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Pourquoi Varane mérite le Ballon d'or (mais ne l'aura probablement pas)
©FRANCK FIFE / AFP

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Le foot étant devenu le réceptacle de nos passions, la récompense suprême venant couronner un joueur en dit long aussi sur l’état de notre société.

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez

Olivier Rodriguez est entraîneur de tennis et préparateur physique. Il a coaché des sportifs de haut niveau en tennis. 
 
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Oui, il faut voter Varane, il faut souhaiter Varane pour le Ballon d'or ! Pourquoi ? Parce qu'il est exemplaire dans son exemplarité, parce qu'il n'arbore pas de coiffures improbables ou de tatouages extravagants, parce qu'il se distingue sans chercher à se montrer, parce que quand d'autres se roulent par terre en jouant mal la comédie, lui se contente de bien tenir son rôle. Varane ou l'anti-star par excellence.

Ballon d'Or par ci, Ballon d'Or par là, Ballon d'Or à toutes les sauces, Ballon d'Or cause et fin de tout. N'en jetez plus, le graal du sport le plus populaire de la planète n'en finit plus d'accaparer les esprits comme l'espace médiatique. 
Cette année, triomphe en Coupe du Monde oblige, la France est le pays le mieux représenté avec 7 nominés : Lloris, Kante, Griezmann, Pogba, Mbappe, Benzema (si si) et Varane (nous y reviendrons). Un rapide coup d'oeil sur les forces en présence permet de distinguer plusieurs favoris. Qui sont-ils ? Les éternels Messi et Ronaldo, Modric, Griezmann, Mbappe, et Varane. Quid de Neymar ? Son talent (hors normes) est incontestable mais une blessure longue durée et une Coupe du Monde moyenne le mettent hors course. Messi, lui, reste intrinsèquement, le plus fort de tous. Discret en équipe nationale, son titre de champion d'Espagne ne peut suffire cette année; Ronaldo, tenant du titre et vainqueur de la dernière Ligue des Champions, reste la même machine, insatiable, à marquer des buts. Mais côté extra-sportif, le drapeau noir flotte sur la marmite: l'idole fait l'objet d'une accusation de viol. En football comme en politique, on décapite d'abord. Les preuves, si besoin en est, viendront plus tard. 
Lucas Modric, lui qui s'est montré brillant en Ligue des Champions et en Coupe du Monde, est en bien petite forme. Il tourne actuellement à l'ordinaire. Si son trou d'air persiste, il pourra bientôt ravaler les prétentions qu'il n'affiche pas. En football, la discrétion n'est vraiment pas un atout. 
Pour Griezmann, avec une Ligue Europa et une Coupe du Monde, les planètes semblent bien alignées. Seulement, avec lui et ses développeurs, subsiste toujours l'impression diffuse qu'il y a toujours un réel décalage entre ce qu'il est et ce que ses sponsors voudraient qu'il soit. 
Et Mbappe ? Après une première année plutôt bonne avec son club, il a parfaitement choisit son moment pour faire éclater son talent aux yeux de tous, pendant la Coupe du Monde. De plus, son quadruplé récent face à Lyon lui assure un rayonnement planétaire maximal dans la période cruciale des jours qui précèdent les votes. Ses handicaps ? On ne pardonne rien à la jeunesse (il peut bien attendre) et il n'a pas vraiment aidé son club en Ligue des Champions. 
Mais c'est pour Varane que les arguments se déroulent le plus facilement. Le cas Varane. Côté palmarès, c'est un sans-faute. Une Coupe du Monde et une Ligue des Champions cette année. Le rêve de tout footballeur. Côté handicap, rien ou presque. Un rapide coup d'oeil au palmarès du trophée nous indique que, depuis sa création, seulement quatre défenseurs l'ont obtenu ! Le problème de Varane est que la foule, l'amie du pire (selon Schopenhauer) a toujours préféré un but de raccroc à un tacle de seigneur. Le problème de Varane est que l'on juge plus noble de marquer un but plutôt que de tout faire pour éviter d'en prendre un. Le problème de Varane c'est que ces considérations et leurs encrages dans les mémoires collectives dépassent largement son cas. Rédhibitoire. On peut donc se questionner sur l'intérêt de nominer des défenseurs s'ils n'ont aucune chance ... Pourtant, le nombre élevé de prétendants (prétentieux?) convoque l'idée suivante: puisqu'il n'y a pas de favori évident, c'est que personne ne le mérite tout à fait. C'est donc l'année idéale pour récompenser un poste ou un profil trop souvent négligé, ériger un modèle, marquer les esprits et envoyer un signal fort. Au monde entier tant qu'à faire, puisque ce sport est le plus universel de tous. 
C'est un fait, le football a ,depuis longtemps, dépassé le cadre de sa simple expression. Crée à l'origine pour faire société, il en est aujourd'hui quasiment consubstantiel. Si bien que l'on ne sait plus très bien, actuellement, lequel fait l'autre. Dans un monde en perte de repères et de valeurs nobles, les sportifs (les nouvelles icônes, les incarnations modernes) sont plus qu'impactantes pour les nouvelles générations. Elles servent de modèle et de maître-étalon. Il n'en reste pas moins interpellant et inquiétant de constater l'omniprésence d'une distinction individuelle au sein d'un sport se voulant, dans sa logique interne, purement collectif. Un mauvais signe des temps, une pauvre époque, une preuve supplémentaire que ce monde moderne veut faire accroire à chaque individu que la sublimation de sa personne (via l'exhibition de sa personnalité) est la dernière valeur cardinale. Le "moi" supplantant le jeu et le "je" supplantant le "nous". Les grandes stars de ce jeu font désormais la pluie et le beau temps en clubs comme dans leurs sélections et tout est fait pour faire de la publicité à leurs statistiques individuelles. Loi du grand marché oblige, le pouvoir a changé de main. Et pourtant, vecteur d'ascension sociale, d'intégration, de cohésion, le football doit rester synonyme de rêves et de tous les possibles. C'est là que le cas Varane est particulièrement intéressant. Pour l'image que ce joueur de devoir renvoie, par la façon qu'il a de vivre son métier, par sa manière de se présenter et d'être au monde, pour ce qu'il incarne et représente : il faut voter Varane ! Pour tout cela, il faut espérer que Varane soit consacré. Un voeu pieux, car soyez sans craintes, cela n'adviendra pas. En attendant, militons pour que ce sport se recentre sur ses valeurs collectives originelles et tâchons de redonner (en la minimisant) une juste mesure à ce trophée bien singulier, au coeur d'un sport censé, plutôt, exalter le pluriel.

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