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Jean-Paul Oury publie « Greta a ressuscité Einstein : La science entre les mains d'apprentis dictateurs » chez VA Editions.
Jean-Paul Oury publie « Greta a ressuscité Einstein : La science entre les mains d'apprentis dictateurs » chez VA Editions.
©Patricia De Melo MOREIRA / AFP

Bonnes feuilles

Jean-Paul Oury publie « Greta a ressuscité Einstein : La science entre les mains d'apprentis dictateurs » chez VA Editions. S’ils ne veulent plus entendre parler de la science pour « transformer le monde », pourquoi certains politiques de gauche et de droite (et pas seulement des idéologues verts) s’appuient-ils désormais sur elle pour gouverner ? Extrait 2/2.

Jean-Paul Oury

Docteur en histoire des sciences et technologies, Jean-Paul Oury est consultant et éditeur en chef du site Europeanscientist. com. Il est l'auteur de Greta a ressuscité Einstein (VA Editions, 2022), La querelle des OGM (PUF, 2006), Manifester des Alter-Libéraux (Michalon, 2007), OGM Moi non plus, (Business Editions, 2009) et Greta a tué Einstein: La science sacrifiée sur l’autel de l'écologisme (VA Editions, 2020).

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En mettant tout en œuvre pour installer un consensus climato-catastrophiste et empêcher le débat ; puis en moralisant celui-ci en définissant par exemple les bonnes et les mauvaises sources d’énergie ; puis en répétant sans cesse que – quoi qu’on fasse – on n’en fait jamais assez (sans jamais définir ce que faire assez, veut dire) ; puis en faisant passer les annonces du bulletin météo systématiquement pour des preuves de la catastrophe climatique ; puis en réduisant enfin la vie entière au seul horizon de la catastrophe climatique en cours… petit à petit, la Climatocratie fait son nid.

Progressivement, des politiques récupèrent la science du climat et lui retirent tout ce qu’elle a de scientifique pour l’instrumentaliser. Ce faisant, ils ont parfaitement compris que s’appuyer sur des déclarations telles que « La Vérité scientifique est établie », « La Science a dit » ou « Les Scientifiques pensent » ou « Les Scientifiques affirment que », fait l’effet d’une raison suffisante dans le débat politique. C’est un moyen commode de faire taire un adversaire et donc, pourquoi pas, de faire obéir une foule.

Cela soulève un premier problème qui est de connaître le degré de certitude de ladite science et le second est de savoir si le politique peut tirer directement des règles de vie en communauté d’hypothèses scientifiques. 

Ce que dit vraiment la science du Climat : un détour par « Unsettled »

L’ambition de la Climatocratie est d’établir des lois pour restreindre l’activité humaine en s’appuyant sur la science du climat présentée, non comme un « domaine de recherche », une collection d’hypothèses réfutables, de modèles imparfaits et/ou perfectibles, mais bien comme une « vérité absolue », impossible à réfuter, une certitude indéboulonnable et en face de laquelle on n’aurait qu’une seule façon de réagir. Et pourtant il convient de s’interroger sur ce que dit la science du climat et sur ce qu’elle ne dit pas. Telle est l’ambition du livre de Steven Koonin. Dans l’introduction de la première partie de Unsettled, son ouvrage de référence il rappelle les trois questions fondamentales sur le climat :

- Comment les humains ont influencé le climat (et comment ces influences vont changer le futur) ?

- Comment le climat répond aux influences humaines et naturelles ?

- Comment la réponse climatique impactera les écosystèmes et les sociétés ?

D’après ce conseiller scientifique de Barack Obama, chacune de ces questions génère son lot d’incertitudes et tout l’objectif de la climatologie est de réduire ces incertitudes. Le GIEC a une échelle de la probabilité qui va de « virtuellement certain » (entre 99 et 100 % de probabilités) au plus bas, « exceptionnellement incertain » (entre 0 et 1 % de probabilités). Koonin avertit cependant : il faut être prudent, car une lecture attentive des rapports peut révéler comment il est possible de tromper les lecteurs sur certains points. Unstettled ambitionne de détecter ces erreurs, mais également les biais par lesquelles elles sont transmises dans l’opinion par les médias et/ou les politiques.

Partant de la notion d’anomalie climatique, il consacre une bonne partie de son ouvrage à expliquer la science du climat, mais aussi à dénoncer les manipulations de certains médias. Il commente notamment le schéma de l’anomalie climatique de référence : « anomalie des températures globales de surface (1850 à 2019), le classique du genre, qui montre que la température de la terre a augmenté de 1 °C depuis 1850 ». Ce qui ne veut pas dire bien évidemment que la température a grimpé partout tout le temps ou de la même intensité. Mais son changement sur cette période donnée nous fournit une information intéressante. Étudier le changement climatique consiste à étudier les tendances sur des décennies. Il y a trois causes possibles du changement climatique pour comprendre l’anomalie présentée sur la figure de référence : le système du climat peut comporter une variabilité interne, ensuite cela peut être dû aux phénomènes naturels tels que le changement dans les rayonnements du soleil par exemple, enfin, et c’est le point le plus intéressant pour la réflexion, il y a ces changements qui peuvent être des réponses à des forçages dus à l’activité humaine.

Si c’est un fait que l’influence humaine sur le climat a été assez négligeable avant 1900 on peut voir que celle-ci n’a cessé de croître depuis. Cependant, cette influence n’a pas été constante dans le temps (on a connu une petite période de refroidissement) et également elle n’a pas été répartie de la même manière sur le globe. La chaleur des océans complexifie la tâche. Celle-ci contribue pour une énorme part au réchauffement climatique, et ce, à des périodes bien antérieures à l’accroissement de l’activité humaine.

Ainsi, l’étude du passé des océans ou d’autres intermédiaires tels que les carottes de glace creusées dans la banquise ou les troncs d’arbre permettent d’étudier le climat à des périodes antérieures, avant l’invention du thermomètre par Daniel Fahrenheit en 1714. C’est le travail des paléoclimatologues. Un travail compliqué, car il repose sur une quantité de données peu fiables : « Aucun de ces “intermédiaires” (proxies) ne vaut une mesure directe de la température […] ils nous donnent cependant le sens de comment le climat a changé avant qu’il y ait des humains qui observent de manière systématique la météo. »

En conclusion, on peut en déduire que « ces observations passées de la température de la surface et de la chaleur des océans ne réfutent pas la thèse selon laquelle le réchauffement de 1 °C dans la température globale de la surface de la Terre est dû aux humains, mais elles montrent qu’il y a également des forces naturelles puissantes qui modifient le climat et cela rehausse le challenge scientifique de la compréhension de ces influences naturelles de manière suffisante pour identifier avec assez de confiance les réponses du climat aux influences humaines. En d’autres mots, la question n’est pas de savoir si le globe s’est réchauffé récemment, mais de quelle façon, ce réchauffement est causé par l’homme ».

Comment distinguer l’influence humaine sur le climat des autres types d’influences ? Voici une analogie que tout le monde comprendra : « Essayer de comprendre comment le système du climat réagit aux influences humaines, c’est un peu comme essayer de comprendre le rapport entre la nutrition et la perte de poids, un sujet connu pour son caractère complexe jusqu’à ce jour. » On peut imaginer une expérience dans laquelle on nourrirait un individu tous les jours en lui donnant un demi-concombre de plus, soit l’équivalent d’une vingtaine de calories. Pour savoir quel a été l’effet de cette nourriture additionnelle au bout d’un an sur son régime, il faudra avoir toutes les informations : quels sont les autres éléments qui composent son alimentation quotidienne, quels types d’exercices… il en va de même pour connaître l’effet du CO₂ anthropique sur le climat : il y a d’autres facteurs qui peuvent modifier le climat, à la fois humains et naturels, et qui peuvent brouiller l’image. Il faut prendre en cause les émissions de méthane dans l’atmosphère, ainsi que d’autres gaz. Ensuite, parmi les causes humaines, toutes les émissions n’ont pas pour cause le réchauffement, les aérosols produits par la combustion du charbon par exemple sont à l’origine de nuages réfléchissants et ont pour effet d’accroître l’albédo, ce qui a pour effet de refroidir et d’annuler environ la moitié des effets causés par les émissions de gaz à effet de serre.

À cela s’ajoutent les forçages naturels : par exemple les volcans en éruption qui produisent des aérosols et des nuages avec effet réfléchissant (la terre s’est refroidie de 0,6 °C pendant plus de quinze mois, à la suite de l’éruption du volcan Pinatubo en juin 1991) ; les changements dans l’intensité du soleil peuvent changer l’intensité des rayons qui atteignent la terre… Il est important de comprendre le rôle joué par tous ces phénomènes pour pouvoir mieux comprendre l’influence du CO₂ anthropique sur le climat.

Or les médias et les politiques distordent et extrapolent des théories du GIEC. C’est le cas au travers de la confusion entre climat et météo et de l’interprétation des phénomènes extrêmes que j’ai déjà abordés précédemment (chapitre 1.4.) et sur lesquels je ne reviendrai pas.

Il est intéressant de voir toutefois comment Koonin démonte – parmi d’autres – la « fausse nouvelle » apocalyptique « des morts liées au climat ». Il s’agit de la thèse de Michael Greenstone, en charge de l’Institut des politiques énergétiques de Chicago, qui a témoigné devant le Congrès US et rapporté la prédiction selon laquelle la mortalité globale climatique ne cesserait de progresser et pourrait aller jusqu’à 85 morts pour 100 000 en 2100. Mais « les gens ne meurent pas du climat. Le climat change lentement et la société s’adapte à cela ou migre ». D’ailleurs, des études le montrent. Le Centre de recherche en épidémiologie des catastrophes, basé à Louvain, a montré que le nombre de morts liés au climat avait chuté drastiquement au cours du dernier siècle (ils sont environ 80 % de fois moins fréquents qu’au siècle précédent) et cela est dû à de meilleures prévisions des tempêtes, un meilleur contrôle des inondations, un meilleur suivi médical et une meilleure résistance, étant donné les progrès accomplis par les pays. Une tendance confirmée par un récent rapport des Nations unies.

La tendance des dernières décennies est de 0,16 mort pour 100 000 chaque année, soit un nombre 500 fois plus petit que celui de la projection de Greenstone pour 2100. Hélas, dans ce petit jeu morbide, il n’y a pas que les fausses prévisions. Il y a aussi ceux qui distordent la réalité. Ainsi le journal Foreign Affairs a publié un article de Tedros Ghebreyesus, le directeur de l’OMS, intitulé « Le changement climatique est déjà en train de nous tuer » dans lequel il parlait en réalité des morts par asphyxies domestiques, une cause de mortalité qui est à l’origine de 100 sur 100 000 morts chaque année. L’article en question laissait entendre qu’il y avait un lien avec le changement climatique alors que l’origine était la pollution… une des premières causes de mortalité dans les pays pauvres et cela n’a rien à voir avec le réchauffement climatique, mais avec la pauvreté. Cette pollution par aérosols contribue au changement climatique (en refroidissant l’atmosphère), mais les décès ne sont pas dus au changement climatique, ils sont dus à la pollution. « Une désinformation effrontée de la part du leader de l’OMS qui est particulièrement déroutante par sa capacité à diminuer la confiance que l’on peut avoir dans la mission vitale de cette organisation de santé publique. »

Je ne m’étendrais pas sur le chapitre « Ceux qui ont détraqué la science » et pourquoi (Who broke the science and why)… certaines citations sont toutefois intéressantes pour notre propos, car elles nous permettent d’affiner notre description de la Climatocratie. Tout d’abord sur les journalistes appelés « reporters du climat » : « Quand j’interagis avec des journalistes, je réalise que pour certains d’entre eux, “le changement climatique” est devenu une cause et une mission – de sauver le monde de la destruction par l’homme – et tirer la sonnette d’alarme dans n’importe quelle histoire est devenu une action juste à accomplir, et même une forme d’obligation ».

Quant aux politiques, « la science est abandonnée en faveur de La Science et “simplifiée” pour un usage dans l’arène politique […] il suffit d’éliminer les énergies fossiles pour sauver la planète ». Certains politiciens de droite remettent en question parfois des règles basiques de la science et le fait que l’homme a joué un rôle dans le réchauffement de la planète, ils exploitent les incertitudes pour dire que le climat ne change pas du tout. Mais les politiques de gauche, eux, trouvent indécent de débattre des incertitudes ou de l’ampleur du défi que représente la réduction des influences humaines. Au lieu de cela, ils déclarent que la science est « établie » et font passer tous ceux qui osent remettre en question cette conclusion pour des « négationnistes », regroupant les scientifiques consciencieux qui réclament moins d’affirmations et davantage de recherche avec ceux qui sont carrément hostiles à la science. Les institutions scientifiques ne sont pas innocentes non plus : si elles représentent les raisons pour lesquelles nous devons faire confiance à La Science, « quand il s’agit de climat, ces institutions semblent fréquemment plus préoccupées de faire en sorte que la science corresponde au narratif plutôt que de s’assurer que le narratif corresponde à la science ». Elles font courir un véritable risque à la science en n’en respectant pas l’éthique et en faisant davantage de politique : elles finiront par perdre la confiance du public. Quid des ONG ? « Les médias tendent à leur accorder une position d’autorité. Mais ce sont aussi des groupes d’intérêt, avec leur propre agenda sur le climat et l’énergie. Et elles sont des acteurs politiques qui mobilisent des supporters, lèvent des fonds, font campagne et agitent le pouvoir politique. Pour la plupart, la crise climatique est leur entière raison d’être (en Français dans le texte) » Le public enfin, est sous l’influence permanente des médias et craint les conséquences des climats extrêmes.

Afin de réparer la science détraquée, le physicien propose de mettre en place ce qu’il appelle une « équipe rouge » (red team) de relecteurs indépendants qui reprendraient les travaux du GIEC. Il précise que c’est ce genre de modèle qui est employé pour des projets hautement stratégiques (lancement d’engins spatiaux, cybersécurité…). Avoir recours à ce genre de méthode pourrait renforcer la confiance dans les conclusions des rapports. Cela renforcerait « La Science avec la science ».

Il tient à évoquer les défauts de relecture des rapports du GIEC en commençant par expliquer le mécanisme de la relecture par les pairs, qui permet de challenger les résultats d’une étude scientifique en posant une série de questions : « est-ce que les mesures ont été effectuées correctement ? », « les expériences ont-elles été contrôlées correctement ? », « est-ce que les résultats sont cohérents avec les compréhensions qui ont précédé ? », « quelles sont les raisons d’une réponse inattendue ? »… Une distinction peu claire dans l’esprit du grand public et qui est pourtant importante : un rapport d’évaluation n’est pas un article de recherche, « c’est un autre type de document avec un objectif très différent. Les articles de revues scientifiques sont des présentations ciblées écrites par des experts pour des experts. En revanche, les auteurs des rapports d’évaluation doivent juger de la validité et de l’importance de nombreux documents de recherche, puis les synthétiser dans une déclaration d’ensemble à forte valeur ajoutée, dont l’objectif est d’informer les non-experts ». Ce procédé de relecture n’a pas pour objectif de promouvoir l’objectivité, car au nombre des participants peuvent se retrouver des agents qui ne sont pas soumis aux obligations liées aux déclarations de conflit d’intérêts tels que, par exemple, aussi bien des auteurs qui travaillent pour des entreprises d’énergie fossile ou encore des ONG… des gens dont l’objectif est davantage de persuader que d’informer.

Enfin, même s’il est vrai qu’un grand nombre de personnes est dédié à la relecture du document, les désaccords éventuels ne sont pas résolus par un juge indépendant. L’auteur principal peut rejeter une critique simplement en affirmant ne pas être d’accord. La version finale du rapport d’évaluation est ensuite sujette à une approbation gouvernementale (via un procédé d’agences intergouvernementales). Quant au résumé pour les décideurs politiques, il est lourdement influencé, sinon écrit, par les gouvernements qui ont intérêt à promouvoir telle ou telle politique. Ce qui représente autant d’opportunités de corrompre l’objectivité des rapports. Hélas, la proposition de mettre en place une « équipe rouge » de relecteurs a été totalement rejetée.

Enfin, nous terminerons cet exposé des thèses de Koonin en développant un dernier point : on ne peut comprendre la science du climat sans comprendre la nature des « modèles » qu’elle produit. Dans son chapitre « Plusieurs modèles entremêlés », le physicien cite le statisticien George Box : « tous les modèles sont faux, mais quelques-uns sont utiles ».

Expert en modélisation informatique depuis de nombreuses années, Koonin affirme que celle-ci est absolument centrale pour la science du climat. Elle nous aide à comprendre comment celui-ci fonctionne, pourquoi il a changé dans le passé, et comment il peut changer dans l’avenir. Le dernier rapport du GIEC (AR5 WGI) consacre 4 chapitres sur 14 aux modèles, c’est dire l’importance de la modélisation. Aussi le physicien théorique insiste-t-il bien sur le fait que décrire le climat de la terre reste l’un des problèmes de simulation qui pose le plus grand challenge et donc cela pose une question de confiance.

Sachant que les ordinateurs contemporains peuvent effectuer des milliards d’opérations à la seconde et que nous avons une bonne connaissance des lois qui gouvernent l’énergie et la matière, on pourrait imaginer qu’il suffit de saisir des données sur l’état présent de l’atmosphère et des océans, de faire quelques prévisions sur le futur de l’humanité et des influences naturelles et de pouvoir prédire ainsi les décennies à venir. Malheureusement si on pense cela, c’est que l’on est en plein rêve (« that’s just fantastique ») ; d’ailleurs si on veut se faire une raison, il suffit de comparer avec les prévisions météo qui peuvent être précises uniquement sur deux semaines. Certes, ces prévisions sont bien plus précises qu’avant, et ce, grâce à la puissance de calcul des ordinateurs ; mais le délai de deux semaines de précision des prévisions météo relève d’un problème qui a été décrit par Ed Lorenz au MIT en 1961 : le temps est chaotique et de tout petits changements dans la manière dont on a commencé le modèle peuvent conduire à des prédictions totalement différentes après plusieurs semaines : « Donc peu importe la précision avec laquelle nous pouvons spécifier les conditions actuelles, l’incertitude dans nos prédictions grandit de manière exponentielle au fur et à mesure qu’elle s’étend dans le futur. Des ordinateurs plus puissants ne permettront pas de changer cette incertitude de base. Cela dit, le climat n’étant pas la météo, cela peut valoir le coup d’essayer de modéliser l’avenir. On peut faire une comparaison avec la physique : nous ne pouvons prédire comment une bulle va se comporter de manière individuelle dans une casserole d’eau bouillante, nous pouvons toutefois prédire comment en moyenne l’eau va diminuer dans la casserole, résultat de l’ébullition. Le système du climat étant beaucoup plus compliqué que cela, il faut du coup interpréter les résultats avec une pincée de sel, si ce n’est pas une livre (“a pince, if not a pound, of salt”) ».

Le physicien modélisateur propose une longue analyse détaillée pour expliquer le système qui repose sur la construction de « grilles » et de « sous-grilles » qui représentent une certaine superficie et permettent de couvrir la surface de la terre et des océans. On entre les données à propos des vents, du transfert de chaleur, du rayonnement, de l’humidité relative et de l’hydrologie de surface dans chaque grille. L’ordinateur calcule comment ces données peuvent migrer vers la boite voisine, le temps d’après. En répétant ce procédé des millions de fois, on peut simuler le climat pour des siècles à venir.

Mais ceux qui pensent qu’il s’agit juste d’appliquer les lois de la physique n’ont rien compris du tout. La complexité vient des microphénomènes et les chercheurs doivent faire des suppositions pour construire un modèle complet. Cela peut faire varier de manière considérable les résultats.

Toutes les suppositions – couverture nuageuse, convection, évaporation de l’eau, propriété du sol, couverture végétale, conditions atmosphériques, présence de neige ou de glace à la surface, mélange de l’eau dans les océans – ne sont pas issues de la réalité, mais faites par le modélisateur qui effectue ses réglages. Or il y a tellement de paramètres à prendre en compte que c’est impossible de tout prendre en considération. « Dans chaque événement c’est impossible – pour des raisons pratiques et théoriques – de régler les douzaines de paramètres afin que le modèle corresponde […] Non seulement cela jette un doute sur le fait de savoir si on peut faire confiance aux conclusions du modèle, mais cela montre clairement aussi que nous ne comprenons pas les caractéristiques du climat à un niveau proche du niveau de spécificité requis, compte tenu de la petitesse des influences humaines. »

À cela s’ajoute le fait qu’un modèle doit tenir compte que ces phénomènes s’impactent les uns les autres, avec des boucles de rétroactions avec des temps qui peuvent varier du jour au siècle voire au millénaire, tels que par exemple, « les concentrations croissantes du gaz à effet de serre qui augmentent les températures peuvent également créer d’autres changements dans le système du climat qui peut amplifier ou diminuer leur effet direct sur le climat ». Effets de l’albédo, de l’interception ou de la réflexion des nuages, tous ces éléments font que l’acte de réglage (tuning) des modèles climatiques est périlleux. C’est la vérité dont témoigne la déclaration signée par quinze climatologues de référence :

« Les choix et des compromis faits pendant l’exercice de réglage peuvent affecter de manière significative les résultats de la modélisation […] En théorie le réglage devrait être pris en compte dans toute évaluation, intercomparaison ou interprétation des résultats du modèle… Pourquoi un tel manque de transparence ? Il se peut que cela soit dû au fait que le réglage est souvent vu comme la partie sale, mais nécessaire de la modélisation climatique, plus de l’ingénierie que de la science, un acte de bricolage qui n’a pas besoin d’être enregistré comme faisant partie de la littérature scientifique.

En conclusion de son exposé, le physicien théoricien fait un aveu d’impuissance : « plus nous apprenons sur le climat, plus cela nous paraît terriblement compliqué ». Ce qu’il développe davantage : « Les incertitudes dans la modélisation, à la fois du changement climatique et des conséquences futures des émissions de gaz, rendent impossible aujourd’hui de fournir des affirmations quantitatives fiables à propos des risques relatifs et des conséquences et bénéfices de l’accroissement des gaz à effet de serre sur le système terrestre perçu comme un ensemble, ou de régions spécifiques de la planète. »

En listant toutes les difficultés méthodologiques, on voit bien qu’il est essentiel de ne pas prêter plus aux modèles qu’ils ne peuvent. Et pourtant cela n’empêche pas les politiques, les médias et les ONG de s’en servir comme s’ils étaient des outils qui reflètent parfaitement la réalité passée ou à venir. Allons plus loin : pour eux, il sera d’autant plus facile d’imposer une Climatocratie que le modèle retenu présentera une situation catastrophique.

Les questions soulevées par Koonin sont capitales. Elles démontrent à quel point la science du climat, fragile et soumise à de nombreuses hésitations est « Unsettled », incertaine. Le corpus de connaissances qu’elle a amassées ne regroupe pas les certitudes que certains prétendent et les climatocrates qui manipulent ces annonces pour en fonder une politique feraient bien de le faire avec la plus grande prudence.

Extrait du livre de Jean-Paul Oury, «  Greta a ressuscité Einstein : La science entre les mains d'apprentis dictateurs », publié chez VA Editions

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