Impôts
Pourquoi la France accepte une fiscalité de plus en plus inégalitaire
Le poids de l’impôt est un sujet de division entre les Français. Dans un pays où les prélèvements obligatoires représentent 57% de la richesse nationale, la fracture fiscale est devenue l’un des problèmes majeurs.
Car elle est à l’origine de toutes sortes d’expédients pour échapper à l’impôt , certains sous forme de dérogations ou allègements ayant un caractère officiel avec la bénédiction de l’Etat, d’autres par le biais d’ évasion fiscale, voire tout simplement par le départ de contribuables fortunés sous d’autres cieux. Il reste un malaise général qui s’exprime publiquement par un sentiment de ras le bol fiscal, comme on a pu le rencontrer récemment, avec la dénonciation dans la presse que l’on travaille en France plus de la moitié de l’année pour l’Etat, alors que dans le même temps l’endettement du pays continue de croître et que les promesses de maintenir l’accroissement du déficit dans la limite de trois pour cent continue de relever de la quadrature du cercle.
Le problème n’est certes pas nouveau. L’imposition du revenu a toujours connu en France un accouchement difficile. Les taux prohibitifs qui avaient été mis en place sous la Révolution en avaient fait un véritable épouvantail et c’est seulement en 1914 qu’un impôt moderne a vu le jour, pratiquement un siècle après la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. Mais très vite, la France est retombée dans son principal travers, celui d’une progressivité excessive, dont la dernière expérience a vu le jour sous le quinquennat de François Hollande, le Président qui avait certes déclaré que son ennemi était la finance, en instituant un taux de prélèvement de 75%. Et l’opinion vient ainsi de découvrir avec la publication des statistiques officielles que deux pour cent des foyers fiscaux avaient fourni 40% de la recette fiscale en 2015, proportion qui s’est encore accrue en 2016, alors que 22% du produit de l’impôt sur le revenu émanait de 0,4% seulement des contribuables. Une progressivité qui donne le tournis, alors que parallèlement, à l’autre bout de l’échelle, le nombre des personnes exonérées du fameux impôt ne cesse de croître : il a bondi de trois millions depuis 2013, au point que l’an dernier 16 millions de contribuables ont payé leur dime sur 37,7 millions. Si l’on voulait opposer deux Frances, on ne s’y prendrait pas autrement. Celle qui est de plus en plus imposée accepte de plus en plus mal que la majorité qui en est exonérée continue de voter les taux de l’impôt sur le revenu de l’autre moitié. Et l’on a vu au fil des ans se développer des centaines de niches fiscales pour tenter de corriger certains abus (tout en en créant d’autres), en développant en bout de course une insatisfaction générale. Avec un effet pervers : celui de tirer sur ceux qui seraient le mieux à même de favoriser la relance, mais qui sont privés d’investir parce que l’ Etat absorbe l’essentiel des revenus qu’ils pourraient consacrer à l’investissement.
Emmanuel Macron voudrait corriger un peu ces dérives en réduisant la taxation sur le capital, mais en même temps, selon sa formule favorite, il ne rompt pas avec le passé, puisqu’il va concentrer la taxe d’habitation sur une minorité en dispensant de l’impôt 80% des assujettis.
L’équité voudrait pourtant que l’on s’oriente vers une imposition faible, mais généralisée de l’impôt sur le revenu, pour donner à tous le sentiment de participer à l’effort collectif, alors que l’on arrive à faire croire que l’on va demander plus à des citoyens qui ne sont même pas soumis à cet impôt ! Il est vrai que la jalousie vis-à-vis de ceux qui gagnent de l’argent est si ancrée dans notre pays que faire prévaloir une vision moderne de la problématique économique parait insurmontable. Dernier exemple en date : la reprise conjoncturelle qui s’est amorcée fait renaître l’espoir de meilleures rentrées fiscales. Et déjà certains esprits imaginent le retour de la cagnotte qui avait fait rêver le gouvernement de Lionel Jospin à l ’idée que l’on allait pouvoir fermer les yeux sur la nécessité de redresser les comptes du pays pour pouvoir à nouveau redistribuer.
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