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La Banque publique d'investissement de François Hollande : ou comment réinventer ce qui existe déjà
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François Hollande a dévoilé ce jeudi ses 60 propositions pour la France. Parmi les mesures-phares du candidat PS : la création d'une Banque publique d'investissement. Un tel instrument peut-il vraiment être efficace ?

Patrice  Baubeau

Patrice Baubeau

Patrice Baubeau est maître de conférences en histoire économique à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense et à Sciences Po Paris.

 

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Atlantico : François Hollande a annoncé ses 60 propositions pour 2012 ce jeudi matin. Il a évoqué notamment la création d’une banque publique d’investissement (BPI). Il s'agit également de la première proposition du projet socialiste. S'agit-il d'une proposition vraiment innovante ?

Patrice Baubeau : Historiquement, ce débat s’est posé en France de manière directe et presque dans ces termes à la sortie de la Seconde guerre mondiale. L’Etat prenait alors pour une part croissante –jusqu’en 1949 – les investissements de la Nation pour remettre l’économie française au niveau de ses grands concurrents mondiaux. La question d’alors était simple : « Va-t-on vers une espèce d’étatisme dans le sens soviétique ? Ou est-ce simplement que l’Etat est le seul acteur à la fois capable d’avoir une vision à long terme et de desserrer les contraintes budgétaires ? ».

On ne peut nier que l’intervention de l’Etat est efficace et que les hauts-fonctionnaires aux responsabilités ont agi dans l’intérêt général. On ne peut pas répondre de manière idéologique à une question posée de manière idéologique. Certaines banques, comme le Crédit national,  ont joué un rôle extrêmement positif…

Quels seraient les attributs d’une banque publique d’investissement efficace selon vous ?

Pour que la BPI serve à quelque chose, il faut que l’objectif -la difficulté à surmonter- soit bien identifié et qu’elle ne soit surmontable que par une BPI. Ce défi d’aujourd’hui est la mondialisation. Cela signifierait au fond que la BPI orchestrerait une forme masquée de protectionnisme. Mais le risque est grand que cela suscite les foudres de la Commission européenne.

Dans le système actuel, il est très difficile de créer un système de financement national. Donc la BPI serait obligée de financer des entreprises étrangères et son objectif serait vague. Ou bien, il faut fixer un objectif bien précis et la BPI devient une instance de coordination stratégique pour investir, par exemple, les ressources récoltées par le Grand emprunt Sarkozy. Finalement, on peut imaginer que l’on ne peut se satisfaire de ce seul Grand emprunt et que l’on pourrait créer une sorte d’organisme stratégique qui le gère…

Mais ce type d’organisme n'existe-t-il pas déjà ?

Oui, il existe déjà des cellules au sein du ministère des Finances ou le Fonds d’investissement stratégique. Le vrai problème est de savoir quel objectif viser. Si le but est de "freiner la désindustrialisation" :  c’est extrêmement vague. Est-ce un problème bancaire, un problème d’investissements, de charges sociales ou un problème de capacité à faire émerger de nouveaux entrepreneurs pour renouveler le tissu industriel français ?

Que manque-t-il alors à ce projet ?

Il manque un diagnostic précis pour créer un instrument idoine. La BPI n’est en soi pas une mauvaise idée. L’histoire démontre que dans le passé elle fut très efficace - il est d’ailleurs assez pathétique de constater que les savoir-faire acumulés durant les quarante années qui ont suivi la Seconde guerre mondiale, ont été presque totalement balayés depuis les années 1980. Maintenant, l’objectif doit être clairement déterminé et il doit être compatible avec les règles européennes. Si c’est juste pour faire du protectionnisme, cela me semble personnellement catastrophique…

Quid justement des organismes - tels que Oséo - qui font déjà office de banque publique d’investissement ? Echappent-elles à la tentation protectionniste ?

Oséo finance en effet l’innovation qui, par définition, n’a pas de nationalité. Pas de problème, donc. Ainsi, rien n’empêche une PME fondée par des étrangers sur le sol français de bénéficier des crédits d’Oséo. De même Oseo peut aider une entreprise française qui produit à l’étranger… Où est le problème ? Rien ne serait plus triste que de se fixer sur cette question aussi étroite de fabrication à l’étranger en misant sur l’innovation. D’ailleurs, on voit que certaines entreprises, les plus innovantes aux Etats-Unis, tels qu’Apple, ne fabriquent pas grand-chose en Californie…

Mais si les buts ne sont pas fixés, je ne vois pas ce qu’une nouvelle BPI pourrait apporter de plus que le Fonds stratégiques d’investissement (FSI) ou Oséo.

 Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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