PLF 2023 : le rugueux scepticisme du Haut-Conseil aux finances publiques face aux prévisions du gouvernement<!-- --> | Atlantico.fr
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Le niveau d'endettement de la France est fort préoccupant rapporté à notre potentiel fiscal.
Le niveau d'endettement de la France est fort préoccupant rapporté à notre potentiel fiscal.
©Ludovic MARIN / AFP

Budget

Alors que le projet de budget 2023 sera dévoilé en Conseil des ministres le 26 Septembre, la polémique enfle sur les futures conditions de son approbation par le Parlement : 49-3 ou pas ?

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Loin de cette agitation surjouée, il est crucial de se concentrer sur le fond du sujet, d'autant que notre niveau d'endettement est fort préoccupant rapporté à notre potentiel fiscal.

En effet, ce n'est pas tant au PIB qu'il faut rapporter la dette mais à notre capacité de remboursement via les collectes d'impôts. Pour fixer un ordre de grandeur, le déficit budgétaire de l'an dernier ( soit 143,8 Mds ) est équivalent à deux fois les rentrées de l'impôt sur le revenu et dépasse les 100 Mds arrondis d'encaissements de TVA.

La rentrée est difficile pour les ménages et celles et ceux qui ont du mal à boucler leur budget familial demandent à l'État de la sobriété.

Au lieu de cela, le déficit pour 2023 risque fort de dépasser les 125 Mds compte-tenu notamment de l'impact des aides de type bouclier énergétique.

Bien des citoyens ont compris que cette histoire de bouclier énergétique n'est qu'un processus de différé et que le consommateur protégé en apparence sera, le moment venu, un contribuable fort dépourvu.

Décidément cet exécutif aime les fables plutôt que la gestion de bon père de famille.

Combien de mauvaises nouvelles – antérieures aux scrutins présidentiel et législatif – sont apparues depuis les élections ?  Les voix de la raison, telles que celles de Jacques de Larosière, auront été couvertes d'un tohu-bohu qui interroge – comment le nier ? – la maturité de notre démocratie.

La majorité relative de l'Assemblée vient de la volonté des citoyens de ne plus confier " les pleins pouvoirs " à un président qui a joué à cache-cache avec les chiffres et méprisé tous ceux qui n'étaient que dans leurs légitimes rôles et fonctions de lanceurs d'alerte. D'ailleurs, si tout avait été limpide, un certain Bruno Le Maire aurait été, loyalement, chercher une validation électorale dans son fief de l'Eure. Je garde en mémoire sa phrase sur " les fondamentaux de l'économie française sont solides ".  Quel art de l'esquive pour un élu du département de Pierre Mendès-France…

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La vérité de la situation a été masquée le temps de l'élection avec la complicité d'agents économiques qui désormais sont en train de comprendre qu'ils seront aussi dans le camp des perdants de la bataille de France.

Inflation virulente et durable, choc d'offre  ( suspensions d'activité des entreprises énergivores telles que le triste cas de DURALEX,  aléas logistiques, hausses des prix de production à deux chiffres, etc ), consommation des ménages en repli sont autant de faits qui seront les partenaires potentiels de pénuries diverses ou de rationnements énergétiques hivernaux.

Dans un dîner chez Françoise Giroud le soir de l'élection du 10 mai 1981, Pierre Mendès-France avait déclaré :  " Maintenant çà va tanguer ! ".

Oui, Emmanuel Macron votre victoire dénaturée par le revers des législatives va alourdir le climat et " çà va tanguer ".

Une immense foule de citoyens a compris que vous êtes un endetteur public.

Peu importe que je l'écrive : en revanche il est loisible de lire le verdict porté par le Haut Conseil des Finances Publiques qui a désormais clairement atteint un cursus institutionnel qui mérite le respect.

Dans son Avis n° HCFP-2022-2 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2022  rendu le 4 juillet 2022, on relève le début de ses conclusions qui sont éclatantes de clarté.

" Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement de l’article liminaire du premier projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022 le 29 juin 2022, en vue de rendre un avis deux jours plus tard. Un tel délai, nullement justifié par l’urgence, est très réduit au regard de la complexité du contexte macroéconomique et de l’ampleur des mesures contenues dans ce PLFR. Il rend particulièrement difficile l’exercice par le HCFP du mandat qui lui est confié par la loi organique.

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Le Haut Conseil estime que la prévision de croissance pour 2022 du Gouvernement n’est pas hors d’atteinte mais est un peu élevée. L’inflation prévue pour 2022 paraît à l’inverse un peu sous-estimée. La prévision de croissance de la masse salariale pour 2022 est quant à elle plausible.

Le déficit public prévu par le Gouvernement s’établit à 5,0 points de PIB en 2022, stable par rapport à la loi de finances initiale (LFI), mais avec des recettes et des dépenses plus élevées de presque 60 Md€.

Cette prévision paraît affectée de risques essentiellement défavorables. "

A l'heure présente, le niveau d'inflation pulvérise la prévision émise en Juillet par un Gouvernement adepte du " window-dressing ". Quant à la croissance, la prévision ne tient plus la route mais reconnaissons que l'impact de l'invasion de l'Ukraine était difficile à envisager dans de telles proportions.

Ainsi : " La Cour des comptes estime que l'objectif fixé par le gouvernement de ramener le déficit public à 5% fin 2022 est menacé par la hausse des dépenses de près de 60 milliards d'euros par rapport à la première mouture du budget 2022 et par l'évolution de la guerre en Ukraine."

Nous verrons prochainement l'analyse du HCFP relatif au budget 2023.

Pour compléter la situation, il est requis de se référer à  l'Avis n° HCFP-2022-3

relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2022 à 2027 rendu public le 26 juillet 2022.

"Le Haut Conseil a été saisi des prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité près de trois mois après la date normale, au-delà même du calendrier électoral. Malgré ce délai inhabituel, le projet qui lui a été soumis présente de nombreuses faiblesses.

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Le Haut Conseil réitère l’appréciation qu’il avait portée dans son avis sur le premier projet de loi de finances rectificative, selon laquelle la prévision de croissance du Gouvernement pour 2022 (+2,5 %) n’est pas hors d’atteinte mais est un peu élevée. Il estime que c’est aussi le cas de celle pour 2023 présentée dans le programme de stabilité (+1,4 %). L’inflation prévue pour ces deux années (+5,0 % puis +3,2 %) paraît à l’inverse sous-estimée. Le scénario retenu d’un retour de l’inflation en dessous de 2 % dès 2024 paraît lui aussi volontariste."

En clair, le HCFP n'adhère pas à la trajectoire du Gouvernement.

Et l'actualisation des chiffres, par exemple par l'Institut Rexecode, depuis fin juillet alourdit le tableau.

A ce stade et en conclusion, il faut s'imprégner de l'analyse fondamentale du Haut Conseil qui déroule un avenir rugueux pour nos Finances publiques.

" Malgré ces hypothèses de croissance très positives, la trajectoire de finances publiques retenue par le Gouvernement affiche une réduction du déficit peu ambitieuse au regard des engagements européens de la France et nettement moins rapide que celle prévue par nos partenaires européens, avec un déficit public revenant à peine sous les 3 points de PIB en 2027 ( 2,9 points de PIB ).

…/…

La dette publique serait quasi stable sur toute la période à un niveau élevé ( 112,5 points de PIB en 2027 ). La situation de finances publiques de la France continuerait ainsi de se dégrader par rapport aux autres pays comparables de la zone Euro.

Dans un contexte géopolitique économique et de politique économique très incertain, cette trajectoire ne laisse AUCUNE MARGE DE SECURITE  ( ndlr : nous soulignons ). Avec une croissance moins élevée que dans le scenario optimiste du Gouvernement, le déficit serait encore supérieur à 3 points de PIB en 2027 et le ratio de dette ne cesserait de croître sur toute la période. "   

Ce verdict de professionnels est assez glaçant, tout autant que lucide.

Alors ?  La France " malade de l'Europe "  Est-ce notre destin commun ?

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