Quand Florian Philippot veut rétablir des contrôles aux frontières en évacuant un peu vite le problème que ça poserait à ceux de ses électeurs potentiels qui travaillent en Allemagne<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen et Florian Philippot.
Marine Le Pen et Florian Philippot.
©Reuters

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Florian Philippot, numéro 2 du FN, brigue la mairie de Forbach contre le socialiste sortant Laurent Kalinowski. Ce fervent opposant à l'espace Schengen est pourtant candidat aux municipales d'une ville de Moselle aux 20% de travailleurs frontaliers.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Alors que le Front National espère obtenir des "centaines d'élus" aux municipales, le N°2 du parti mariniste Florian Philippot souhaite faire de Forbach, petite ville frontalière de l'Allemagne, un emblème de l'implantation territoriale de sa formation. La candidature d'une personnalité connue pour son opposition à Schengen n'est-elle pas paradoxale dans une localité qui compte 20% de travailleurs frontaliers ?

Jean Pétaux : Florian Philippot n’est pas à une contradiction près. Il me semble que ce qui compte pour lui en tant que cadre du Front National c’est d’apparaître comme celui qui tient un discours opposé et contradictoire par rapport à ce qu’il appelle le discours "UMPPS". Donc, dans cette perspective, peu importe que la ville de Forbach soit "frontalière" et que 20% des électeurs inscrits dans cette ville soient des travailleurs frontalier. L’essentiel est dans le refus de l’Union européenne entendue comme un ensemble supra-étatique d’où viendrait tout le mal. J’ajoute qu’aux élections législatives de  juin 2012, là où Florian Philippot a obtenu 46,30% des suffrages exprimés, sur la seule ville de Forbach (qui compte environ 14.000 inscrits pour 72.000 sur l’ensemble de la 6ème circonscription), il n’a recueilli que 41,74% des exprimés, soit près de 6 points de moins. Il lui faut donc, impérativement, pour se démarquer de ses rivaux du PS et de l’UMP sur la ville, en "rajouter" dans la différenciation symbolique en "rejetant l’Europe avec l’eau du bain de Schengen" pour ainsi dire.

Le même Florian Philippot souhaite pourtant relancer l'économie locale en partenariat avec la ville allemande de Särrebruck. Un tel projet n'entre t-il pourtant pas en conflit avec la vision européenne promue jusqu'ici par le Front National ? Dans quelles proportions ?

Ce que défend Florian Philippot en réalité c’est une porosité de la frontière entre la France et l’Allemagne limitée au territoire autour de Sarrebrück et de la communauté d’agglomération "Forbach – Porte de France" qui regroupe 21 communes autour de Forbach et 82.000 habitants de sorte que se reforme en fait une sorte de "bassin transfrontalier" comparable à ce qui existe dans le Haut-Rhin avec Mulhouse-Bâle ou au Pays-Basque avec le Consorcio Bidassoa-Txingudi entre les mairies d’Irun, d’Hondarribia et d’Hendaye. Où l’on constate que Florian Philippot, diplômé d’HEC, énarque, socialisé aux méthodes du "new public managament", bréviaire quotidien des hauts fonctionnaires technocrates, défend des schémas organisationnels qui sont exactement les mêmes que ceux défendus par le PS et l’UMP…

Par ailleurs, que sait-on du potentiel économique dégagé par les régions frontalières ? Les régions concernées peuvent-elles se passer d'un tel apport ? 

Il est absolument évident que le poids économique des travailleurs frontaliers est considérable. Il est sans doute plus fort en ce qui concerne les villes qui se situent à la frontière suisse comme Annemasse ou Thonon, compte tenu du niveau des salaires offerts en Suisse nettement plus élevé qu’en France et qu’en Allemagne où, tant qu’un salaire minimum n’est pas instauré en Allemagne, les rémunérations sont sans doute plus faibles. Florian Philippot n’est pas stupide, il n’ignore pas l’importance de la "manne financière" portée par les travailleurs frontaliers et réinjectée dans le commerce local par exemple. S’il veut obtenir les voix des électeurs commerçants et artisans, représentants la classe moyenne, il n’a pas intérêt à sacrifier les "poules aux œufs d’or" que constituent les "transfrontaliers".

En quoi ce paradoxe est-il plus largement révélateur des contradictions européennes du Front National ?

C’est un révélateur du discours FN qui recherche d’abord la différenciation symbolique par rapport aux autres formations politiques avec un objectif prioritaire et immédiat : coaguler les mécontentements locaux pour se faire élire localement. Il sera toujours temps, ensuite, d’expliquer avec force moulinets et coups menton que le maire de Forbach ne peut pas changer les textes européens ou inverser les "rayures du zèbre bruxellois". Les dirigeants du FN diront alors qu’il faudra un changement au plus haut niveau de l’Etat, en France, pour sortir le pays des rets européens. C’est tout à fait simple et dans l’ordre de la logique mariniste… et philippotiste !

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