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Pourquoi le pétrole n'est pas la seule matière première menacée par la croissance fantastique de Tesla et de ses voitures électriques
©Reuters

Dommage collatéral

Les parts de marché gagnées par la vente de voitures électriques impactent certaines économies, comme celle de l'Afrique du Sud en provoquant une baisse du prix des matières premières comme le platine.

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre

Stephan Silvestre est ingénieur en optique physique et docteur en sciences économiques. Il est professeur à la Paris School of Business, membre de la chaire des risques énergétiques.

Il est le co-auteur de Perspectives énergétiques (2013, Ellipses) et de Gaz naturel : la nouvelle donne ?(2016, PUF).

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Atlantico : Alors que la montée en puissance de la voiture électrique - symbolisée par Tesla - semble faire partie des facteurs explicatifs de la baisse du pétrole, d'autres matières premières semblent affectées par ce mouvement, dont le platine. Quels sont les conséquences d'une telle révolution électrique ? Quelles sont les matières premières concernées ? 

Stephan Silvestre : L’impact de la montée en puissance des véhicules électriques sur les matières premières existe, mais il se fera ressentir à long terme. Actuellement, ces véhicules représentent à peine 1% du marché mondial. Certains experts prédisent une part de marché de 5% à l’horizon 2020, hybrides compris ; mais, même si cette prévision se réalisait, il faut considérer le stock global de véhicules, sur lequel la proportion d’électriques et hybrides restera inférieure à 1% pendant encore longtemps.

Par ailleurs, le marché global continue de croître, sous la poussée de l’équipement des pays émergeants et le parc de véhicules thermiques continue d’augmenter en dépit de la poussée des électriques. C’est ce qui explique que la consommation mondiale de pétrole va continuer de croître pour atteindre 97 millions de barils par jour (bpj) en 2017, contre 94 actuellement. Et il est à peu près certain qu’elle dépassera 100 millions de bpj avant 2020. On est donc encore très loin d’un effet de substitution.

Depuis très longtemps, le cours du platine, très lié à l’industrie automobile par son utilisation dans les pots catalytiques, suit de très près celui du pétrole, quelle que soit la situation réelle du marché automobile. C’est toujours vrai actuellement, avec une once de platine en hausse régulière depuis son plus bas de janvier dernier. Dans l’autre sens, on pourrait citer le lithium, le métal alcalin bien connu pour son utilisation dans les batteries modernes. Bien que nettement moins onéreux que le platine, son prix a fait l’objet de nombreuses spéculations depuis l’intérêt des constructeurs automobiles pour les batteries au lithium, la dernière flambée datant de ce printemps sur le marché asiatique. Certains ont même prédit un avenir doré à de petits États producteurs comme la Bolivie, jusqu’à la qualifier de nouvelle Arabie saoudite. Mais ces prédictions sont quelque peu fantasques et la Bolivie n’en tirera, au mieux, qu’une source de revenus d’appoint.  

La voiture électrique n'est pas la seule révolution concernant l'énergie. Quels sont les autres produits qui peuvent apparaître comme une menace pour les matières premières de la vieille économie ? Peut-on également parler de révolution économique sur ce point ? 

L’un de ces produits phares est l’aimant permanent, notamment sa version au néodyme, qui a aussi fait l’objet de beaucoup de conjectures. Les aimants permanents sont utilisés dans de nombreuses applications industrielles, dans l’automobile, mais aussi dans les alternateurs des éoliennes. Le fort développement des éoliennes dans le monde et la relative rareté de ce métal ont fait craindre une pénurie et surtout une emprise de son producteur quasi exclusif, la Chine. Dès lors, les prix se sont envolés, décuplant entre 2010 et 2011. Mais depuis, la raison des négociants est revenue et les prix sont redescendus à des niveaux peu au-dessus de ceux d’avant crise.

Dans le sens inverse, il y a l’uranium : avant l’accident de Fukushima, la spéculation avait aussi provoqué un envol des prix. Depuis, les prix ne cessent de baisser, d’une part en raison de la chute de la demande japonaise, mais aussi en raison de la remise en cause de plusieurs programmes nucléaires dans le monde. À cela s’ajoute l’arrivée de nouvelles générations de réacteurs (la troisième, puis la quatrième), nettement moins gourmandes en minerai d’uranium.

On ne peut pas parler de révolution économique dans le sens où les modèles économiques n’ont pas été fondamentalement modifiés. On a toujours en présence des industriels qui construisent des équipements et qui approvisionnent des matières premières dont les cours sont très volatiles. La seule nouveauté c’est que leur nombre a considérablement augmenté ces dernières décennies : les ingénieurs savent maintenant utiliser des dizaines de minéraux, dont certains sont très rares. 

Quels sont les pays producteurs concernés ? En quoi la voiture électrique représente-t-elle une menace pour ces pays ? A quelle échéance ? 

Pour le platine, les plus gros producteurs sont l’Afrique du Sud, la Russie, le Zimbabwe ou le Canada. L’Afrique du Sud, la Russie et le Canada sont de grands pays miniers qui disposent de nombreux autres minerais et qui peuvent basculer sur d’autres ressources en cas de migration de la demande. Le Zimbabwe est plus fragile, mais son niveau de production est plus bas.

Pour le lithium, les grands producteurs sont l’Australie et le Chili, suivis de loin par l’Argentine. L’Australie aussi est un grand pays minier qui peut se rabattre sur d’autres minerais. Le Chili a moins de souplesse, mais cette ressource n’est pas vitale pour son économie. La Bolivie dispose d’énormes réserves, mais produit encore peu en raison de la faiblesse de ses infrastructures de production.

Pour les lanthanides (aussi appelés ‘terres rares’), c’est la Chine qui maîtrise l’essentiel de la production mondiale. La demande internationale a d’ores et déjà baissé à la suite des mesures prises par les pays consommateurs (USA, Europe, Japon, Corée du Sud). Mais la Chine ne s’intéresse pas à la vente de ces ressources sur les marchés internationaux : ce qui lui importe, c’est de pouvoir servir sa propre demande intérieure pour fabriques des produits à forte valeur ajoutée, comme des automobiles. La guerre commerciale se déroulera davantage sur le terrain des équipements et technologies produits avec ces minéraux que sur celui des matières premières. 

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