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Pourquoi Jean-Luc Mélenchon a raison de se méfier d’une nouvelle crise financière mais tort d’attribuer celle de 2008 au montant des dettes publiques
©AFP

Presque !

Invité sur France 2, Jean-Luc Mélenchon a déclaré qu'une crise menaçait l'économie mondiale... ce qui se défend, mais certainement pas avec les arguments du leader de la France Insoumise.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Invité de L'Emission Politique sur France 2 animée par Léa Salamé, Jean-Luc Mélenchon a été en mesure d'exposer son programme ( via des livrets thématiques ) et de balayer les principaux sujets d'actualité.

A un moment, ce grand show alternant coups de colère et coups d'épée s'est fixé sur la future crise économique.

Effectivement, le "shadow banking", la progression irréaliste des crypto-monnaies ( type Bitcoin ) et les survalorisations boursières excitées par la perspective d'une réforme fiscale américaine d'inspiration reaganienne risquent bel et bien de déclencher un phénomène de décompensation.

‪‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‬‪Face à ce risque incontestable, Jean-Luc Mélenchon s'est exclamé : ‬

" Premièrement, il va y avoir une nouvelle crise parce que la bulle financière va de nouveau exploser. Deuxièmement, personne ne paiera jamais la dette. Faites-moi plutôt confiance pour en sortir par le haut et tranquillement. "

‬‬‬‬‬‬‬‬

Nul ne peut prétendre à une expertise sur l'avenir mais on peut effectivement souscrire à la première partie de l'analyse de Jean-Luc Mélenchon. Le risque d'une nouvelle crise issue de la masse de liquidités en circulation est crédible.

En revanche, il faut demeurer prudent et précis : " la bulle financière va de nouveau exploser " est un terme fourre-tout, un mot-valise qui évite au député des Bouches du Rhône de bien garder à l'esprit que la crise de 2007 et 2008 a été double. D'abord, elle a été provoquée par le niveau dément des crédits de type sub-primes et par leurs disséminations via des techniques de titrisation de créances devenues douteuses. Puis, elle a été provoquée par la mise en faillite de la banque Lehman Brothers qui a été décidée par une Administration américaine qui a sous-estimé les liens entre établissements de crédit d'où la thrombose sur le marché interbancaire dont les effets se font encore sentir en 2017.

En effet, de nombreux établissements préfèrent placer, quasiment à perte, leurs liquidités auprès de la BCE (pour près de 600 milliards d'euros quotidiens) plutôt que de les laisser chez des confrères dont ils doutent de la solvabilité. 

Le cas espagnol de Bankia ( nationalisée en 2012 dans l'urgence après avoir vu exploser le montant de ses créances immobilières passées de 14 à 32 milliards en trois semaines ) et le cas récent des 380 milliards de créances douteuses actuellement détenues par les banques italiennes sont des exemples grandeur nature de l'échelle des risques.

Cette double crise de 2008 vient de spéculations sur un endettement privé et Jean-Luc Mélenchon commet une erreur d'analyse en mélangeant tout ce défi à celui de la dette publique.

"Deuxièmement, personne ne paiera jamais la dette ".  Sur ce point, Jean-Luc Mélenchon, plus féru d'histoire que de science économique, a raison.

Prenons le cas de la France, qui voit près de 100% de son PIB être désormais le montant de sa dette d'Etat ( sans parler de celle des hôpitaux pour 24 mds, de la SNCF pour 48 mds, etc ) : il est impensable que le pays puisse rembourser 2.200 milliards.

Cela représente 14 années de pression fiscale en montant et bien plus en réalité puisque l'Etat continue d'être en déficit structurel.

Après ce constat partagé avec l'homme politique, il reste la question : que faire ?

D'aucuns vous diront que les créanciers, à un tel niveau, sont "pendus" et que l'on peut discuter des modalités de paiement. Autrement dit, faire défaut comme avait hélas été obligé de le faire l'Argentine il y a quelques années.

C'est exactement ce qu'a déjà dit Jean-Luc Mélenchon dans un discours à Châteauroux et son postulat est que la France est plus " grande et forte " que ces agioteurs qu'il désigne avec mépris.

Peut-être. Mais en cas de défaut, nous aurions bien des difficultés à trouver de nouveaux prêteurs alors nos besoins actuels sont de 190 milliards de refinancement annuel. Chats échaudés craindraient assurément l'eau froide.

Loin d'un défaut aussi massif que périlleux, il y a la voie de la restructuration de dette c'est-à-dire pour être net un rééchelonnement pluri-décennal voire un transfert de dettes vers la BCE qui aurait alors la possibilité d'émettre des obligations de type rente perpétuelle.

Enfin, il faut regarder la vérité brûlante en face. Grâce à la faiblesse de François Hollande et de Michel Sapin face au monde de la finance, il a été inséré dans nos lois des dispositifs anti-bank-run : autrement dit, comme à Chypre, il serait techniquement possible de puiser dans l'épargne des Français ( au-dessus de 100.000 euros pour l'instant ) pour honorer une crise de la dette d'Etat.

Là où je vois une injustice – puisque le citoyen serait appelé par ses deniers à purger une partie des conséquences de la mauvaise gestion publique – les tenants du quinquennat précédent et le député Mélenchon s'accommoderaient fort bien de voir " les riches passer à la caisse " puisque, c'est bien connu, tous les problèmes du pays viennent des milieux " nantis " et jamais d'une certaine noblesse d'Etat.

A ce stade, inutile de gloser : souvenons-nous seulement de la réforme des rythmes scolaires qui devaient coûter 250 millions selon son instigateur ( Vincent Peillon ) et qui a finalement coûté 1,3 milliards !

" Faites-moi plutôt confiance pour en sortir par le haut et tranquillement. " tel est le propos de Jean-Luc Mélenchon. Je n'y souscris pas du tout et invite l'auditeur à la clairvoyance.

Si " JLM " avait trouvé une solution pour nettoyer les dettes publiques dans la tranquillité, il aurait été de son devoir de patriote – et je ne doute aucunement de son amour sincère pour la patrie – de transmettre la martingale magique aux Autorités compétentes et de quitter l'estrade – son lieu fétiche – pour rentrer dans l'arène, là où se passe la vraie vie des Etats. Et donc l'avenir du peuple car rien n'est pire qu'un Etat impécunieux qui cumule de forts prélèvements obligatoires et la casse du service public. ( voir l'exemple de la réorganisation de La Poste et le cas des déserts médicaux ).

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