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Patatras : les scientifiques dégradent le petit déjeuner qui n'est plus le repas le plus important de la journée
©DR / De l'autre côté du lit

Un repas comme les autres

Une méta-analyse américaine de 92 études n'a trouvé aucune preuve significative des bénéfices du petit-déjeuner, réputé le plus important repas de la journée, sur la perte de poids. Malgré tout, les idées fausses sur l'obésité perdurent.

Patrick Tounian

Patrick Tounian

Patrick Tounian est professeur de pédiatrie, chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris.

Il dirige le diplôme universitaire " Nutrition et Obésité de l'enfant et de l'adolescent " à Sorbonne Université et intervient comme expert reconnu en nutrition pédiatrique dans de nombreuses conférences.

Ancien secrétaire général de la Société française de pédiatrie et président de la Société francophone de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, il est actuellement président de l’Association des pédiatres de langue française. Il est l’auteur de nombreux livres et publications scientifiques sur la nutrition et l'obésité de l'enfant et de l'adolescent.

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Atlantico : Plusieurs études américaines récentes, dont celle menée par l'université d'Alabama, remettent en cause l’utilité du petit-déjeuner, ne le considérant plus comme le repas le plus important de la journée, mais un repas comme les autres. Leurs résultats démontrent qu’il n’existe pas de corrélation entre l’absence de petit-déjeuner et le risque de surpoids ou d’obésité. Partagez-vous ces conclusions ? 

Patrick Tounian : Non seulement je les partage, mais je les revendique depuis une petite dizaine d’années. Le fait que les obèses, enfants comme adultes, mangent moins au petit déjeuner, ce qui est un constat unanime, n’est pas la cause de leur obésité mais la conséquence. Il y a donc bien un lien entre manger moins au petit déjeuner et être obèse, mais ce n’est pas la cause. Donc sauter le petit déjeuner ne rend pas obèse.

D’où vient donc cette vieille habitude du petit-déjeuner ?

Selon les résultats des études, on observe une association statistique entre le fait d’être gros et le fait de moins manger au petit déjeuner. Résultat : il y a eu une tendance à vouloir faire des interprétations, dont celle-ci, simpliste : c’est parce que les obèses ne mangent pas assez au petit déjeuner qu’ils prennent du poids. Ainsi, ils ont tendance à manger plus en deuxième partie de journée, sachant que ces calories ingérées ont un rendement plus important qu’en début de journée, c’est à dire avant d’avoir une activité physique minimum. Or, cette explication, qui a longtemps été avancée, est totalement fausse. Une calorie reste une calorie, qu’elle soit ingérée le matin à 8 heures ou le soir à 23h. L’obésité n’est pas une histoire de calories. Nous savons aujourd’hui, notamment chez l’enfant et l’adolescent, que l’obésité est principalement déterminée génétiquement. Le fait de sauter un repas ou de manger 10 fois par jour, n’y change rien. On nait obèse ou on ne l’est pas. 

Comment expliquer que la communauté médicale soit toujours divisée sur le sujet ?

Selon un dicton, il faut "manger comme un roi au petit déjeuner, comme un prince au déjeuner et comme un mendiant au dîner". Cela vient du fait que les obèses ont plutôt tendance à manger en deuxième partie de journée. Mais je voudrais atténuer mon propos. Lorsqu’on veut faire maigrir un obèse, il arrive souvent que des adolescents n’aient pas mangé au petit déjeuner, parce qu’ils n’en n’avaient pas envie. A midi, ils mangent alors peu à la cantine, car la nourriture n’y est pas bonne. Et donc, à leur retour à la maison, vers 16h, ils sont affamés et se jettent sur la nourriture de manière incontrôlable. Or, pour maigrir en cas d’obésité, il faut contrôler son alimentation et manger moins que sa faim. Chez ces enfants en particulier, il faut essayer de trouver des stratégies pour qu’ils prennent un petit déjeuner non pour les faire maigrir mais pour qu’ils aient moins faim lorsqu’ils retournent chez eux, afin de mieux contrôler leur restriction alimentaire. Il s’agit là d’une stratégie d’amaigrissement et en aucun cas d’un principe systématique. 

L’absence de petit déjeuner est-elle liée à d'autres risques sanitaires (diabète, maladies cardiovasculaires) ? 

Aucun. Le seul risque, c’est le coup de barre en fin de matinée. Au lever, certains adolescents, n’ont pas faim ou sont incapables d’avaler quoi que ce soit. Mais vers 11 heures, ils leur arrivent de ressentir un coup de fatigue. Ils deviennent alors moins attentifs en cours. Il leur est alors conseillé de consommer une barre chocolatée vers 10h. Mais beaucoup d’adolescents parviennent à tenir sans problème jusqu’à midi. En tout cas, il n’y a aucun lien entre la prise de poids et le moment de la prise alimentaire au cours de la journée. En revanche, dans l’autre sens, on observe par exemple des maigres qui mangent souvent mais très peu. Ils grignotent et ont un nombre de repas augmenté. Mais les obèses, s’ils mangent suffisamment à table, ne grignotent pas. Il y a une association entre le nombre de repas et la corpulence mais elle est en sens inverse à la croyance populaire. Les maigres mangent plus souvent entre les repas que les gros. Ce n’est donc pas la cause de leur maigreur ou de leur obésité, c’est bien la conséquence. 

Quel est selon vous le petit déjeuner idéal et quelles sont vos recommandations ?

Pour moi, le petit déjeuner idéal n’existe pas. Bien évidemment, certains vendeurs de céréales ont tout à fait intérêt à promouvoir leurs produits. Cette idée qu’il faut absolument manger des céréales le matin pour reconstituer les réserves en glycogène du foie, qui ont été épuisés durant la nuit, n’est pas totalement fausse d’un point de vue scientifique, mais n’est pas du tout indispensable. Vous avez en effet toute la journée pour les reconstituer. C’est la même chose concernant le goûter, un repas français qui n’existe pas dans la plupart des pays étrangers. Là encore, cela à voir avec le commerce, pas avec la science. Concernant mes conseils, je m’adapte chaque fois au patient que j’ai en face de moi. Il s’agit donc d’une prise en charge individualisée. En aucun cas, je ne les oblige à prendre un petit déjeuner. Les gens font ce qu’ils veulent. S’ils veulent manger un bifteck frites au petit déjeuner, pourquoi pas. 

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