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Pourquoi l'aide de la BCE pour les rachats de dettes espagnole et italienne n'est pas nécessairement une bonne nouvelle
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Question de point de vue

Mario Draghi a annoncé l'intention de la BCE d'acheter sur le marché secondaire des obligations d'Etat. Les pays qui demandent cette aide seront ainsi placés sous la coupe de la Commission Européenne, qui leur demandera des efforts accrus d'assainissement de leurs finances publiques.

Philippe Murer

Philippe Murer

Philippe Murer est professeur de finance vacataire à la Sorbonne et membre du Forum démocratique.

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L'institution de Francfort achètera sur le marché secondaire des obligations d'Etat et ne fixera "pas de limite quantitative" à ces achats, a indiqué Mario Draghi dans son discours de jeudi. Les pays bénéficiaires du programme devront avoir fait appel à l’aide des fonds de secours européens (FESF et MES).

Ce qui implique que les pays qui souhaitent cette aide (Italie et Espagne) se placent comme la Grèce, le Portugal ou l’Irlande sous la coupe de la Commission Européenne qui leur demandera des efforts accrus d'assainissement de leurs finances publiques. On parle actuellement en Grèce de la semaine des 6 jours après les coupes dans les salaires, les retraites, les allocations chômage. Un appel à l'aide auquel s'est pour le moment refusé Madrid et Rome, on les comprend. En effet, aucun pays ne souhaite perdre sa souveraineté budgétaire en se plaçant sous la coupe de la Commission Européenne, ce magnifique organe non élu qui a de plus en plus de pouvoirs.

Comment vont réagir les Marchés financiers à ces nouvelles ?

Si vous êtes banquiers et que vous achetez de la dette espagnole ou italienne à 2 ans sur des niveaux de 3%, vous savez donc que vous pourrez prêter sans souci à ces pays. En effet, en cas de problème, la BCE « imprimera des billets » pour vous acheter ces obligations et financera donc indirectement le pays. Vous n’avez donc pas à être certain de la capacité du pays à rembourser mais seulement de la volonté de la BCE de prendre votre place en tant que prêteur en cas de problème du pays. C’est chose faite, M. Draghi vous le garantit.

L’Espagne et l’Italie devraient donc pouvoir continuer à emprunter sur les Marchés financiers sur des maturités de 1 à 3 ans, les banquiers ayant une assurance gratuite de la BCE (les obligations qu’achètera la BCE dans un premier temps). Nonobstant ces « commissions » assez illogiques que la BCE distribue aux banques et spéculateurs (les banques empruntent à 1% à la BCE et prêtent à 3% aux Etats), la BCE a inventé une mécanique qui permet à l’euro de tenir assez longtemps. Probablement jusqu’à la date des prochaines élections allemandes. C’est pour cela que Mme Merkel a brisé le tabou monétaire allemand.

La Commission européenne pourra prendre la main sur les budgets

Le Pacte budgétaire européen qu’ont signé ou signeront bientôt tous les pays de la Zone Euro garantit à la Commission Européenne de prendre la main sur les budgets des pays dont le déficit serait supérieur à 3% du PIB. L’Espagne avec 8.9% de déficit budgétaire en 2011 et une forte récession a de fortes chances de passer sous sa houlette ; l’Italie avec 3.9% de déficit budgétaire en 2011 et une récession de son économie entre 2 et 3% en 2012 a aussi certaines chances de gagner le gros lot. La France avec ses 5% de déficit budgétaire aussi. Si vous ne me croyez pas, lisez l’article 5 du Pacte Budgétaire Européen ou TSCG.

La perpétuation d’un système inégalitaire

Le système vicieux et terriblement inégalitaire suivant peut donc se perpétuer pour longtemps.

Cliquer sur le schéma pour agrandir

L’euro semble être devenu une religion

Quand on défend coûte que coûte une idée, cela peut se retourner très violemment contre la population. Qui aurait pu imaginer en 2007, que le Parti socialiste aurait accepté 5 ans plus tard et sans tiquer, de laisser s’abattre la foudre sur la Grèce : hausse du chômage de 7 à 23% de la population active, baisse du PIB de 20% par rapport à 2007, baisse des ventes de détail de 35% ! Et de demander à l’Espagne de suivre le même programme, tout ceci pour sauver l’euro qui n’est qu’une monnaie, rien d’autre. Tout le monde a le droit de se tromper, passons à autre chose, ne nous entêtons pas dans l’erreur car l’erreur des élites propage la misère.

Une solution partiellement satisfaisante existe, arrêter d’établir ce type de schéma qui n’aide que les financiers et les rentiers et injecter l’argent de la Banque Centrale dans l’économie pour créer de la richesse : projet d’économies d’énergie, de ferroutage, de maillage en fibre optique, projet de centrales solaires avec achat de matériel local ou européen… C’est ce qu’a fait de Gaulle au temps du plan et la France avait une croissance de 4 à 5% avec une inflation moyenne de 3.5%.

Nos politiques n’ont peut-être pas encore compris la violence qu’exerce déjà et qu’exercera de plus en plus cette situation sur les 99% de la population. Si tel est le cas, ce sont toujours des situations très dangereuses. Tout le monde doit s’impliquer dans cette situation : la participation de chaque citoyen dans le débat à travers des associations, des réunions politiques, les partis dont ils se sentent proches est nécessaire pour convaincre et faire changer le cadre de pensée de nos élites. Comme le dit un jeune mais excellent blogueur, « On ne fera pas un monde différent avec des gens indifférents ».

Sinon, nous le regretterons amèrement et laisseront aux générations futures un champ de ruines.

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