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Quand Emmanuel Macron est devenu le sauveur de la gauche
©CHARLES PLATIAU / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Ange-Mathieu Mezzadri est l’auteur de « Manuel d’autodéfense contre les libéraux libertaires », publié aux Editions Maïa. De Hollande à Macron, nous assistons au triomphe de l'idéologie libérale libertaire. Cette victoire ne doit strictement rien au hasard. Ce livre ouvre la voie pour nous libérer de cette idéologie. Extrait 2/2.

Ange-Mathieu Mezzadri

Ange-Mathieu Mezzadri

Ange-Mathieu Mezzadri est écrivain et médecin. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages (Lettre à la femme de l'autre, La France décapitée, Manuel d'autodéfense contre les libéraux libertaires). Il dirige la collection U Culumbu au sein des Éditions Maïa.

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D’aucuns postulent que les Français ont élu en 2017 le plus jeune président possible afin qu’un changement propice s’opère enfin. Why not ! Je ne discute pas de la volonté des votants ; mais l’élu, le Kid tout minou, est-il à la hauteur de l’enjeu ou incarne-t-il en fait cette injonction entendue dans Le Guépard, l’inoubliable film de Lucchini Visconti : «tout changer pour que rien ne change ». En termes d’image, il est plus attractif que son prédécesseur, et peut être plus équivoque aussi. Qui sait ? Restons pour l’instant sur Francis Polder.  

À l’extérieur en frénétique manieur de sabre en bois, à l’intérieur en dépeceur appliqué de l’équilibre social et en fossoyeur béat du socle national, Francis Polder marche sur les brisées de Ker-Mitterrand, lequel a laissé un héritage difficile à ensemencer. En deux septennats, l’Ambitieux de Jarnac, le Maître de l’Arnaque accomplit avec minutie sa feuille de route en détruisant radicalement la vraie gauche ; les communistes d’abord, les socialistes sincères ensuite. Sous l’action de ce champion de l’entourloupe, le cursus politique du pays s’est fortement déplacé de l’autre côté. Pour reprendre une antienne de la néo-gauche, la lepénisation des esprits n’a pas pris son envol avec la droite, elle est trop inepte pour porter la moindre idée sur la durée ; elle ne doit rien à Le Pen, il ne voulait pas le pouvoir. Non, ce glissement vers l’extrême a débuté grâce à Ker-Mitterrand lui-même et sous son égide ; retour à ses amours de jeunesse et à ses amitiés cachées, sans doute. Selon Franz-Olivier Giesbert, le grenouilleur de Jarnac aurait dit à propos de Jean-Marie Le Pen : « C’est la droite à visage découvert. L’autre droite avance masquée, comprenez-vous. Bien entendu, il s’appuie sur des forces maléfiques et flatte les sentiments xénophobes mais il n’est pas nazi ni fasciste pour deux sous. Je l’ai bien connu sous la IVe République. C’était un parlementaire très doué, président de groupe à vingt-sept ans, toujours assoiffé de connaissances. Observez comme il est ému quand on lui serre la main. Un homme comme ça, on le calme avec un maroquin ». Qui sait si le fondateur du Front National n’a pas, en définitive, reçu en héritage bien plus qu’un poste ministériel ? 

Minoritaires et sans assise idéologique ferme du fait de la mort de la vraie gauche et de la désuétude de la vétéro-gauche, un peu orphelins aussi, les Solfériniens, de facto, se sont trouvés dans la même situation que les idéologues de la IIIe République débutante. Il fallait à des prémices fondamentalement négatives donner une apparence de positivité. Il le faillait d’autant plus que les commanditaires, que les réels producteurs de barnum politique commençaient à s’impatienter non pas de la stagnation de la machine économique nationale mais de la non-relance de leur fabrique à profits. Il fallait aux Solfériniens rameuter au plus vite un électorat alternatif pour espérer s’asseoir à la table du festin. Là, intervient la boîte à idées de la néo-gauche, Terra Nova, avec brio, intelligence et - par rapport au but recherché - pertinence. Je ne partage pas les vues de cette fondation mais je reconnais vraiment, sans la moindre ironie, j’y insiste, le talent de ses animateurs.

Extrait de "Manuel d'autodéfense contre les libéraux libertaires", d'Ange-Mathieu Mezzadri, publié aux Editions Maïa.

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