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Philippe De Veulle, avocat des victimes françaises de l’attentat du musée du Bardo à Tunis : “Voilà pourquoi nous ne nous rendrons pas au procès”
©Reuters

Comparution

Le procès de l'attentat du musée du Bardo à Tunis va s'ouvrir le 31 octobre prochain. Maitre De Veulle, avocat de certaines des victimes de cette tuerie ne se rendra pas à l'audience. Ce choix peut surprendre. Il explique sa démarche.

Philippe De Veulle

Philippe De Veulle

Avocat au Barreau de Paris, Philippe de Veulle est diplômé du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques (CEDS) – filière Collège interarmées de défense –, titulaire d'un Master (DEA) en économie et développement de l'Université Paris Descartes et auditeur de la 20ème session de l'Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ). Il est également auditeur à la 66 e session nationale de l'IHEDN

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Atlantico : Le 18 mars 2015, un attentat terroriste venait frapper le musée du Bardo, à Tunis, causant la mort de 22 personnes, dont plusieurs Français. Vous êtes l'avocat de plusieurs de ces victimes, et vous avez fait le choix de ne pas vous rendre au procès. Pour quelles raisons ?

Philippe de VeulleSix présumés complices terroristes ont été relâchés par le juge d'instruction du bureau n°13 Monsieur Béchir AKREMI, au motif d'aveux obtenus sous la torture. D'ailleurs, le magistrat détaché, correspondant à l'ambassade de France à Tunis nous a fait comprendre que par sa plus Haute cour, la justice tunisienne avait validé la procédure de l'enquête. Nous la contestons avec la plus vive énergie.

Malgré les affirmations de la justice tunisienne aucune torture n'a jamais été  prouvée de manière tangible. De plus un rapport de l'association nationale de lutte contre la torture en Tunisie de 2015/2016 ne mentionne pas les noms des présumés terroristes torturés, rapport rédigé en langue arabe, que nous avions remis en main propre au précédent Président de la République, François HOLLANDE, le 26 septembre 2016. Derrière ce tour de force de la  justice, se cache une querelle entre les différents services tunisiens d'enquête de la brigade anti-terroriste, restée fidèle au Benalislme, et de la garde nationale, infiltrée par le parti Ennhadha.

Nous n'osons pas imaginer que ce magistrat de liaison de l'ambassade de France représente la voie officielle du gouvernement français, alors  que nous nous battons sans relâche pour faire éclater la vérité.

De même, le 21 mars 2015, au lendemain de l'attentat du Bardo la Sous direction antiterroriste (SDAT) de la Direction centrale de la police judiciaire et de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont dépêché une délégation d'agents pour une visite des lieux du crime de l'attentat islamiste où 4 de nos compatriotes ont été tués et 6 autres gravement blessés.

Elle sera effectuée au pas de course en quarante minutes. Les policiers français indiquent en préambule "le magistrat nous autorisait une rapide visite des lieux, mais exigeait que l'on demande son accord préalable avant de prendre des photos, " La délégation pouvait prendre des photos du parking à l'extérieur, mais exigeait que l'on demande son accord préalable avant de prendre des photos. S'ils peuvent réaliser des clichés sur le parking, il n'en va de même à l'intérieur: "A ce stade, il nous était confirmé l'interdiction formelle de prendre des clichés photographiques. [...] le magistrat ne s'attardait pas à l'étage, et nous redescendions rapidement par un autre escalier jusqu'au hall du rez-de-chaussée. M. AKREMI mettait alors fin à la visite sans avoir, à aucun moment, précisé à quel endroit avaient été retrouvés les corps de victimes françaises."

Il est à relever qu'une note de la DGSI du 27 août 2015 s'étonne de la libération de Mohamed Amine GUEBLI, présenté comme l'un des hommes clés de la cellule terroriste. Ces faits avaient été révélés alors par l'Express.

La vidéo qui est fournie dans cet article montre un interrogatoire de ce dernier relâché pour avoir fait des aveux extorqués sous la torture. On observe bien que Mohamed Amine GUEBLI, expose de manière badine et conviviale les faits à ses enquêteurs en toute quiétude. On ne ressent à aucun moment de l'agressivité de la part des policiers et n'apparaît sur le présumé complice terroriste aucune marque de torture.

Mohamed Amin GUEBLI, discutant de manière badine avec les policiers

Aussi, dans la thèse excipée par la justice tunisienne, comment expliquer que les fadettes téléphoniques, qui  prouvent  que les présumés terroristes communiquaient entre eux et se trouvaient dans les zone de repérage de l'attentat. Ces éléments matériels aussi précis  et incontestables contredisent les aveux extirpés par la torture.

La douleur est encore plus grande pour les victimes, lorsque les officiels français  se rendent en Tunisie, se recueillant, en grande pompe devant le musée du Bardo en mémoire des victimes, et n'ont à aucun moment daigner répondre à leur requête légitime.

Cette palinodie judiciaire tunisienne veut imposer aux victimes un procès de convenance standardisé. Cela est inacceptable.

​Un autre de vos clients, Monsieur Walid Zarrouck est actuellement emprisonné pour avoir dénoncé les dysfonctionnements des enquêtes relatives aux attentats de Sousse et du musée du Bardo. ​Quels sont les soupçons qui planent sur cette enquête ? 

L'ironie cruelle de la justice tunisienne lui oppose les lois de la lutte contre le terrorisme, pour avoir publié , sur les réseaux sociaux,  le noms de fonctionnaires de la police et de la justice compromis dans l'enquête qui ont participé à la remise en liberté des présumés complices terroristes. Il est pour nous un lanceur d'alerte courageux et un homme intègre, qui n'a pas hésité à se mettre en danger pour dire la vérité.

Ce dernier a d'ailleurs écrit une lettre adressée le 08/09/2016 aux victimes  des attentats du musée du Bardo et de Sousse depuis sa cellule pour les avertir des graves agissements des enquêteurs de la justice et de la Garde nationale pour déformer la vérité. Monsieur ZARROUCK a adressé une lettre aux victimes du Bardo et de Sousse pour les avertir, que nous publions dans cette interview.


Lettre de Walid Zarrouk, syndicaliste policier emprisonné, s'adressant aux victimes du Bardo et de Sousse

Quel est le soutien apporté par les autorités françaises dans votre action ? 

Nous avons écrit au ministre des affaires étrangères Monsieur Jean Yves Le Drian, pour lui Expliquée nos préoccupations. Nous avons reçu une réponse de son chef de cabinet qui nous a expliqué que les services restaient en contact par la voie diplomatique avec la justice tunisienne et qu'il transmettait nos griefs à ces mêmes autorités.

Cela ne nous convient pas vraiment, car nos clientes sont profondément bouleversées et choquées de la distance des autorités française face à leur demande de prise en compte de leur demande légitime sur la manifestation de la vérité et de la réparation de leur préjudice subi depuis Le début de l'affaire.

En conséquence, nous avons demandé à la juge d'instruction française, Madame Isabelle Couzy, une demande d'acte pour obtenir six mandats d'arrêt international à l'encontre des six présumés terroristes relâchés, transmise en copie à Monsieur Le Procureur de la République Francois Molins.

La lutte contre le terrorisme international, s'inscrit aussi dans la manifestation de la vérité et par une enquête judiciaire digne de la plus grande indépendance.

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