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Pourquoi Jeremy Corbyn sera le prochain Premier Ministre britannique
©Reuters

Disraeli Scanner

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraëli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXe siècle.

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Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

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Londres, 
Le 19 novembre 2018 

Mon cher ami, 

Je vous faisais part il y a quelques jours de mon faible espoir que le Parti Conservateur maintienne son unité, soutienne Theresa May en acceptant l’accord de Brexit puis soit maître de son remplacement pour, avec quelqu’un comme Dominic Raab, aller à une négociation rapide avec Bruxelles d’un accord de libre-échange qui fixe définitivement les relations. Je suis d’accord avec tous ceux qui qui disent que l’accord qui nous est proposé est un mauvais accord. Mais que n’ont-ils renversé Theresa quand il était temps pour le Parti de se choisir un nouveau Premier ministre? A présent, ce qui pointe, c’est un désastre, non pour la Grande-Bretagne - au contraire, l’heure de la liberté a sonné -  mais pour les Tories. 

J’ai eu bien des débats, depuis jeudi, avec mes amis. Il faut se rendre à l’évidence, Theresa ne tient plus rien. A côté de la joyeuse effervescence qui règne chez nous, les disputes dont est coutumier le village des irréductibles dans Asterix ne sont rien. Cela part dans tous les sens. X défend Theresa mais votera non à l’accord; Y veut renverser Theresa en même temps qu’il vote non à l’accord; tandis que Z espère que l’Union Européenne enverra tout promener et, du coup, le Brexit sera impossible. Au milieu de cette agitation, notre Premier ministre continue, stoïque, convaincue qu’elle agit pour l’intérêt du pays, de plus en plus raide et obstinée au fur et à mesure qu’elle perd des soutiens. 

Pour autant, Theresa sera-t-elle renversée? Le « comité 1922 » du Parti Conservateur n’a pas encore reçu les 48 lettres nécessaires au déclenchement d’un vote de défiance envers le Premier ministre. Les recevra-t-il? J’en doute, pour une raison simple: beaucoup pensent qu’on ne change pas le capitaine en pleine tempête. Ils veulent faire pression sur le capitaine, non se lancer dans une dispute interne pour savoir qui remplacera Theresa. Surtout, beaucoup ont le sentiment - justifié - qu’une avalanche serait déclenchée par le renversement de l’actuel Premier ministre. Ce n’est donc que partie remise. Un court répit pour Theresa. En effet, si le calendrier est respecté, le Conseil européen devrait accepter le projet d’accord la fin de semaine prochaine. Il reviendra alors au parlement britannique de le voter. Or je suis certain que Theresa n’obtiendra pas de majorité sur le texte. 

Que voulez-vous, mon cher ami, le Premier ministre paie pour la manière dont elle a court-circuité un grand nombre de députés et de ministres en confiant au seul Oliver Robbins l’essentiel de la discussion ! Certains découvrent ou font semblant de découvrir que le gros de l’accord a été négocié entre Oliver Robbins et Sabine Weyand, l’adjointe de Michel Barnier. Ils auraient dû s’en indigner plus tôt. Les deux ont concocté un mauvais compromis : fermeture de la Grande-Bretagne à l’immigration mais maintien, autant que possible, dans le Marché Unique. Et très peu de membres de notre parti sont prêts à entendre que tout ceci n’est que provisoire, ne concerne que la période de transition - à condition que le Parti ait la volonté de prendre en main la négociation qui va suivre. Non, les passions se déchaînent. Madame Weyand s’est réjouie un peu trop vite et trop fort d’avoir « coincé » le gouvernement britannique. Donald Tusk, cet ectoplasme, n’aurait jamais dû expliquer, comme il l’a fait, que le plus probable c’était qu’il n’y aurait pas de Brexit. Mon ami Ambrose Evans-Pritchard compare à juste titre le comportement de l’Union Européenne à celui de l’Autriche-Hongrie vis-à-vis de la Serbie en juillet 1914: tout a été fait pour nous humilier. Eh bien! disent beaucoup de mes amis, nous ne nous laisserons pas faire. Ils vont voter contre le texte d’accord. 

Je ne vois pas comment Theresa pourra survivre à un vote négatif. Surtout que le DUP va voter contre le texte. Donc elle n’aura plus de majorité. Nous allons donc inévitablement vers de nouvelles élections. Jeremy Corbyn a attendu patiemment son heure. Et il saura la saisir. Au fond, même les Remainers seront soulagés qu’il n’y ait pas de second référendum. Quiconque réfléchit sait bien qu’un second référendum donnerait une majorité encore plus importante au Brexit. Les Remainers, ou du moins un certain nombre d’entre eux, vont au départ se réjouir de la perspective de voir le Labour revenir aux affaires. En fait, ils déchanteront le soir des résultats au plus tard, lorsqu’il sera évident que les députés Remainers ont été balayés, aussi bien à gauche qu’à droite. 

D’un côté, on ne peut que se réjouir à l’avance d’imaginer ce vieux fripon de Corbyn face à la Commission Européenne. Ils regretteront de n’avoir pas su faire affaire avec Theresa May. Tout ceci se passera à quelques semaines des élections européennes et le système bruxellois entrera en turbulence.  D’un autre côté, le Parti Conservateur se mordra les doigts, trop tard, d’avoir laissé échapper le pouvoir alors qu’il aurait dû être le parti du Brexit. 

Bien fidèlement à vous 

Benjamin Disraëli

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