Ouverture du marché européen du travail à la Roumanie et la Bulgarie : quel impact pour les réseaux criminels de l'Est ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Ouvriers roumains installant le drapeau national de la Roumanie.
Ouvriers roumains installant le drapeau national de la Roumanie.
©Reuters

Le bonheur des uns...

En ouvrant intégralement le marché du travail européen à la Roumanie et la Bulgarie, Bruxelles risque implicitement de faciliter la tâche de certains réseaux criminels trans-nationaux qui prospèrent grâce aux mobilités territoriales.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Atlantico : Depuis le 1er janvier 2014, le marché européen du travail est entièrement ouvert à la Roumanie et la Bulgarie alors que ces deux pays étaient naguère soumis à des restrictions imposées par chaque pays membre. N'y a-t-il pas un risque de voir les réseaux criminels d'Europe orientale en profiter ?

Xavier Raufer :Il y a dans toute cette affaire beaucoup de confusion - intéressée ou due à l'ignorance. Les Balkans en général, notamment la Roumanie et la Bulgarie, ont connu depuis le XIXe siècle d'intenses brassages de population, souvent de sanglants nettoyages ethniques, et ce que signifie en fait "Roumain" ou "Bulgare" est tout sauf clair. Pour aller à l'essentiel, ces pays comprennent des populations indigènes et de multiples minorités, dont deux importantes :

- la population turcophone, laissée sur place lors de l'effondrement de l'Empire ottoman,

- des nomades arrivés au fil des siècles en Europe du sud-est depuis l'Inde, tournant depuis lors dans ce cul-de-sac, faute de pouvoir longtemps gagner l'Europe occidentale, du fait de frontières alors efficaces.

Ajoutons à cette difficulté d'origine une corruption plutôt massive dans toute la région : vous voyez que répondre à votre question n'est pas simple.

Prenons le cas de la Roumanie. En provient d'une part l'émigration roumaine/indigène, c'est-à-dire d'ouvriers ou d'étudiants cherchant un job en Europe de l'ouest ; mais aussi celle de Roumains/roms désireux d'y accéder - peut être pour s'y intégrer ; souvent pour y mendier, fouiller les poubelles, etc. En France, du fait du politiquement correct, les médias, les fonctionnaires et politiciens nomment "Roumains" ces deux catégories, ce qui obscurcit les choses. Chez les Roumains-indigènes comme chez les Roumains-Roms, existent des minorités de brigands ; des clans accédant à l'Europe de l'ouest pour y commettre des pillages et rapatrier ensuite le butin au pays.

Or, dans toute l'Europe, la criminalité des clans prédateurs roms est d'ores et déjà massive : des criminels roms y sont souvent condamnés pour de multiples crimes : vols à main armée violents, exploitation et esclavage sexuel de personnes de leurs propres clans, parfois leurs épouses et rejetons mineurs, fraudes aux prestations sociales, trafics de stupéfiants, faux monnayage, vol de fret sur les autoroutes,cambriolages en série etc.

Une criminalité massive, en proportion du nombre total des migrants roms. Ici, les chiffres fournis par la Grande-Bretagne sont révélateurs - le gouvernement français évitant de publier ces données. Selon ses statistiques officielles, la Grande-Bretagne héberge environ 68 000 "Roumains", parmi lesquels les Roumains non-roms ne sont qu'une infime minorité. Il existe bien sûr aussi des prédateurs roms de Croatie, de Serbie ou de Bosnie, non décomptés dans les statistiques qui suivent.

Or de 2008 à 2012, 27 725 de ces 68 000 "Roumains" ont été arrêtés en Grande-Bretagne - 40% du total, 18 par jour ! - pour 142 viols, 10 homicides, 303 vols à main armée, 2 094 cambriolages et 7 500 vols avec violence ou coups et blessures volontaires. Ces infractions ne sont bien sûr que celles connues de la Justice, parmi d'autres non détectées. De 2008 à 2012 et en comparaison, les 546 000 Polonais installés en Grande-Bretagne n'ont connu que 35 000 arrestations.

La Roumanie et la Bulgarie ont récemment initié des politiques laxistes en termes d'obtentions de la nationalité, Bucarest ayant récemment proposé des passeports à 4 millions de Moldaves tandis que Sofia a déjà délivré 90 000 passeports à des ressortissants Macédonien. Faut-il craindre de voir ces pays devenir, comme la Grèce, une porte d'entrée pour les circuits criminels ?

Mais ils le sont déjà et bien plus que la Grèce. N'oublions pas que les malfaiteurs sont par définition des hors-la-loi. Ils préfèrent certes accéder légalement, sans risques ni frais, à l'Europe occidentale - sinon, ils y entrent clandestinement, grâce aux ficelles du crime organisé : corruption, violence, intimidation... Le proxénète "roumain" préfèrera bien sûr envoyer une fille à Paris ou à Londres par avion low-cost, mais si c'est impossible, il n'aura qu'à corrompre deux douaniers italiens ou autrichiens sur le trajet - ce que rapporte une prostituée dans l'année lui permettra aisément ce modeste investissement de quelques milliers d'euros...

Donc, pour répondre en criminologue : je ne sais quel effet cette ouverture officielle produira sur la migration licite et si demain, nous devrons craindre le "menuisier bulgare" après le "plombier polonais", mais en terme de migration illicite, autorisant ensuite toutes sortes d'activités criminelles, le plus gros est fait depuis une bonne douzaine d'années.

Lors de l'offensive visant Milosevic, en 1999, les forces de l'Otan ont en effet commis l'immense ânerie d'ouvrir la boite de Pandore du Kosovo et alors, laissé la mafia albanaise se répandre dans toute l'Europe, à la vitesse d'un virus informatique. Ces mafieux installés, ils ont bien sûr invité leurs alliés des Balkans à partager le business. Donc pour moi, le mal est fait.

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