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Prison dorée : Alain Juppé, le favori que plus personne n’osait attaquer
©ERIC FEFERBERG / POOL / AFP

Au front

Le poids politique d'Alain Juppé semble grandement lié à son opposition à Nicolas Sarkozy. En cas de victoire, cela pourrait s'avérer dévastateur pour le maire de Bordeaux : faute d'adversaire politique, il pourrait perdre de son sens politique.

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Benoît de Valicourt

Benoît de Valicourt s’inscrit dans la tradition du verbe et de l'image. Il travaille sur le sens des mots et y associe l'image réelle ou virtuelle qui les illustre. Il accompagne les acteurs du monde économique et politique en travaillant leur stratégie et leur story-telling et en les invitant à engager leur probité et leurs valeurs sur tous les territoires. 
 
Observateur de la vie politique, non aligné et esprit libre, parfois provocateur mais profondément respectueux, il décrypte la singularité de la classe politique pour atlantico.fr et est éditorialiste à lyonmag.fr
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Atlantico: Si Nicolas Sarkozy a pu concentrer l'essentiel des attaques lors du deuxième débat de la primaire de la droite jeudi soir, le maire de Bordeaux a semblé particulièrement épargné... Cela vous semble-t-il être forcément un avantage? Qu'est-ce que cela peut dénoter de ce qu'il incarne politiquement?

Benoît de ValicourtLe débat de la primaire de la droite et du centre de jeudi soir a opposé deux attitudes vis-à-vis de ceux que les médias veulent voir au 2nd tour de la primaire : Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Les autres candidats sont les suppôts de l’un ou de l’autre et leur score respectif sera plus ou moins une avance pour les deux ténors des Républicains. Nicolas Sarkozy a essuyé toutes les critiques et même plus que des critiques, il a été mis en accusation. L’échec de 2012 est de son entière responsabilité, il était le chef, il doit assumer et se retirer. La Rochejaquelein disait: "Si j’avance, suivez-moi. Si je meurs, vengez-moi. Si je recule, tuez-moi". Ils ont été nombreux à le suivre, à croire en lui, à trahir pour le rejoindre. Sarkozy était celui qui faisait vibrer la France de droite, qui avait repris au FN le drapeau tricolore, il était l’homme fort que la droite française aime, un brin nostalgique de l’ordre et de la grandeur et en même temps peu encline à suivre un modèle trop autoritaire. Sans doute auréolé de son nouveau statut de chef, encensé par la presse qui voyait en lui Napoléon, Sarkozy a durcit le ton, déplacé le curseur vers la droite pensant annihiler le FN et enfin recomposer une droite respectueuse de ses valeurs et des valeurs de la République. Sauf qu’en France la discipline n’est pas une vertu, l’individualisme est une valeur de droite et l’attitude de Nicolas Sarkozy a discrédité son autorité. Il a donc reculé et perdu, ses challengers le tuent aujourd’hui. Rien de surprenant mais entre l’élite de la rue de Vaugirard et la base militante, il y a un fossé. La preuve: sept candidats républicains dont six représentent l’élite du parti et Nicolas Sarkozy se maintient honorablement.

Alain Juppé est l’homme du consensus, le sage. Critiqué par derrière, personne n’ose l’attaquer frontalement. Le privilège de l’âge et, en filigrane, la bénédiction du Grand Jacques "le meilleur d’entre nous" ! Combien sont-ils à se réclamer de Jacques Chirac, à rappeler qu’ils ont commencé avec lui, qu’il leur a tout appris ? Alors quand le plus fidèle des chiraquiens arrive pour sauver la France comme Chirac avait sauvé la patrie face à Jean-Marie Le Pen, c’est le match retour des deux enfants, l’un spirituel, l’autre naturel que les médias veulent voir en 2017. Pas de compromis avec le FN, ne serait-ce qu’intellectuel, pas de nationalisme ou patriotisme exacerbé. L’identité heureuse est le prolongement de la fracture sociale que Chirac a réparé comme tout le monde le sait !

Injustice de la vie politique, quand Chirac est élu avec 82% face à Le Pen pour cinq ans sans possibilité de se représenter, le peuple offre un boulevard au président pour réformer, changer, remanier, construire une nouvelle France et l’ancien playboy de la droite préfère acheter une paire de charentaises, un pack de Corona et regarder le foot à la télé. La France s’enlise, glisse vers son déclin jusqu’à ce que Nicolas Sarkozy redonne de l’espoir mais il déçoit.

Aujourd’hui, résignés, les Français n’ont plus d’espoir. Ils sont dépités. Sarkozy ne donnera rien de nouveau, les socialistes ne sont plus ce qu’ils étaient et le FN fait encore peur, c’est trop tôt. Alors, il reste Juppé et ses 72 ans, son air pincé et son intelligence pour nous faire patienter.

Dans le cas où Alain Juppé serait le vainqueur de la primaire, sa qualité d'alternative de droite à Nicolas Sarkozy ne risque-t-elle pas de facto de disparaître? Que lui restera-t-il à proposer? Cela vous semble-t-il pouvoir peser dans la campagne présidentielle?

Si Alain Juppé gagne la primaire de la droite et du centre, il aura au moins réellement gagné puisque le centre, dans toutes ses tendances, le soutient. Il sera le candidat du plus grand nombre de la droite des Républicains, de l’Udi et du MoDem.

Exit sa qualité d’alternative de droite à Nicolas Sarkozy, elle n’a plus lieu d’être. Il deviendra l’alternative au FN qui ne manquera pas de gagner quelques points grâce aux déçus de l’échec de Sarkozy.

Son programme sera celui de l’identité heureuse, d’une France apaisée, d’une France rassemblée excluant les extrêmes qui devront errer aux abords de la représentation populaire parce qu’il n’aura pas le courage d’accepter la proportionnelle.

Alain Juppé proposera un cataplasme sur une jambe de bois, il ne gagnera pas avec le score de son mentor, il aura permis à toutes les bonnes âmes de retenir leur souffle mais ne corrigera rien laissant la porte grande ouverte à Marine Le Pen qui, en 2022, n’aura que 54 ans ! Il n’y aura pas de revanche des Le Pen contre les chiraquiens, il y aura l’affrontement d’une droite décomplexée, nationaliste et europhobe face à une social-démocratie humaniste et europhile.

Mais Alain Juppé n’a pas encore gagné parce que les Français ont toujours une petite tendresse pour celui sur qui on tape …

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