicat. Il faudrait plutôt demander aux investisseurs ce qu'ils envisagent face à cette situation, et ils ont bien conscience depuis longtemps que la situation de la France sur le marché n'est pas excellente.

Une dégradation de la note conduirait à un renchérissement des conditions de financement et à une augmentation des taux. A ma connaissance, les taux sur le marché de la dette n'ont pas encore varié.

Pour moi la question c'est de savoir si Moody's n'exerce pas là une pression, et fait preuve d'ingérence dans le débat public, et je ne le crois pas.

Faut-il s'attendre à ce que les autres agences de notations emboîte le pas de Moody's et dégradent à leur tour la note de la France ?

Il y a des enjeux stratégiques qui se jouent entre les agences de notations, qui nous échappent un peu. L’agence Moody’s est bien contente, elle s'est offert un peu de publicité en annonçant une éventuelle dégradation de la note française.

Les autres agences de notations se décrédibiliseraient en imitant l'annonce de Moody's. Si l’agence Standard & Poor’s annonçait demain qu'elle met à son tour la France sous surveillance, elle se ferait taxer de suiveuse, et on lui reprocherait de n'avoir pas d'idées directrices fortes propres. Il n’y aura pas d’effet à court terme chez les autres agences de notations, en revanche nous pouvons redouter des conséquences à moyen terme, tout dépendra de la conjoncture.

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