Pourquoi l’amende historique de BNP Paribas ne sera probablement pas plus dissuasive que les précédentes sanctions infligées aux banques<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Pourquoi l’amende historique de BNP Paribas ne sera probablement pas plus dissuasive que les précédentes sanctions infligées aux banques
©Reuters

Magouilles et cie

La BNP s'apprête à payer une amende de 9 milliards de dollars. En 2013, 100 milliards de dollars d'amendes ont été payées par les banques.

Bernard Marois

Bernard Marois

Bernard Marois est Docteur en Sciences de Gestion et professeur émérite en finance à HEC ainsi que Président du Club Finance HEC qui réunit plus de 300 professionnels de la finance.

Il est  également consultant auprès de grandes banques et d'organismes internationaux et travaille dans le domaine du "private equity" à travers un fonds d'amorçage dédié aux "start-ups".

Il a publié plus d'une vingtaine d'ouvrages dont Les meilleurs pratiques de l'entreprise et de la finance durables, à l'automne 2010.

Voir la bio »

Atlantico : En 2013, 100 milliards de dollars d'amendes ont été payées par les banques, principalement pour manipulation de taux d'intérêt. S'agit-il d'une somme record ou est-ce un montant "classique" ?

Bernard Marois : Un certain nombre d'amendes ont été imposées sur les banques à la suite de fraudes, que cela concerne les taux d'intérêt comme avec le libor ou l'euribor, ou que cela concerne la manipulation de monnaies. Récemment, on a vu des sanctions infligées pour d'autre type de fraudes, comme c'est le cas de la BNP pour non-application de réglementations purement américaines. L'amende infligée est effectivement importante, voire historiquement élevée, mais on a déjà assisté à la mise en application de sanctions au montant bien plus élevé à l'égard de certaines banques – je pense notamment au Crédit Lyonnais. Finalement, le montant de cette amende fait suite à un certain nombre de condamnation qui ont été dans une phase plutôt ascendante ces dernières décennies.

Peut-on imaginer que ces mesures ont un effet dissuasif ou est-ce un moindre mal pour les banques ? Ces sanctions sont-elles finalement qu'une partie de l'iceberg ? Ces amendes sanctionnent-elles toutes les fraudes ou uniquement une partie ? Y a-t-il certains types de fraudes dont les banques ne pourront-jamais se passer ?

Il faut savoir qu'au cours du temps, les réglementations bancaire et administrative américaines – car il s'agit surtout des Etats-Unis finalement – ont été appliquées avec plus ou moins de sévérité. Il y a eu certaines périodes, comme lors de la présidence de George Bush Junior, où les montants n'étaient pas considérables, contrairement à d'autres périodes. Ces sanctions sont dissuasives pendant un certain temps, mais il arrive toujours qu'à un moment donné, les banques retombent dans leur vice structurel et traversent la ligne rouge.  De plus, il ne faut pas oublier que ces réglementations font partie d'un certain jeu politique, d'autant plus lors des périodes électorales. Par conséquent, il n'est pas rare que les réglementations en cours soient appliquées avec plus de sévérité à ces moments-là.

Concernant la potentialité d'une récidive de la part de certaines banques, il faut toujours avoir à l'idée qu'une fraude doit être prouvée. S'ensuit alors un processus très complexe au cours duquel il faut monter un dossier, faire un procès, ce qui prend du temps, de l'argent et de l'énergie. Il n'est donc pas facile de mettre à pied une banque. De plus, il est très difficile d'établir un type de fraude dont les banques ne peuvent se passer, car justement les réglementations ont pour objet d'aborder et de traiter les actions excessives des banques. D'autant plus qu'aujourd'hui, le secteur évolue vite, les techniques bancaires se développent, et je ne parle pas de la rapidité de la communication. Par conséquent, les réglementations sont parfois à la traîne, bien qu'elles essaient toujours de rattraper, voire d'anticiper les évolutions des opérations bancaires. Il arrive donc toujours que certaines banques filent entre les mailles du filet.

Qu'en est-il de l'Europe concernant la mise en application des sanctions bancaires ?

Il y a eu également en Europe un certain nombre de contentieux soulevés vis-à-vis de certaines banques. Il y a eu notamment des cas de manipulation du Libor et de l'Euribor et certaines opérations ont mis en lumière des fraudes venant de la part d'un certain nombre de grandes banques européennes. Des procédures ont été engagées à leur encontre depuis plusieurs années et n'ont toujours pas abouti. Les montants infligés ne sont certes pas les mêmes que ceux infligés par les Etats-Unis, mais ces montants font néanmoins réfléchir.

Par ailleurs, les cas de fraudes sont hélas très variés et les réglementations n'arrivent pas toujours à les identifier. De plus, il existe une multitude d'entités nationales, européennes, internationales et américaines chargées de la poursuite des banques. Les législations, les droits et les procédures sont parfois différents. La difficulté est donc de concilier tout cela.

Que représentent ces sanctions pour les Etats-Unis ? Est-ce là une manière d'asseoir leur autorité ?

Il existe plusieurs raisons sous-jacentes. Les Etats-Unis veulent notamment adresser le message aux banques non-américaines que leurs réglementations internes s'appliquent à tous. C'est notamment le cas de la BNP qui a voulu contourner l'embargo imposé par les Etats-Unis sur un certain nombre de pays.

Ensuite, on peut imaginer que le fait de sanctionner des banques non-américaines va avantager beaucoup de banques nationales. Certaines banques américaines ont certes déjà fait l'objet de sanctions il y a quelques années lors de la crise des subprimes, mais lors de la deuxième phase de la crise, ce sont les banques étrangères qui ont trinqué. Les Etats-Unis ont donc cherché à montrer que le dollar reste la monnaie internationale.

Je pense également qu'il s'agit d'un avertissement pour les banques américaines elles-mêmes, l'idée étant de montrer que la leçon de la crise n'a pas été oubliée et que les banques doivent éviter de se laisser aller à de nouveaux excès.

Est-ce que réguler le système bancaire est illusoire étant donné le degré de connivence entre le milieu bancaire et la politique ?

Une fois de plus, cela dépend des périodes. Sous Bush, et peut-être également au début du gouvernement Obama, on a eu le sentiment que les banquiers étaient intouchables. Mais si l'on prend du recul, les pénalités et les indemnisations versées par les banques ont été non-négligeables. Certains dirigeants de grandes institutions financières ont même été écartés. Finalement, on pourrait même jusqu'à dire qu'une "purge" a été effectuée dans le secteur bancaire d'après la crise. Si cela est suffisant, je n'en suis pas certain. Il faudrait revoir les pénalités au cas par cas.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !