Pouvoir d’achat : les 7 mesures que devraient réclamer les grévistes (plutôt que de s’acharner sur de difficiles hausses de salaires)<!-- --> | Atlantico.fr
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Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, et des membres du syndicat lors de la mobilisation pour la hausse des salaires dans les raffineries en octobre 2022.
Philippe Martinez, le secrétaire général de la CGT, et des membres du syndicat lors de la mobilisation pour la hausse des salaires dans les raffineries en octobre 2022.
©LOU BENOIST / AFP

Par temps de crise

Les salariés du public et du privé sont appelés à cesser le travail et à manifester pour une hausse des salaires ce mardi 18 octobre. Elisabeth Borne souhaite que toutes les entreprises qui le peuvent augmentent les salaires.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Atlantico : « Toutes les entreprises qui le peuvent doivent augmenter les salaires », a plaidé dimanche soir Elisabeth Borne. Au vu du contexte, les grévistes et plus largement les salariés n'auraient-ils pas intérêt à demander autre chose que des hausses de salaires ?

Don Diego de la Vega : Madame le Premier Ministre a parfaitement raison. Toutes les entreprises qui le peuvent (et d'ailleurs en ce cas elles l'ont déjà fait, à moins que dans leur grande distraction capitaliste elles aient besoin au préalable des encouragements gouvernementaux). Seul problème : pratiquement aucune entreprise sérieuse ne le peut, désormais. En effet, les vrais entrepreneurs et les vrais capitaines d'industrie savent que ce sont deux ou trois années de croissance nulle (dans le meilleur des cas) qui sont à l'horizon : pas seulement des vents contraires (énergie, montée des taux d'intérêt...) mais un véritable poteau noir aux contours incertains,peut-être une nouvelle décennie de croissance perdue ; ils ne peuvent pas faire comme dans l'administration, où la conjoncture, les gains de productivité (nuls depuis début 2019 en zone euro !) et le contexte international n'ont pas la moindre importance dans la détermination des évolutions de la masse salariale. Il restera bien quelques firmes pour monter les salaires encore cet hiver, mais mises à part quelques pépites très rentables (dans le secteur du luxe par exemple) ce seront pour l'essentiel des "boîtes à comités", des rentières, des diplodocus et des succursales des services publics (banques, utilities, Air France, etc.). Le genre de boîte qui ne verrait pas une récession peinte en rouge fluo dans un couloir étroit, et où les chefs tiennent tellement au "pas de vague" qu'ils auraient dû tenter un concours de l'Education nationale ou du quai d'Orsay. Ensuite, fin 2023, viendront les licenciements, qui en France arrivent toujours très tard, vus les blocages juridiques et psychologiques : après avoir comprimé les CDD et les divers "outsiders", on s'attaquera aux choses sérieuses, et on oubliera que sans Christine Lagarde, sans le laisser-faire sur la petite baisse de l'euro en 2022, ces sales choses auraient été bien pires. Si j'ai à peu près raison, les salariés ne devraient donc pas en rajouter dans les revendications salariales ; à titre individuel, ils devraient raser les murs et s'attendre à un long désert salarial des Tartares, et à titre collectif ils devraient militer afin que le clan germanique cesse ses pressions sur la BCE, pour ne pas rééditer les épisodes de 1991-1996 et de 2008-2014, mais c'est le genre de pancarte que je vois rarement dans les rues. 

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Quelles seraient les mesures à prendre ?

1) Ne pas monter les taux d’intérêt

Evidemment la première chose à faire dans la situation est de ne pas monter les taux d’intérêts. La banque centrale européenne est à mon grand étonnement relativement prudente mais elle garde un objectif de lutte contre l’inflation or, il n’y a pas vraiment d’inflation. Si on veut juste passer l’hiver, on peut toujours faire des chèques mais sans augmenter les taux. 

2) Promouvoir l’impôt négatif

Il faudrait un OITC à la française. C’est plus facile à dire qu’à faire car il y a des effets de bord et des effets de seuil, mais c’est une question qui s’étudie, tant et si bien que Bercy fait des notes sur le sujet depuis 30 ans, sans implémentation. L’impôt négatif au Etats-Unis est le meilleur outil en faveur des travailleurs pauvres. C’est un programme qui coûte assez peu par rapport à ce qu’il rapporte en réduction des injustices.

3) Mieux cibler les dépenses publiques

C’est tout l’inverse de la politique des chèques qui arrosent tout le monde. Le système social français, c’est 750 milliards d’euros tout confondu. Et parmi cela, énormément de doublons et de flux croisés. Et in fine, cela touche très peu les populations les plus fragiles, les plus à risque, en particulier chez les moins de 30 ans. Donc il faut identifier et éliminer ces doublons afin de dégager des ressources et rediriger les flux.

4) Annuler les dettes

Les personnes les plus en difficulté sont souvent endettées voir multi-endettées. Cela demande de mobiliser les banques centrales, françaises et européennes. Cela ne se fait pas rapidement, mais cela aurait un fort effet. On aurait pu l’utiliser au moment des gilets jaunes, car une bonne partie d’entre eux avaient un problème d’endettement. Et cette mesure ne coûte quasiment rien. 

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5) Mettre fin à l’immigration

Il faut plus qu’un moratoire, un véritable stop. C’est politiquement compliqué et pas si simple que ça sur le plan logistique. Tant qu’on ne construit pas de nouveaux logements, toute immigration nette positive pose très vite problème quand un tiers du secteur est soviétisé et que le rationnement se fait par la file d’attente.  Si nous n’avions pas l’école gratuite, l’hôpital gratuit et les HLM, il n’y aurait aucun problème à avoir de l’immigration. On ne pourra pas augmenter le pricing power du salarié français si on lui met en face une population prête à être corvéable à merci et ubérisée. Évidemment, l’arrêt de l’immigration va créer une pénurie d'offres et il faudra compenser les entreprises.

6) Libéraliser le foncier

Aujourd’hui, nous n’avons pas de construction et c’est le facteur numéro un de l’augmentation des  prix. En France l’offre est restreinte, une multitude de facteurs empêchent la construction et font que les prix de l’immobilier augmentent. Cela va à l’encontre de tout ce qui se fait en termes de réglementation depuis des années et ça demande de détricoter beaucoup de choses. La situation actuelle favorise les possédants qui s’en mettent plein les poches.  Les autres sont obligés de s’endetter. Donc il faut faire la chasse à tous ceux qui empêchent la construction.

7) Distribuer des titres de propriété

A mon sens, il serait pertinent de décorréler ceux qui ont le plus de difficultés de la dette pour les corréler à la propriété. D’un point de vue fiscal et réglementaire, nous avons énormément avantagé le financement par endettement plutôt que celui par fonds propres. L’idée gaulliste, qui était aussi fondamentalement celle de Chesterton, de rendre la propriété accessible à tous a disparu. Elle a été remplacée par l’accès au crédit pour tous. Il faudrait changer la dynamique. Il faut augmenter les gains de productivité et ça n’arrivera pas si les gens ne se sentent pas concernés. La croissance est devenue un sport de spectateurs, il y a un fort jemenfoutisme. Il faut passer du monde de la dette à celui de l’equity. Et c’est un véritable changement. Ça ne peut pas être une mesurette. Mais il y a eu une conjonction des acteurs français pour ne pas aller dans cette voie.

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