Quand le quai d’Orsay et l’Elysée interviennent pour éviter à Ségolène Royal une question gênante au parlement mauricien<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Ségolène Royal aux côtés de Laurent Fabius
Ségolène Royal aux côtés de Laurent Fabius
©Reuters

Confusion des genres

Un député mauricien souhaitait interroger le gouvernement sur les voyages et les libéralités consenties à Ségolène Royal lors de ses séjours à l’île Maurice. Subitement, il en a été empêché. Un journal mauricien laisse entendre que l’ambassadeur de Maurice à Paris aurait fait l’objet d’une intervention de l’Elysée et du Quai d’Orsay. Du coup, le diplomate aurait alerté son gouvernement des desiderata de la France. Ils ont été exaucés : exit la question embarrassante sur les séjours de la présidente de la région Poitou-Charentes.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

Voir la bio »
  • Les séjours de Ségolène Royal à l’ile Maurice continuent de faire des vagues. La pression des medias se fait plus forte.
  • Le 15 septembre, un député souhaitait interpeller au Parlement, le gouvernement mauricien sur les facilités accordées à Ségolène Royal lors de ses séjours dans l’Ile.
  • Finalement, il en a été empêché, certains élus trouvant inconvenant de s’intéresser à Ségolène Royal, numéro trois du gouvernement de Manuel Valls.
  • Le journal Le Mauricien laisse entendre que ce retrait pourrait trouver son origine dans une intervention faite par l’Elysée et le quai d’Orsay auprès de l’ambassadeur de Maurice à Paris… Qui a son tour en aurait informé le gouvernement de Port-Louis.

L’Elysée et le Quai d’Orsay sont-ils intervenus auprès de l’ambassadeur de l’Ile Maurice en France pour qu’on ne pose pas de questions trop indiscrètes au Parlement sur les voyages de Ségolène Royal dans ce paradis de l’Océan indien ? La France a-t-elle frisé l’incident diplomatique avec Maurice ? A en croire Le Mauricien daté du 20 septembre, ces deux questions sont loin d’être absurdes. Atlantico, le 17 septembre, revenait sur les escapades de la présidente de la région Poitou-Charentes à l’ile Maurice, notamment entre 2011 et 2014. Autant de voyages tous frais payés en avion première classe, agrémentés de séjours dans des hôtels de luxe, ce que n’a jamais démenti l’ancienne candidate à la présidentielle de 2007. Sauf une fois, lors du Salon du Livre, qui s’est tenu du 6 au 9 mars 2014, lorsque, à la suite d’un article du Canard Enchaîné, Ségolène se justifiait en faisant savoir que ce séjour avait été pris en charge par les entreprises mécènes du Salon, ce qui n’avait rien coûté au contribuable mauricien.

Au fil des mois, avec le changement, en février 2015, de premier ministre Navin Rangoolam, dont les relations amicales avec Ségolène Royal étaient notoirement connues, la presse a commencé à s’agiter et à ironiser sur les séjours de l’actuelle ministre de l'Ecologie. Au début du mois de septembre, la pression s’est accentuée. Jusqu’à ce qu’un député, Mahen Jhugroo se décide à poser une question orale au Parlement au nouveau premier ministre, Sir Aneroof Jugnauth. Elle était prévue pour le mardi 15 septembre. La question était claire et nette : le parlementaire désirait savoir avec précision le nombre de fois où Ségolène avait séjourné dans l’île ainsi que les facilités auxquelles elle avait eu droit. Seulement voilà : un mini coup de théâtre a eu lieu. De question, il n’y en eu point, bon nombre de parlementaires estimant qu’il était inconvenant de se mêler des voyages de Mme Royal, ancienne vice-présidente de l’Internationale socialiste et numéro 3 du gouvernement de Manuel Valls. Du coup, le député Jughroo remit l’embarrassante question dans sa poche. Ce qui lui vaudra ce titre méchant du Mauricien : "Les visites de Ségolène Royal : Mahen Jhugroo se débine." C’est un autre parlementaire, Rajesh Bhagwan qui devait indirectement s’emparer du cas Royal. Avec des questions moins personnelles. Du genre : qui a droit à une escorte policière pour ses déplacements ? Qui a profité d’invitations ? Des questions donc très générales qui ne ciblent pas directement l’ancienne candidate à l’élection présidentielle. Qui a donc décidé que le député Mahen Jhugroo devait remettre ses questions aux calendes grecques ? En réalité, de ne jamais les poser ?

Le Mauricien a donné une explication : ce serait l’ambassadeur de l’Ile Maurice en France, Joël Rault, qui, à la suite d’une démarche de l’Elysée et du Quai d’Orsay, aurait alerté le gouvernement mauricien que s’intéresser à Ségolène Royal serait parfaitement discourtois. D’où ce commentaire acide du Mauricien, le 20 septembre : "On croyait que le travail de l’ambassadeur de Maurice à Paris consistait à défendre les intérêts de Maurice, donc des contribuables mauriciens. Ce n’est pas de la faute des Mauriciens si Mme Royal a accepté de s’offrir des vacances cinq étoiles tous frais payés – avec un de ses enfants- aux frais de la République mauricienne, rappelons-le." Et l’auteur de l’article, de lancer cette pique en direction du président de la République française : "Il est pour le moins surprenant que le gouvernement socialiste de François Hollande, si sourcilleux sur les dépenses des fonds publics des deux derniers présidents de droite et leurs proches, soit frileux quand il s’agit d’un des siens qui aurait usé et abusé des fonds publics d’un Etat étranger. Qui plus est, d’un pays ami de la France pour des raisons diverses et variées." Et l’auteur de conclure : "Il suffit donc que Paris fasse part de son mécontentement pour que Port-Louis se mette à genoux. Faut-il prendre cette démission du gouvernement mauricien comme une démonstration de la puissance de la France à Maurice, plus de deux cents ans après la fin de la colonisation française ?"

Atlantico a adressé un mail ce lundi 21 septembre à l’ambassadeur de Maurice à Paris pour qu’il confirme ou non l’intervention de l’Elysée et du Quai d’Orsay au sujet de Ségolène Royal. Ce mardi soir, nous n’avions reçu aucune réponse. Pour quelles raisons ? L’ambassadeur serait-il gêné ? Ou tout simplement ferait-il sienne la maxime "le silence est d’or ?" Une chose est sûre : si une partie de la classe politique mauricienne et la presse surtout ne se montrent pas toujours tendres à l’égard de Ségolène Royal, bon nombre de Mauriciens ne l’accablent absolument pas. Au contraire. D’aucuns louent "cette femme politique, forte, dynamique, qui a traversé des périodes douloureuses dans plusieurs domaines et garde la tête haute." D’autres affirment qu’elle "personnifie la perfection dans son absolu." Ou "qu’ils ont voté pour elle en 2007 contre Sarkozy." Ou encore lui crient affectueusement: "Merci, Ségolène de passer nous voir de temps en temps !"

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !