Quand en pleine crise pré révolutionnaire, le Parlement vote à une écrasante majorité la relance de la politique nucléaire, ça prouve que les réformes sont possibles<!-- --> | Atlantico.fr
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L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec modifications, le projet de loi réhabilitant la politique de développement du nucléaire.
L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec modifications, le projet de loi réhabilitant la politique de développement du nucléaire.
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

Atlantico Business

Alors que les manifestations contre l’exécutif se multiplient, le même exécutif a été quasiment plébiscité par les parlementaires dans son projet de relance du programme nucléaire. Le nucléaire a reconquis l’opinion française. Il y a encore 5 ans c’était inimaginable.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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L’évènement est passé inaperçu parce qu’occulté par le bruit des manifestations contre le projet de retraites et l’utilisation de l’article 49.3. Tout s’est passé comme si l’opinion publique française avait complètement oublié que depuis plus de dix ans, elle était farouchement et même violemment opposée au développement de l’industrie nucléaire.

Aujourd’hui, les faits nous montrent que tout a changé. Dans l’exécutif comme les profondeurs de l’opinion.

Au moment de la catastrophe de Fukushima, la production d’électricité via les centrales nucléaires avait tous les défauts et portait tous les risques de catastrophe. Ce qui fait qu’en moins de quinze ans, la France a abandonné tous ses projets de développement en se donnant comme objectif de réduire la part du nucléaire à moins de 50 % de la production électrique en 2025. La décision avait été prise par François Hollande et votée par la majorité qui l’a installé au pouvoir… A l’époque, il fallait tout stopper, et notamment les projets d’EPR, il fallait précipiter l’arrêt des vieilles centrales et donc s’asseoir sur le plan stratégique qui avait été imaginé par le général De Gaulle, mis en musique par Valéry Giscard d’Estaing, puis confirmé par François Mitterrand et plus tard par Jacques Chirac. 

Au lendemain de Fukushima, l’Europe toute entière bannissait le nucléaire de ses projets, considérant que cette industrie était arrivée en fin de course. C’est à ce moment-là que l’Allemagne s’est désengagée de la filière nucléaire, s’orientait vers les énergies renouvelables mais aussi commençait à nouer des contacts avec Gazprom en Russie et allait même jusqu’à réallouer des centrales qui marchaient au charbon venu de Pologne. La France, de son coté, décrétait que ses centrales étaient trop vieilles et qu’il fallait commencer à les fermer sans prévoir de les remplacer.

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Aujourd’hui, tout a changé puisque la semaine dernière à Paris, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture, avec modifications, le projet de loi réhabilitant la politique de développement du nucléaire par 402 voix pour et 130 contre. Une écrasante majorité pour le gouvernement et l’exécutif Macron qui était en risque de perdre la motion de censure, suite au 49.3 sur la question des retraites.

L’exécutif a poussé son projet d’autant plus vigoureusement que l’électricité d’origine nucléaire avait retrouvé grâce aux yeux des Français. Les Français sont donc redevenus majoritairement « pour que les centrales continuent à fonctionner et soit régulièrement entretenues ».

Personne, il y a encore trois ans, n’aurait pu prédire ce renversement de tendance.L’industrie nucléaire, la production d’électricité nucléaire sont redevenues comme une énergie d’avenir. Par conséquent, plus question de plafonner la production d’électricité nucléaire à 50% du mix, plus question de fermer les vieilles centrales, priorité à la surveillance et à l’entretien. Priorité a un programme gigantesque de construction d’EPR, des centrales de nouvelle génération.

Pour la majorité de la population, l’industrie nucléaire a désormais toutes les vertus celles qu’on lui trouvait déjà en 1973, quand le premier programme d’équipement massif fut lancé. Elle pourrait ne pas être chère, elle est abondante, elle est décarbonée et surtout elle permettra de fournir en toute indépendance toute l’énergie dont l’économie moderne va avoir besoin pour gérer la mutation écologique et lutter contre le réchauffement climatique.

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Sans entrer dans le détail du projet de loi voté, la France va se donner les moyens de redevenir un champion du monde du secteur.Les procédures liées à la construction des nouvelles installations et des sites vont donc être accélérées et sécurisées. Il s’agit de construire six réacteurs EPR2 dans un premier temps, et d’ouvrir la possibilité de huit autres réacteurs.

La vraie question qui se pose aux analystes politiques est de savoir comment et pourquoi, l’exécutif est parvenu à un tel revirement dans une population qui est très souvent opposée au changement et à la modernité.

En fait, il n’a pas de solution miracle. Le changement d’orientation s’est opéré quand il est apparu que, d’une part, la situation énergétique devenait urgentissime et incontournable et que d’autre part, il existait des solutions techniques et économiques pour répondre aux risques de pénurie et surtout pour restaurer une indépendance. La crise en Ukraine a fait l’effet d’un révélateur, mais la situation globale de crise et de risque de dépendance a accéléré la pédagogie.

En clair, la crise et le risque de catastrophe nous ont tous collectivement rendus « intelligent », jusqu’à accepter et réclamer ce qui, quelques années avant, paraissait inacceptable.

Cet épisode restera dans l’Histoire mais prouve aux élites qu’il ne suffit pas d’avoir raison. En démocratie, il faut encore que cette raison soit partagée par le plus grand nombre, sinon c’est l’échec. Et la raison n’appartient pas seulement à ceux qui sont dans le cercle de la Raison, encore faut -il la faire partager et là, tout dépend de la pédagogie, de l’éducation et d’administrer la démonstration que le changement profite à tous. Il faut du temps, de la patience et de l’expertise.

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