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Le train est-il vraiment le moyen de transport collectif le plus pertinent ?
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Tchou tchou

Les nouveaux horaires des trains de la SNCF entrent en vigueur ce dimanche. 85% des trains sont affectés, ce qui provoque la grogne de certains "usagers". Mais au-delà de cette question d'horaire, c'est l'ensemble du réseau français de chemin de fer qui mériterait d'être rénové en profondeur...

Pascal Perri

Pascal Perri

Pascal Perri est économiste. Il dirige le cabinet PNC Economic, cabinet européen spécialisé dans les politiques de prix et les stratégies low cost. Il est l’auteur de  l’ouvrage "Les impôts pour les nuls" chez First Editions et de "Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien" chez Anne Carrière.

En 2014, Pascal Perri a rendu un rapport sur l’impact social du numérique en France au ministre de l’économie.

Il est membre du talk "les grandes gueules de RMC" et consultant économique de l’agence RMC sport. Il commente régulièrement l’actualité économique dans les décodeurs de l’éco sur BFM Business.

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Les "usagers" comme dit la CGT ont de bonnes raisons de râler. Je préférerais écrire que les "clients"  ont le droit de se plaindre, mais le réseau français de chemin de fer a souffert de sous-investissement pendant trop longtemps et il a besoin d’être rafraichi. Je me rappelle d'un Aurillac-Clermont Ferrand dans un autorail flambant neuf, climatisé, pour tout dire très confortable, à la vitesse d'un cheval au trot… J'exagère à peine. Par endroit la voie était en si mauvais état que le train roulait à la vitesse d'un homme au pas.

Cette anecdote, pour marginale qu'elle soit, donne la mesure du défi qui attend le couple français du transport ferroviaire, la SNCF et RFF, Réseau ferré de France qui a hérité au moment de sa création de la dette de sa partenaire. Les travaux vont durer de longues années. La rénovation du rail pose une autre question, aujourd'hui interdite dans le débat politique français. Le train est-il le moyen de transport collectif le plus pertinent sur certains parcours ? Compte tenu du nombre de personnes transportées entre Aurillac et Clermont Ferrand, un service d'autobus ne serait-il pas mieux adapté et finalement moins polluant quand on sait que ces lignes ne sont pas électrifiées ? Et sur des distances plus longues comme Paris Nice ou Lille Marseille, l'avion n'est-il pas finalement plus efficace, y compris en termes d'emprunte écologique ?

Quand on mesure les vertus comparées des moyens de transport, on oublie souvent de comptabiliser dans le bilan carbone les millions de mètres cubes de bétons et de ferrailles nécessaires à la construction ou à la rénovation d'un réseau physique de transport terrestre ! Dans le contexte actuel, marqué par l'omniscience de la pensée verte, ces questions sont interdites. Il me semble qu'on devrait tout de même se les poser.

Le tout ferroviaire a ses limites, d'autant que cette activité très fortement subventionnée coûte cher à la nation. Quoi qu'il en soit, l'Etat a choisi d'injecter 13 milliards d'euros dans la rénovation du réseau. Nous étions, par endroit, arrivés au "mur de l'obsolescence". Une telle situation est le résultat de longues années de négligences. La priorité donnée au TGV s'est accompagnée d'arbitrages budgétaires et opérationnels. D'ici à 2020, le train aura gagné 30% de passagers supplémentaires. L'ampleur de la tâche se résume dans les quelques chiffres qui suivent :

  • plus de 6000 kilomètres de voies sur 30 000 seront rénovés,
  • 250 passages à niveau seront supprimés augmentant la vitesse moyenne,
  • 1000 chantiers sont programmés chaque année et, au total pour les "usagers-clients" du train, 85% des horaires seront modifiés.
  • Sur les 4 millions de Français qui utilisent le train en France chaque jour, plus de 3 millions circulent en île de France où, officiellement 10% des trains sont en retard.

C'est là que l'effort devrait être porté. Mais, les réseaux physiques de transport comme le rail sont très consommateurs de liquidités. On parle d'une activité à forte intensité capitalistique. Les grands travaux se mesurent toujours en milliards. Le projet du Grand Paris avait évalué la note francilienne à plus de 30 milliards d'euros, incluses les nouvelles lignes circulaires autour de la mégapole parisienne. En 2008, une modélisation documentée des conséquences des retards de trains en Ile-de-France avait abouti à estimer le nombre d'heures de travail détruites (du fait des retards) à environ 10 000 équivalents temps plein par an. Les salariés des lignes de RER en provenance des départements 77 et 95 et leurs employeurs savent de quoi je veux parler. Les lignes de RER les plus défaillantes ont formé des légions de chercheurs d'emplois discriminés. Quand on sait que le candidat est domicilié au fin fond de la Seine et Marne, son CV est immédiatement rejeté au profit d'un autre, mieux desservi par les transports en commun.

L'investissement financier consenti par l'Etat répond donc à un besoin social de mobilité fortement exprimé. Je suis de ceux qui pensent qu'une pause est nécessaire en termes de développement du réseau à grande vitesse. La liaison Est, Rhin Rhône qui doit relier Mulhouse et Dijon va jeter 11 millions de voyageurs supplémentaires sur le réseau français. De grands chantiers d'augmentation de la vitesse sur les LGV actuelles sont en cours. La France est bien le paradis de la grande vitesse. C'est un progrès incontestable, même si la course à l'échalote a créé de véritables déserts ferroviaires. Je pense en particulier aux lignes du centre, Paris, Limoges, Brive, Toulouse ou Paris Clermont. Le Paris Toulouse d'aujourd'hui via le Limousin roule moins vite que le Capitol de mon enfance !

La promesse du train était celle de l'égalité d'accès. Elle n'a pas été tenue, mais il est indispensable d'accepter la gêne occasionnée par les travaux de maintenance pour que la France conserve un outil ancien d'aménagement du territoire. 

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