Pour les auteurs de l’étude qui montre que le réchauffement climatique fait progresser la violence, nous ne sommes pas nécessairement condamnés à nous entre-tuer<!-- --> | Atlantico.fr
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Les résultats de l'étude suggèrent que nous ne sommes pas très doués pour faire face aux bouleversements climatiques.
Les résultats de l'étude suggèrent que nous ne sommes pas très doués pour faire face aux bouleversements climatiques.
©Reuters

Sang chaud

Les chercheurs de l'université de Berkeley ayant établi un lien de cause à effet entre températures anormalement élevées et hausse des violences ont répondu aux questions d'Atlantico. La leçon ? Les futures générations doivent se préparer au réchauffement climatique...

Marshall Burke, Solomon Hsiang et Edward Andrew Miguel

Marshall Burke, Solomon Hsiang et Edward Andrew Miguel

Marshall Burke, Solomon Hsiang et Edward Andrew Miguel sont chercheurs, auteurs d'une étude montrant le lien entre réchauffement climatique et violence : "Quantifier l'influence du climat sur les conflits humains" (Quantifying the influence of climate on human conflict), parue dans Science.

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Atlantico : Vos recherches ont fait émerger une corrélation entre les périodes de chaleurs exceptionnellement élevées et les pics de violences constatés tout au long de l’histoire (voir ici). Comment en êtes-vous arrivé à une telle conclusion ?

Marshall Burke, Solomon Hsiang et Edward Andrew Miguel : Nous avons fait porter nos observations sur soixante études différentes, dont l’objectif commun était d’évaluer la relation climat-conflit. Nous avons fait le choix de ces études en fonction du sérieux de leur méthodologie de recherche, sélectionnant celles qui ont permis d’établir un lien de cause à effet entre certaines variables climatiques et certains conflits en particulier. Nous avons ensuite concentré ces études dans ce que les statisticiens appellent une « méta-analyse », c’est-à-dire une sorte de synthèse des résultats de l’ensemble des recherches.

Nous avons constaté que les résultats de la plupart des études étaient très similaires : de légères variations de températures ou de précipitations par rapport à la normale peuvent considérablement augmenter les proportions prises par les conflits. Cette conclusion nous est apparue dans toutes sortes de conflits - depuis les agressions et les meurtres jusqu’aux émeutes ou aux guerres civiles – et sans distinction entre les pays ou les continents.

Et si d’ici 2050 les  températures augmentent de 2°C ? Cela signifie-t-il que le dérèglement climatique sera la cause d’une violence accrue et généralisée ?

Pas nécessairement. Certes, les résultats de notre étude, qui porte sur les sociétés humaines d’aujourd’hui et d’hier, suggèrent que nous ne sommes pas très doués pour faire face aux bouleversements climatiques. Il est possible qu’à l’avenir les sociétés soient mieux préparées qu’aujourd’hui, ce qui impliquerait que les futures hausses de températures aient un effet moindre en termes de violence qu’aujourd’hui. Mais si nous ne nous adaptons pas et n’améliorons pas notre capacité d’adaptation aux changements climatiques, alors effectivement, les variations à venir pourraient augmenter de façon non négligeable les manifestations de violence partout dans le monde.

Les résultats de vos travaux concernent-ils toutes les sortes de violences, toutes les époques et toutes les régions ? Quelle leçon sur le genre humain en tirez-vous ?

Nous avons obtenu des résultats cohérents partout dans le monde, sur des formes de violences très variées. Ils ne laissent en revanche pas nécessairement penser que le climat influence chaque sorte de conflit de la même manière. Par exemple, il apparait que le lien de cause à effet entre de très fortes chaleurs et une guerre civile dans les zones tropicales a fortement à voir avec la manière dont les températures altèrent la situation économique de la région. Le climat peut détruire les récoltes et appauvrir des familles de fermiers, qui ne voient d’autre alternative que de déclencher ou rejoindre une rébellion.

En revanche, la relation entre températures élevées et diverses formes de violences criminelles dans des pays comme les Etats-Unis semble moins liée aux conditions économiques qu’à une réponse physiologique de base de l’espèce humaine lorsque celle-ci est soumise à de très fortes chaleurs. Toutes ces études montrent que des températures anormalement élevées rendent les gens plus agressifs, et que cela suffit à faire fortement grimper le nombre d’actes de violence interpersonnelle, comme des agressions, des viols ou des meurtres.

Certains événements climatiques sont-ils à l’origine de formes spécifiques de violences ?  La Révolution française pourrait-elle par exemple être expliquée en partie grâce à l’étude de données météorologiques. ?

Les formes de violence ne sont pas déterminées par les types de changements climatiques. La guerre civile, par exemple, peut être consécutive aussi bien à un bouleversement dans les températures que dans les précipitations. Et nous constatons la même chose en ce qui concerne les violences domestiques. Ce qui est certain, c’est que dans les pays riches l’augmentation de la violence est tout  particulièrement liée à des augmentations anormales des températures. Ce qui viendrait confirmer la thèse du mécanisme physiologique mentionné un peu plus haut.

Nous n’avons pas connaissance d’études ayant établi un lien entre la Révolution et des variations climatiques, mais cela est tout à fait possible ! Ceci étant dit, nous n’avons en aucun cas l’intention d’attribuer chaque conflit à un contexte climatique donné. Clairement, bien d’autres éléments entrent en compte dans l’explication des conflits. Simplement, le climat est l’un d’entre eux.

Propos recueillis et traduits par Gilles Boutin

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