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Pour calmer la CGT et sauver la loi Travail, le gouvernement tente "d’acheter" les cheminots mais prépare ainsi la faillite de la SNCF
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Atlantico Business

Si la CGT semble désormais plus conciliante sur la loi Travail, c’est qu’elle a obtenu des garanties sur la SNCF. Le plan de réforme interne pour plus de compétitivité est abandonné.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La gestion du pays tourne à la pagaille ou plutôt une grande partie de poker menteur. La CGT a réussi à faire peur à tout le monde en bloquant le pays sous le prétexte que la loi Travail était rejetée par la majorité des salariés. En réalité on le sait, cette loi, dans son article 2 ne gêne vraiment que la CGT, puisqu'elle rend aux salariés de l’entreprise, un pouvoir de négocier qu'ils n’avaient pas. Pour cette raison, la CFDT soutenait la loi parce qu’elle avait fait le pari, elle, de représenter les entreprises privées. Elle est en train de gagner ce pari.

Le gouvernement, lui, a cru que la CGT pouvait bloquer tout le pays et saboter à la fois l'économie, le football et le Tour de France cycliste. Du coup, selon les informations qui ont filtré, des discussions secrètes dimanche dernier entre les syndicats et le gouvernement, la CGT aurait décidé de lever le pied sur les blocages de la France en recevant l'assurance que le gouvernement serait très conciliant sur le traitement de dossiers annexes.

A la RATP, chez les contrôleurs aériens, les pilotes d’Air France, les terminaux pétroliers et surtout la Sncf. A noter, mais c’est un détail, que ces secteurs ne sont pas concernées par la loi Travail, alors qu’on avait cru comprendre que la CGT se battait au bénéfice des salariés du privé. Mais passons !

Tout se passe comme si l'Elysée avait ouvert un open bar, où tous ceux qui ont mal à leurs conditions de travail, ou qui ont un bobo à leur salaire peuvent venir se plaindre et obtenir un calmant.

Alors cette semaine, on va assister au fonctionnement plein régime du bureau des plaintes. Les pilotes d’Air France, les contrôleurs aériens, les ports et les aéroports, et les cheminots vont défiler devant l’opinion pour se plaindre. Et se plaindre, en général, ça passe par la menace de grève. 

La semaine va faire un peu désordre, les avions seront en retard, il y aura moins de TVG à rouler... mais on en n’est pas au blocage total.  

La raison de tout cela c’est qu’on va assister à un vaste mouvement d’acteurs et de décor. Au-delà des mots, des langues de bois, des injonctions des uns et des menaces des autres, on s’oriente cahin-caha vers un retour au calme relatif, ce qui sauvera les apparences au moment de l'Euro.... Mais à quel prix ?

Les grandes manœuvres se déroulent sur trois fronts...

1er front, la CGT a pris conscience qu’elle était arrivée au bout du bout de la provocation et des blocages. Il lui fallait amorcer et négocier les conditions du déblocage parce qu’elle commençait à accumuler les critiques. D'autant plus qu’il y a des élections professionnelles dans les PME-PMI et qu’elle risque de les perdre.

2e front, les syndicats réformistes ont entamé une campagne de pédagogie et d’explications sur le contenu de la loi Travail pour prouver qu’il y avait des facteurs de progrès dans cette loi. L’inversion de la hiérarchie des normes au profit des entreprises par exemple pouvait redonner du pouvoir aux salariés. La thèse de la CFDT a séduit beaucoup de salariés dans les PME-PMI qui se sentent trop souvent isolés.

3e front, le gouvernement a cherché tous les moyens de résoudre cette quadrature du cercle : comment sauver la loi Travail sans vexer la CGT, ni humilier la CFDT. Il a offert quelques concessions à la périphérie de la loi Travail en suspendant ou même en abandonnant des négociations sociales engagées à la SNCF.

Cela dit, ce qui est offert à la SNCF va calmer les cheminots, la CFDT a d’ailleurs suspendu son ordre de grève et les autres y vont à reculons parce qu’ils ont pratiquement obtenu tout ce qu’ils demandaient sans avoir à négocier. Le gouvernement a pris sur lui de désamorcer ce débat au grand regret du président de la SNCF qui depuis des mois en faisait non seulement une question de principe, mais un outil de compétitivité pour l'avenir.

La SNCF est pourtant dans une situation catastrophique. Elle est surendettée, elle a des besoins de financement considérables rien que pour restaurer et entretenir ses lignes, changer son matériel, et surtout, elle est en situation de faiblesse très grave dans la concurrence qui va s'ouvrir sur ses lignes avec les transporteurs privés et étrangers.

Si la SNCF ne redresse pas son compte d’exploitation, elle est morte. Les composantes essentielles de ses charges d'exploitation sont très connues : il s’agit de ses frais de personnels, des salaires, et des retraites.

Sur les salaires, la direction avait entamé une réforme des horaires, de la durée et des conditions de travail pour améliorer la productivité.

Sur les retraites, il fallait absolument enrayer cette course au déficit grotesque. Il faut donc revenir sur l’âge de départ à la retraite ou modifier le montant de la retraite.

C’est cette négociation fondatrice d’un nouveau modèle social qui était en cours à la SNCF et qui ne se passait pas si mal, qui est désormais remise en cause.

Tout se passe comme si le gouvernement, pour sauver sa loi Travail et surtout pour éviter à la CGT un recul honteux et en rase campagne, sans humilier la CFDT, avait acheté les cheminots qui sont en majorité CGT ou FO.

Qui paiera ? Le voyageur et le contribuable.

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