Publication de la lettre de Lagarde à Sarkozy : une énième violation du secret judiciaire qui bafoue l'Etat de droit... dans l'indifférence générale<!-- --> | Atlantico.fr
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Une lettre manuscrite de Christine Lagarde à Nicolas Sarkozy a été publiée dans les journaux.
Une lettre manuscrite de Christine Lagarde à Nicolas Sarkozy a été publiée dans les journaux.
©Pixabay

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Lors de la perquisition du domicile de Christine Lagarde, le 23 mai dernier, la police a trouvé une lettre manuscrite adressée à Nicolas Sarkozy. Dans cette lettre, l'ex-ministre exprimait son dévouement pour l'ancien président de la République. Ce brouillon a été relayé dans toute la presse hier, alors qu'il s'agit d'un élément de l'enquête en cours. Une nouvelle fois le secret de l'instruction a été violé pour une lettre qui, a première vue, semble bien loin de l'affaire Tapie-Lagarde.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Atlantico : Hier, le journal le Monde, a publié le contenu d'une lettre que Christine Lagarde a adressé à Nicolas Sarkozy. Cette lettre manuscrite, non datée et jamais envoyée, a été découverte lors de la perquisition du 23 mai dernier au domicile de l'ex-ministre. Est-ce une atteinte démocratique que le droit à l'information ne justifie pas ?

Philippe Bilger : Cette perquisition opérée en mai au domicile de Christine Lagarde a permis de découvrir cette lettre, ce brouillon, non daté. Il est tout à fait regrettable que des éléments d’une perquisition couverte en principe par le secret , se retrouvent dans les médias.

Dans les procédures sensibles, celles qui intéressent les médias et qui sollicitent le pouvoir politique, il y a, à l’évidence des violations du secret judiciaire de la part de personnes qui concourent à l’instruction et à l’enquête et qui devraient le respecter jalousement. Cette information vient forcément de personnes qui ont participé à cette perquisition.

Cela est choquant, mais presque inévitable dans ces affaires tellement médiatisées, où les règles déontologiques trouvent toujours quelqu’un pour en avoir une application souple voire tout à fait discutable.

A la fois, il y a une atteinte aux règles juridiques : la violation du secret constitue une atteinte à l’Etat de droit. Mais en même temps, il n’est pas indifférent d’avoir ce projet de lettre non datée, même dans ces conditions discutables.Une fois que le secret a été violé, cet élément n’est pas indifférent à l’affaire Tapie-Lagarde.

Comment est il possible qu'on accepte la divulgation de choses saisies pendant des perquisitions alors même que le rapport avec la procédure en cours est flou ?

Il est très intéressant d’analyser le contenu de cette lettre, non datée, et qui n’a pas été adressée au président de la République. Sur le plan psychologique, certes on peut comprendre de la part d’une ministre un rapport de déférence avec le président de la République, car c’est lui qui l’a choisi et nommée. En revanche, elle dénonce l’ambition servile de ceux qui entourent Nicolas Sarkozy, et en même temps, elle fait preuve d’une servilité, d’une inconditionnalité, voire d’une puérilité dans l’admiration qui est frappante.

Un ministre, qui a eu un tel passé, qui a été à la tête d’un grand cabinet américain et qui demande pardon à un président de la République, comme un petit enfant, c’est psychologiquement signifiant.

Il n’est pas neutre que cette attitude de la part de Christine Lagarde, puisse être révélée, dans la mesure où son rôle dans l’affaire Tapie-Lagarde pouvait être à l’évidence inspiré par une sorte d’adhésion inconditionnelle à ce que lui demandait le président de la République.

On ne peut tirer d’éléments décisifs puisque la lettre n’est pas datée, c’est un brouillon qui n’est jamais parti. Mais la nature psychologique et politique du lien qui est établit par ce projet de lettre éclaire, peut-être, ce qui a été demandée à Christine Lagarde par la suite dans l’affaire Tapie-Lagarde.

Propos recueillis par Manon Hombourger

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