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Pourquoi il était important qu'Al Jazeera ne diffuse pas les vidéos prises par Mohamed Merah
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Dilemme

Coutumière de la diffusion de vidéos en provenance d'Al Qaida, la chaîne qatarie d'informations a finalement décidé de ne pas diffuser les images tournées pendant les meurtres de Toulouse et de Montauban.

Pierre-Henri Tavoillot

Pierre-Henri Tavoillot

Pierre-Henri Tavoillot est philosophe, spécialiste de l'histoire de la philosophie politique.

Il codirige la collection "Le Nouveau collège de philosophie" (Grasset).

Il a notamment publié Tous paranos ? Pourquoi nous aimons tant les complots …  en collaboration avec Laurent Bazin (Editions de l’Aube, 2012) et vient de faire paraître Faire, ne pas faire son âge aux Editions de L'Aube.

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Atlantico : Etait-il important qu'Al-Jazeera décide de ne pas diffuser les images prises par Mohamed Merah pendant les meurtres de Toulouse et de Montauban ?

Pierre-Henri Tavoillot : Oui, sans aucun doute, même si l’on peut craindre qu’un jour prochain, on les retrouve quand même sur le net. Dans ce genre de situation, il n’en va pas seulement de la responsabilité des médias officiels, mais des citoyens eux-mêmes. Pour ma part, je peux dire que je boycotterai farouchement tout média qui s’autoriserait la diffusion de telles images. Et il me semble que je suis très loin d’être le seul dans cet état d’esprit.

Quel impact pourraient-avoir de telles images si elles fuitaient sur Internet ?

Exactement le même que celles qui s’y trouvent déjà et qui alimentent la haine, l’héroïsme exterminateur et la folie meurtrière. Raison de plus pour ne pas les diffuser. Après, il faut simplement être vigilant sur le fait que la dénonciation de leur publication prochaine et probable par des sites peu recommandables ne contribue à augmenter leur diffusion. Ce genre de situation nous apprend qu’il devient très difficile de se taire à l’âge médiatique, surtout quand il s’agit de dénoncer. D’ailleurs moi-même … ici et maintenant, j’ai du mal à résister, alors que le bavardage dans le médias sur le sujet m’exaspère !

Lors de la Guerre du Golfe, on a reproché aux télévisions de ne pas montrer la réalité de la guerre. Est-ce qu'en ne montrant pas ces images on ne passe pas à coté de la réalité du terrorisme ? 

Pardon, mais c’est prendre les gens pour des imbéciles que de penser qu’il faut voir le mal pour le détester. Les images n’ajouteraient rien aux réactions horrifiées de notre espace public ; elles ne seraient utiles qu’à ceux qui partagent la funeste « cause », et ce serait leur rendre service. D’une manière générale, lutter efficacement contre le terrorisme exige moins l’émotion que le sang froid. Dans l’ensemble, et, en dépit de toutes les micro-polémiques, je trouve que la société française s’est bien comportée ; et, au milieu de cette horrible tragédie, il y a là un signe de solidité qui ne trompe pas. Il convient de ne pas l’oublier.

Filmer les évènements permet-il aussi d'éviter un certain négationnisme ? 

C’est là encore une illusion. Le négationnisme s’alimente à la théorie du complot, qui n’a besoin d’aucune preuve pour fonctionner à plein régime. C’est même le contraire, moins il y a de preuve, plus cela atteste de la puissance du complot ! Les images n’y font rien, car, c’est bien connu : « on nous cache quelque chose et tout est truqué ». Il est troublant de voir qu’à l’âge de la transparence affichée le soupçon de l’occulte et de l’obscur plane sur tous les événements.

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