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Nord-Pas-de-Calais-Picardie : comment un PS gangréné par les affaires et une déconnexion de la réalité a fait gagner la première manche à Marine Le Pen
©Reuters

Un raz-de-marée prévisible

La multiplication des affaires ayant touché le PS dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie a joué un rôle incontestable dans le score très élevé du Front national. La désaffection, pour ne pas dire l’inimitié des électeurs à l’égard des Républicains et des socialistes, alliée à la jungle de Calais toujours présente, et la sinistrose économique ont donné le coup de grâce.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Guy Mollet, emblématique figure de la SFIO et Pierre Mauroy, ancien maire de Lille et ex-premier ministre de François Mitterrand sont peut-être morts une deuxième fois ce 6 décembre
  • Embringués dans les affaires et dans l’incapacité  de proposer une réponse à la jungle de Calais, les socialistes sont totalement à bout de souffle
  • Ce 13 décembre, sur le papier, Marine Le Pen semble en mesure de l’emporter. Sauf si un Front républicain qui ne dit pas son nom se met en place au niveau des urnes 

Qui se souvient encore de la visite de François Mitterrand, venu commémorer le 20ème anniversaire, en novembre 1994, de la catastrophe minière de Liévin, l’un des fiefs du Parti socialiste dans le Pas-de-Calais ? Qui se souvient que Guy Mollet, secrétaire général de la SFIO fut, de 1945 à 1975, l’inamovible maire d’Arras ? Qui se souvient que Pierre Mauroy symbole d’une social-démocratie à la française fut un édile de Lille élu et réélu à plusieurs reprises entre 1973 et 2001 ?  Souvenirs…Souvenirs. Cruels pour ce Nord-Pas-de Calais, symbole d’une immigration réussie, d’une intégration généralement impeccable et d’une classe ouvrière âpre au travail. Ce dimanche 6 décembre, malgré la campagne ultra-volontaire de Xavier Bertrand, qui n’a jamais varié sur l’attitude à avoir face au Front National, tout a volé en éclats, avec le score très élevé –plus de 40% - du parti frontiste dans la nouvelle région Nord-Pas-de-Calais-Picardie qui devrait, à moins d’un coup de théâtre toujours possible, voir arriver à sa tête, Marine Le Pen.

A dire vrai, ce raz-de-marée frontiste ne constitue pas une surprise : l'élection, en mars 2014, de Steeve Briois à la mairie de Hénin-Beaumont constituait un premier galop d’essai après les gymnastiques financières de son prédécesseur, Gérard Dalongeville, qui eut pour mentor, un autre banni du PS, Jean-Pierre Kucheida, l'ex-député-maire de Liévin, aujourd'hui  en retraite de la vie politique... Un coup d’œil sur le score du PS dans quelques villes, lors de ce scrutin des régionales, témoigne du  profond rejet du Parti socialiste. Regardez Liévin : en 2010, le PS réalisait un peu plus de 50% des voix, tandis que le Front national frôlait les 18%. Cinq ans plus tard,  le PS chute de près de la moitié avec 26% des suffrages, tandis que le Front national multiplie, par presque 3, son score : il frôle es 49% . Des élections municipales auraient lieu aujourd'hui, Liévin pourrait se donner un maire frontiste. Regardez Arras. Depuis les régionales de 2010, le PS perd 10 points tandis que le FN passe de 13% à près de 29%... Lille parvient à limiter la casse avec un FN à 20% au lieu de 11 il y a cinq ans. Cette déconfiture du PS a évidemment plusieurs causes. Les voici, citées pêle-mêle : la nouvelle région  souffre d’une crise économique sans précédent dont témoigne un fort chômage ; les électeurs ont  le sentiment que le PS, parti jadis hégémonique et dynamique, s’est trouvé dans l’incapacité de proposer un nouveau modèle de développement ;  il a été  incapable de susciter de nouveaux leaders et donc un nouvel élan. Quant à Pierre de Saintignon, premier adjoint de Martine Aubry à la mairie de Lille, militant tout à fait estimable, son manque de charisme a sans doute rebuté les électeurs….

La jungle de Calais, n’a fait qu’accentuer le rejet des électeurs. Ces derniers, exaspérés par la présence des migrants et l’incapacité des pouvoirs publics à y mettre fin, se sont rebiffés en votant pour le Front national. Cette sous-préfecture, est l’une des villes de France, avec Fréjus (plus de 50% des voix) où le parti de Marine Le Pen a réalisé l'un de ses meilleurs scores (49%)... Ce qui signifie, que si des élections municipales avaient eu lieu ce 6 décembre, la maire de la ville, Natacha  Bouchart ( Les Républicains) aurait toutes les peines du monde à conserver son fauteuil... A ce cocktail détonnant, s’est greffé un phénomène rencontré sur tout le territoire : les électeurs ne croient plus aux partis traditionnels. Des promesses, toujours des promesses... Or ils ne voient jamais rien venir. A ce cocktail s’ajoute la montée en puissance des affaires qui ont achevé de décrédibiliser le PS, comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Et comme en 1986 où la révélation du scandale Carrefour du Développement qui mettait au jour les dérives du ministère de la Coopération  dirigé par un socialiste avait entraîné une défaite de ce même PS aux élections législatives de mars. Elle avait débouché sur la première cohabitation  imposée à François Mitterrand contraint de choisir Jacques Chirac comme premier ministre.  Près de 30 ans ont passé. La multiplication des affaires dans le Nord-Pas-de-Calais a évidemment profité au Front national . Au-delà de ce qu’on pouvait imaginer. L’illustration en a été fournie par les dérives de Gérard Dalongeville, le maire PS d’Hénin-Beaumont. Ce militant socialiste pur jus s’est laissé emporter par les délices de l'argent facile tout en favorisant certains de ses camarades à l’occasion de la passation de marchés publics.  Une dérive payée par une condamnation à trois de ans  prison – il a renoncé à faire appel- et l’arrivée aux municipales du 23 mars 2014 d’un maire frontiste, enfant du pays Steeve Briois, élu dès le premier tout avec 50, 25% des suffrages, contre un peu plus de 32 au PS et 9, 76% à Dalongeville, qui pensait naïvement que les électeurs avaient oublié sa mise en coupe réglée de la  ville d’Hénin-Beaumont.

A Liévin, on assiste également, on l’a vu, à l’effondrement du PS et à une très forte poussée du Front national. Comme à Hénin-Beaumont, le PS de Liévin paye chèrement les errements de l’ancien maire Jean-Pierre Kucheida. Il est vrai que l'ancien édile, inamovible député depuis 1981, constamment élu à la mairie avec un score à la soviétique, s'est fait prendre les doigts dans le pot de confiture. Ici, pour avoir, à des conditions avantageuses, cédé à un de ses fils une maison, propriété de la SOGINORPA, société gestionnaire du parc immobilier des Houillères qu’il présidait, là, pour s’être fait payé sur les fonds de cette même SOGINORPA des voyages d’agrément en Turquie, aux Emirats Arabes Unis et à l'île de Malte où il faisait quelques emplettes…

Tout cela fait mauvais genre, ce qui a conduit Jean-Pierre Kucheida devant les tribunaux. Ajoutez à cela l’affaire du grand Stade de Lille, dont la construction a été in fine confiée à un groupe qui proposait  pourtant un prix de 100 millions d’euros supérieur à u n concurrent, qui fait actuellement l’objet d’une information judiciaire qui pourrait conduire Martine Aubry à s’expliquer devant le juge Gentil, même comme simple témoin, on se dit que décidément le Parti socialiste, pendant des lustres, parti exemplaire, a laissé de côté les règles de la rigueur… Car si au soir du 13 décembre, il laisse les clés du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais-Picardie à Marine Le Pen, il ne pourra même pas se refaire, le cas échéant, une virginité citoyenne puisqu'il n’y détiendra désormais aucun siège. Cruelle absence : car au-delà de sa défaite, il assistera, sinon au départ, tout au  moins à la mise à l’écart probable,  de nombre de fonctionnaires régionaux ( directeur de cabinet, chef de cabinet, directeurs de services). Lesquels auront bien du mal à se recaser en raison de la défaite annoncée du PS dans d'autres régions…

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