OTAN : les Européens à la ramasse en Libye<!-- --> | Atlantico.fr
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Les ministres de la défense de l'OTAN réunis le 6 avril dernier à Bruxelles.
Les ministres de la défense de l'OTAN réunis le 6 avril dernier à Bruxelles.
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Otan en emporte le vent

Coup de gueule du secrétaire d'Etat américain à la défense Robert Gates pour déplorer le manque de capacités des membres de l'OTAN. Décryptage d'une mise en garde alors que la guerre en Libye paraît s'enliser

Jean-Bernard Pinatel

Jean-Bernard Pinatel

Général (2S) et dirigeant d'entreprise, Jean-Bernard Pinatel est un expert reconnu des questions géopolitiques et d'intelligence économique.

Il est l'auteur de Carnet de Guerres et de crises, paru aux éditions Lavauzelle en 2014. En mai 2017, il a publié le livre Histoire de l'Islam radical et de ceux qui s'en servent, (éditions Lavauzelle). 

Il anime aussi le blog : www.geopolitique-géostratégie.fr

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Le secrétaire américain à la Défense de George Bush, et maintenu par Obama, Robert Gates quitte ses fonctions à la fin de mois de juin. En guise de testament politique,  il a dit avec force, vendredi 10 juin, ce que les Américains pensent de leurs alliés européens.

Il les a mis en garde contre "une alliance à deux vitesses" résultat du manque d'investissements militaires et de volonté politique.

Prenant en exemple le cas libyen, Gates a souligné avec raison que seulement 8 des 28 pays de l'Otan - Belgique, Canada, Danemark, Etats-Unis, France, Italie, Norvège et Royaume-Uni - participent aux frappes aériennes en Libye. La moitié des Etats membres de l'Alliance atlantique n'apportent aucune contribution. Gates attribue cet absence de soutien à une insuffisance de capacités militaires : "Franchement, bon nombre de ces alliés restent à l'écart, non pas parce qu'ils ne veulent pas participer, mais simplement parce qu'ils ne peuvent pas. Les moyens militaires ne sont tout simplement pas là", a déploré M. Gates.

Il n’épargne pas pour autant ceux qui agissent : "Onze semaines seulement après le début de l'opération, certains alliés commencent à manquer de munitions et exigent, une fois de plus, que les Etats-Unis compensent la différence."

Cette vigoureuse mise en garde a conduit de nombreux commentateurs à  faire plusieurs confusions qu’il importe de rectifier.

La première est sur la nature même de l’OTAN. L’OTAN n’est qu’une structure de commandement qui possède peu de moyens en propre[1]. C’est moins de 10 000 hommes et un budget de 2 Milliards de dollars[2] . En comparaison le budget militaire de la France est de 66 milliards de dollars. Ce sont les Etats membres de l’alliance qui décident souverainement de leurs budgets militaires  et qui mettent à disposition de l’OTAN des contingents plus ou moins importants en fonction des opérations décidées au niveau du conseil de l’Atlantique Nord qui regroupe les représentants des chefs d’Etats membres de l’Alliance sous la direction du secrétaire général de l’OTAN. Robert Gates a ainsi déploré que l'Otan, "l'alliance militaire la plus puissante de l'histoire", qui peut revendiquer deux millions de personnes en uniforme, ait dû "lutter, parfois désespérément, (avec ses Etats membres) pour maintenir un déploiement de 25.000 à 45.000 soldats", en Afghanistan.

La seconde confusion a été d’en tirer comme conséquence que l’OTAN n’a pas les moyens d’une victoire en Libyecar elle n’a pas la capacité de durer. Cette conclusion hâtive fait fi des plusieurs faits importants.

Le premier fait est la décision prise par l’OTAN et annoncée récemment par son secrétaire Général le norvégien Anders Fogh Rasmussen de prolonger de 90 jours la mission en Libye tandis que le chef des opérations pour la Libye, le général canadien Charles Bouchard, a estimé cette semaine que la mission de l'Otan pouvait être accomplie sans avoir recours à des troupes au sol.

Le second fait est d’ordre diplomatique. De plus en plus de pays ont reconnu ces derniers jours le Conseil national de transition (CNT) de Benghazi. Ils vont être probablement suivis dans les prochains jours par la Tunisie et l’Algérie où Alain Juppé s’est rendu cette semaine, ce qui terminera l’isolement géographique de Kadhafi  et donc ses possibilités de ravitaillement terrestre.

Enfin, et c’est un fait indiscutable le temps joue contre Kadhafi. Pourquoi ? Car plus le temps passe plus ses moyens militaires subissent une attrition quotidienne importante. Si on en croit les communiqués de l’OTAN en 7 jours du 9 au 15 juin ce sont 21 chars, 10 véhicules de combat 17 canons ou lance missile sol-sol et 18 lance missile ou canon anti-aérien qui ont été détruits. Plus le temps passe, plus les défections dans le camp de Kadhafi se multiplient Plus le temps passe plus les forces des insurgés se renforcent, s’organisent et acquièrent une expérience du combat. Les avancées de ces derniers jours en sont la preuve sur le terrain.

Il ne faut donc pas être sorti de polytechnique pour comprendre que les jours de Kadhafi sont comptés malgré la volonté farouche et la capacité de résistance de son clan.

La chute inéluctable de Kadhafi, qui interviendra probablement au cours de l’été, laissera néanmoins sans réponses les graves lacunes européennes en matière de Défense pointées du doigt par Robert Gates. 






[1] Essentiellement la Force aéroportée de détection lointaine de l'Otan (NATO Airborne Early Warning and Control Force) de 3 000 personnes civils et militaires comprenant 17 AWACS Boeing E-3 Sentry et 3 Boeing 707 basé sur la base aérienne en Allemagne[et la Heavy Airlift Wing (HAW) créée en 2009 pour le transport aérien stratégique qui dispose de trois McDonnell Douglas C-17 Globemaster III sur la base aérienne de Pápa en Hongrie.

[2] 6 pays financent à 80% ce budget  (chiffres de 2007) approximativement : Etats-Unis 26%, Allemagne 20%, France 13% , Royaume Uni 11%, Italie 8%

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