Pourquoi l'éternel débat sur les 35 heures est à côté de la plaque <!-- --> | Atlantico.fr
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Le débat sur les 35 heures est obsolète.
Le débat sur les 35 heures est obsolète.
©Reuters

Les entrepreneurs parlent aux Français

Au lieu de se focaliser sur le débat autour du temps de travail, il faudrait d’urgence changer la structure des sociétés françaises, qui n’ont en l'état aucune chance de grandir et d’entraîner la croissance.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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On a longtemps glosé avec arrogance et amusement sur la paresse Corse. Le seul département français, au passage, à ne pas avoir connu de récession ces 5 dernières années. Mais la plage Corse et ses langueurs peu monotones ne sont rien à côté de la paresse métropolitaine de nos élites, élevées à l’étatisme radical, décapitant toute idée qui nécessiterait un peu de courage, de réalisme et d’ambition. Sa nouvelle manifestation en date : le débat sur le temps de travail. "Les 35 heures, vite, et nous retrouverons le plein emploi". Waouw !! Enfin les sauveurs de l’économie sont de retour. Entrepreneurs, entreprises, vous pouvez reprendre votre croissance, la solution ultime est de retour. Les Maîtres Jedi de la semaine pleine nous prédisent une éternité de voluptueux bonheur. Explication.

A ma gauche, les tenants du partage du travail. Forts d’un constat éclatant et sans appel, ils indiquent que les 35 h auraient pu créer des emplois si la loi avait été respectée scrupuleusement. En effet, malgré la loi, les adaptations faites depuis conjuguées aux lois de la nature économique aboutissent à établir la durée réelle du travail plus près de 37 ou 38 h. Conclusion : ce n’est pas que les 35 h ne marchent pas, c’est que non appliquée, la loi n’a pas pu produire ses effets. CQFD !

Donc soyons fous, mes frères communistes, plongeons à nouveau d’un coup de projecteur sur le bonheur kolkhozien (on n’oublie les goulags au passage...), reprenons un maxi best of des années soviétiques et allons plus loin. 32 h !! Qui dit mieux ? Ainsi, même les pires dérives capitalistes nous amènerons au respect des 35h. La France est sauvée. Circulez, retournez dans votre appartement partagé lui aussi (c’est la prochaine étape pour régler la crise du logement), avec votre voiture partagée et votre sandwich solidaire et restez pauvres et heureux. L’Etat et les élites veillent à votre bonheur. Eux partagent aussi, mais entre eux. Ils se partagent ce que vous ne verrez jamais.

A ma droite, le patronat et une large partie de la droite. Fin des 35h. Partout. Vite. A la clé, des milliers d’emplois, par la compétitivité retrouvée. "Eh ouais !!" Allez la droite, allez la droite !! (Prononcez cela en chantant comme au stade de foot, quand vous chantez "allez la France").

Petit rappel : une entreprise, pour embaucher, doit faire du chiffre d’affaire. De plus en plus. Cela s’appelle la croissance. Dans un marché qui lui-même croîtrait, sans effort supplémentaire, elle peut même grossir et embaucher, en profitant de cette croissance organique. Si son pays n’offre pas assez de croissance, elle va la chercher ailleurs, là où le soleil de la croissance se lève chaque matin sur des pays assez intelligents pour la saisir, motiver ses meilleurs élèves, qui à leur tour assurent le plein emploi à leur pays.

En France, il n’y a pas de croissance. 80% des entreprises comptent 14 salariés et n’ont aucune idée de ce qu’est une frontière et comment la franchir, font de moins en moins de chiffre d’affaire et quand elles en font, c’est avec des grands comptes et une puissance publique qui ne les paient pas. Ou à 90 jours. Au mieux. Incapables de s’en sortir, elles sont mises en liquidation par les Urssaf et autres amis de l’entreprise en France et alimentent ainsi une liste, chaque jour croissante, d’entreprises qui disparaissent.

En clair, le débat sur les 35h, les solutions évoquées, ne peuvent rien faire pour la croissance. Pas directement en tous cas. Le problème est ailleurs. En clair, nos élites paresseuses et à bout de solutions, d’idées, de réalisme et de pragmatisme, nous amusent avec des débats d’un autre temps, loin des véritables enjeux qui risqueraient de mettre en avant leurs propres miasmes et turpitudes.

Enfin, la réduction du chômage est-elle un objectif ? Non. Elle doit être la conséquence d’une véritable politique. C’est là que le bât blesse. Nos élites, soucieuses de leur image, souhaitant à tout prix prouver au peuple qu’il a le pouvoir sur l’emploi, fait de la baisse du chômage un objectif. Et prennent donc des mesures "de choc", achètent des emplois, produisent des contrats aidés, tentent de forcer les entreprises. Bref, au lieu de traiter les causes, on met le malade sous perfusion pour que la douleur soit moins forte, sans rien changer au mal.

L’obsession devrait être placée ailleurs. Il faut d’urgence changer la structure des sociétés françaises. Elles sont petites, fragiles, sous-capitalisées, non internationales, mal payées par les grands groupes et les acheteurs publics, dépendantes majoritairement de leurs donneurs d’ordre, croulant sous les réglementations qu’elles sont incapables de suivre et d’appliquer. Elles n’ont aucune chance de grandir et d’entraîner avec leur croissance, l’intégralité de la société.

Ces petites entreprises, bien loin des monstres capitalistes que la gauche décrit (la gauche de la gauche), dont les dirigeants gagnent en moyenne 4000 euros par mois, ont besoin de survivre. C’est la première étape. Il faut qu’elles soient payées. La mesure d’urgence est simple. Obliger les groupes du CAC, qui cumulent 49Mds de profits, à payer les PME à 30 jours, sans louvoyer, sans ces stratagèmes dont elles abusent chaque jour, de façon souvent honteuse. Idem pour la puissance publique, qui paient parfois à plus d’un an ses fournisseurs. Vous injectez ainsi, sans perte pour personne, des milliards d’euros dans les PME, leur permettant de reprendre confiance, de pouvoir payer leurs propres fournisseurs. Etc. Il faut tout faire ensuite pour donner aux PME la souplesse à l’embauche, alléger ses obligations, lui permettre de prendre le risque de l’embauche. C’est tellement plus important que le temps de travail. Il faut qu’elles puissent rêver à croître. Leur croissance entraînera la baisse du chômage. Et non l’inverse !

Enfin, il faut rétablir une chaîne du financement pour celles qui peuvent devenir des ETI. Il faut inciter les investisseurs à revenir sur ce marché. Doper l’intervention des assureurs et banques, dans la trésorerie des PME et dans leur investissement. Renégocier Bâle et Solvency, dont les accords et les prescriptions sur le taux de risque que présente l’investissement dans les PME, signent l’acte de mort de l’aide des banques aux PME.


Puis mettre le paquet sur l’internationalisation des PME. Afin qu’elles puissent enfin aller conquérir des marchés étrangers et ramener en France les bénéfices de la croissance connue ailleurs. Nous sommes bien loin des débats sur les 35h !!

Ce débat est pourtant simple. Supprimez/réduisez les 10 échelons qui existent entre l’accord national et l’accord d’entreprises (entreprise, branche, interpro etc..). Supprimez la durée légale et laissez aux entreprises et aux entrepreneurs le soin de régler cela entre eux. Chaque entreprise est unique. Cessons la culture de la taille unique. Tout le monde ne porte pas le même jean’s. Imposons bien entendu une durée maximum hebdomadaire et permettons à chacun d’organiser le travail en fonction de l’activité de l’entreprise et non plus en fonction de l’humeur du législateur. Qui ne connaît rien à l’entreprise.

Et là, peut-être que certaines personnes travailleront 32h, d’autres 43h, et seront payées en conséquence. Laissons chacun travailler, non seulement pour son épanouissement, mais surtout pour s’élever socialement.

Car ce que veulent les gens, ce n’est pas seulement du travail, c’est d’augmenter leurs revenus, leur capacité à profiter de la vie, au lieu d’utiliser leur RTT à regarder avec envie ce qu’ils ne pourront jamais s’offrir, ni à eux ni à leurs enfants.

C’est cette médiocrité des politiques français qui explique que nous sommes le seul pays en Europe qui ne permet plus d’élévation de niveau social, d’une génération à une autre. Condamné à la pauvreté à perpétuité par un tribunal politique, dont l’ignorance et la fatuité tue les Français. Un peu plus chaque jour. Si on osait la libération des salariés et des entreprises, en assurant que le marché ne soit pas un marché de dupe et en corrigeant les dérives, notre pays verrait à nouveau s’illuminer le chemin de la croissance. Mais pour illuminer, il nous faudrait des lumières libérales et des responsables qui au lieu d’en parler les allument. Malheureusement, nos politiques ne sont pas des lumières !

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