Pourquoi les systèmes de protection contre les météorites ont encore une belle marge de progression<!-- --> | Atlantico.fr
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La semaine dernière, la chute d'une météorite en Russie a blessé des centaines de personnes.
La semaine dernière, la chute d'une météorite en Russie a blessé des centaines de personnes.
©DR

Armageddon

La semaine dernière, la chute d'une météorite en Russie a blessé des centaines de personnes et traumatisé la population alentour. Ce phénomène pose la question de notre capacité à éviter de tels drames.

Stéfan Barensky

Stéfan Barensky


Stéfan Barensky, chef de rubrique espace chez Air et Cosmos

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Atlantico : La semaine dernière la Russie a été victime de la chute d’un météore qui a blessé des centaines de personnes et a traumatisé la population alentour. Il semblerait que ce phénomène n’ait pas été prévu par les différents observateurs de l’espace. Comment expliquer ce phénomène ? Surveillons-nous suffisamment le ciel ?

Stephan Barensky : Avant tout, il me semble important de préciser que ce dont a été victime la Russie n’est pas une pluie de météorites, comme l'a souvent relayé la presse, mais de la chute d’un météore. Il s’agit donc d’un objet unique ayant pénétré dans notre atmosphère à la vitesse très rapide de 30 kilomètres par seconde. Il s’est désintégré au bout d’une trentaine de secondes dans un immense dégagement d’énergie produisant ainsi des débris dont certains ont touché le sol. Pour résumer, tant que c’est en l’air c’est un météore mais ce qui touche le sol est appelé météorite. Le dégagement d’énergie quant à lui a été mesuré, au niveau de la quantité d’infrasons dégagés, à une demi tonne ce qui est extrêmement élevé.

La non détection de ce météore s’explique par une conjonction de raisons qui a mené à la quasi impossibilité de la prévision de l’entrée dans l’atmosphère. Avant tout, il ne mesure qu’une quinzaine de mètres, taille minuscule à l’échelle spatiale. Il est, de plus, arrivé selon un angle très plat de 15/20° tout en étant très sombre et donc plus difficile à voir. Enfin, ce météore est arrivé du côté diurne notre planète. C’est l’un des plus grands problèmes de l’observation de l’Espace, nous avons un angle mort. Nous pouvons voir facilement ce qui vient de l’extérieur de l’orbite terrestre mais plus difficilement de ce qui vient de l’intérieur. Ce qui est "amusant" au niveau des coïncidences est qu’un satellite va être lancé cette semaine pour essayer de compenser cette lacune technique.

Nous ne pouvons donc pas dire que ce manque de prévision soit dû à un manque de surveillance. Il existe même un programme européen appelé SSA, Space Situational Awareness, qui est une sorte de veille de l’agence spatiale européenne au sein duquel on détecte et on étudie les mouvements des géocroiseurs comme celui qui a touché la Russie. Le but étant de permettre aux futures zones touchées d’etre prévenues quelques jours ou quelques semaines en avance.

Quels sont aujourd’hui les moyens à notre disposition pour observer d’éventuels objets célestes pouvant entrer en collision avec la terre ? Dans quels délais les détectons-nous ?

Cela dépend bien évidement de la taille et de la teinte de l’objet, plus il est gros et clair, plus il est détectable. Certains géocroiseurs sont suivis par les scientifiques depuis les années 1930 et un effort particulier a été réalisé sur la question depuis les années 1990. Si au début on les observait au télescope à l’œil, aujourd’hui nous avons des programmes qui les repèrent et les marquent en permanence. On en découvre environ mille nouveaux par an. Afin de prévoir d’éventuelles collisions, on calcule leurs trajectoires via des modèles mathématiques et des calculs qui doivent être repensés à chaque fois que l’un d’eux passe à proximité d’une planète car cela en change la trajectoire. Ces géocroiseurs sont classés en fonction de leur taille et de leur dangerosité sur ce que l’on appelle l’échelle de Turin et qui calcule les dégâts potentiels en cas de collision avec la Terre.  En dessous d’une certaine taille, on les considère comme non dangereux car même s’ils entraient dans l’atmosphère ils n’atteindraient pas le sol. A l’inverse certains sont si gros qu’un impact raserait l’humanité de la surface de la Terre.

Imaginons que nous identifions une collision imminente et dangereuse avec l’un de ces objets. Avec quelle précision pourrait-on calculer son impact ?

Les outils d’observation et de calcul actuels sont extrêmement performants au point que l’on peut prévoir quel serait le bout de l’objet spatial qui toucherait le sol le premier. Comme dans tout calcul de ce type, il y a bien évidement une marge d’erreur mais de manière général les diagnostics sont excellents. On connait le point d’impact potentiel de manière extrêmement précise. Cependant, jusqu’à maintenant nous n’avons pas été confrontés à une situation critique au point de faire évacuer une ville ou une zone quelconque car pour les plus gros objets, il y a des délais d’intervention. On peut même imaginer intervenir directement sur l’astéroïde lui-même afin qu’il évite la Terre. Le météore qui a touché la Russie la semaine dernière était le plus gros que nous connaissons depuis celui de la Toungouska, un noyau cométaire de 40 kilomètres de diamètre, qui a explosé au-dessus de la Russie et dont l’onde de choc a été ressentie dans toute l’Europe. Les gens qui se sont rendus sur place dans les années 1920 ont constaté que toute la Taïga avait été couchée par le choc sur des dizaines voire des centaines de kilomètres.

Existe-il des programmes visant à empêcher cela ?

La grande question est celle du temps dont on dispose entre la détection de l’impact potentiel et le moment estimé de celui-ci. Si vous prévoyez un impact trente ans à l’avance et si vous en prévoyez un deux ans à l’avance, vous imaginez bien que vous n’avez pas les mêmes solutions à votre disposition car tous ces corps célestes bougent très vite. Cette vitesse a aussi un avantage, elle conditionne le fait que ces objets soient sujet à un changement de direction pour pas grand-chose. On estime donc que le plus souvent le simple passage d’un véhicule à proximité d’un astéroïde peut suffisamment changer sa trajectoire ou le moment de l’impact pour que nous ne soyons pas touchés. D’autres scientifiques tablent aussi sur le fait de repeindre une face d’un astéroïde afin d’en changer la réflectivité et ainsi que la poussée due à la chaleur du soleil en change la trajectoire. Enfin, selon la taille de l’objet, le CNES a étudié la possibilité de poser un moteur à la surface de l’objet et d’ensuite l’allumer pour en changer la trajectoire.

Quoi qu’il en soit, il faut oublier les solutions à la Armageddon, les missiles et les forages car une explosion ne ferait que transformer un gros problème gérable en une multitude de problèmes incontrôlables. De plus, nous connaissons mal la composition interne de ces objets. Si certains sont fait de roches dures, d’autres sont composés de matières molles. Ainsi, un éventuel tir de missiles risquerait de les déformer plutôt que de les détruire et ainsi d'aggraver leur impact. 

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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