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Pourquoi la trahison d'Emmanuel Macron envers François Hollande pourrait bien lui revenir en boomerang le jour où il aura besoin d'appuis...
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bonnes feuilles

Nicolas Domenach et Maurice Szafran publient "Le tueur et le poète" aux Editions Albin Michel. Ils racontent les coulisses de la vertigineuse ascension d’Emmnauel Macron, ses parrains de l'ombre, son conflit avec les journalistes politiques et sa vision de la société française. Extrait 2/2.

Nicolas Domenach

Nicolas Domenach

Nicolas Domenach est directeur adjoint de la rédaction de l'hebdomadaire Marianne. Il est aussi chroniqueur à l'Edition Spéciale de Canal + et sur i>télé.

Il a récemment publié, avec Maurice Szafran, Off : Ce que Nicolas Sarkozy n'aurait jamais dû nous dire (Fayard, 2011).

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Maurice Szafran

Maurice Szafran

Journaliste, co-fondateur de l’hebdomadaire Marianne, Maurice Szafran dirige Historia, le Magazine Littéraire et L’Histoire. Éditorialiste à Challenges, il intervient régulièrement sur BFM. Il est le co-auteur avec Nicolas Domenach de nombreux ouvrages, dont plusieurs succès de librairie, comme Le roman d’un Président et Off : ce que Nicolas Sarkozy n'aurait jamais dû nous dire.

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« Cet influenceur fréquente tout le monde, le grand monde. Il y a ses entrées, ses sorties aussi, publiques ou privées. Il intervient, incognito, auprès des plus grands. Cette fois, c’est François Hollande qui a demandé à le voir dans ses bureaux de la rue de Rivoli à une portée d’arquebuse de l’Élysée ! L’ancien président sait que son invité s’entretient régulièrement avec son successeur. Or, il a un message important à faire passer : « Pourquoi suis-je ainsi maltraité par Emmanuel Macron ? Oui, pourquoi ? » L’interrogation laisse pointer l’amertume. Une certaine souffrance aussi.

François Hollande paraît sincèrement affecté du traitement sévère qui lui est infligé par celui « qui lui doit quand même beaucoup ». « Emmanuel, je lui ai mis le pied à l’étrier, rappelle-t-il. Je l’ai nommé conseiller, puis secrétaire général adjoint, enfin ministre. Ça ne mérite pas toutes ces mauvaises manières à mon encontre. » L’ancien président en plaisante presque, c’est sa marque de fabrique, la blague qui, en l’occurrence, dissimule sa peine et sa colère. Car il supporte mal d’avoir été « effacé », comme sous l’Égypte antique les pharaons supprimaient jusqu’au cartouche de leur prédécesseur. Le nouveau président gomme notamment ses résultats positifs, trop tardivement venus, il est vrai. Aucun des succès de croissance ne lui est attribué. Pire encore, Édouard Philippe, le Premier ministre, a exploité à charge un rapport de la Cour des comptes sur sa gestion passée, jusqu’à parler de « budget insincère ».

En somme, Emmanuel Macron ferait preuve d’une double ingratitude, personnelle et politique, qui heurte même la tradition de la Ve République, et « pourrait lui revenir en boomerang ». « Sachez que les orages arriveront et qu’il aura besoin d’abris et d’appuis forts, confie Hollande. Il aurait été tellement plus habile de m’embrasser dès le début de son quinquennat, plutôt que se démarquer toujours plus à droite, et donc de désorienter les électeurs de gauche. Au point même de faire comme s’il n’avait pas été ministre de l’Économie. Ce qui lui retombera dessus. »

La part de menace chez Hollande paraît moins forte que celle de la douleur. Même s’il se rappelle volontiers que « celui qui vous doit de l’argent vous en veut toujours, comme celui qui vous a fait du mal finit par vous en vouloir à vous ! ». Ainsi, dans son inconscient, Emmanuel Macron culpabiliserait, se reprocherait sa brutalité à la fin du règne. Serait-il donc travaillé par quelque tourment secret de l’âme ?

Sous l’armure, il y a un cœur. L’écrivain Philippe Besson a cru le voir battre, le jour où Hollande, d’une voix brisée, a difficilement articulé son renoncement. Macron en était ému, retourné. Il serait humain, oui, même si ce n’est pas un affectif évident. François Hollande sourit volontiers à l’évocation de cette culpabilité tenace. Cette « punition du transgressif » ne lui déplaît pas. Même s’il « a tourné la page », dit-il. Comme allégé de toute mauvaise pensée, de tout remords, bien qu’il puisse avoir des regrets. Mais Hollande estime qu’il « s’est bien conduit ». Tout le monde, et d’abord le président, ne pourrait pas en dire autant. Plutôt que des airs de revanche, il préfère fredonner ce tube de William Sheller : « Je veux être un homme heureux. » Et, dans sa vie avec Julie Gayet, il paraît l’être. Oui, il paraît. Mais…
Mais, dans cette histoire, il y a encore du sentiment, des blessures – narcissiques aussi – pour celui qui ne cesse de répéter, qu’il est « un sortant », « qu’il n’a pas été battu, contrairement à Valéry Giscard d’Estaing et à Nicolas Sarkozy ».

Arrêtons-nous un instant, car cela peut paraître surprenant, saugrenu : François Hollande, nous semble-t-il, a été désavoué. Il a été mis hors jeu, hors d’état de se présenter tant il a déçu. Mais quand un des auteurs le rencontre à l’été 2018 et l’interpelle les yeux dans les yeux, il voit que ce n’est pas une galéjade. Le combattant frustré n’est pas fait du même métal que nous. Il est sincère, même si « sa » vérité surprend. Et sa vérité, c’est qu’il n’a pas été défait par le suffrage universel ! Ça fait une grosse différence à ses yeux. S’il s’est remis debout aussi vite, s’il est reparti butiner les fêtes de la Rose, puis signer son livre à tour de bras dans les librairies tel un nouveau Shiva, c’est qu’il ne porte pas la honte d’une défaite. Il n’a pas, assure-t-il, « pris ce coup de massue derrière la nuque » qu’ont eu tant de mal à encaisser ses illustres prédécesseurs. »

Extrait de "Le tueur et le poète" de Nicolas Domenach et Maurice Szafran, publié aux Editions Albin Michel

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