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Nicolas Dupont-Aignan : « Laurent Wauquiez se rapproche de nous en parole mais continue dans les actes à faire le grand écart avec des centristes qui sont les complices du gouvernement »
©ERIC PIERMONT / AFP

Entretien politique

Le président de Debout la France a appelé cette semaine à une "union des droites". Pour Atlantico, il explique cette proposition, conséquence logique, selon lui, de la recomposition du paysage politique français après l'élection d'Emmanuel Macron.

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan

Nicolas Dupont-Aignan préside Debout la France, parti politique se revendiquant du gaullisme et est l'auteur de France, lève-toi et marche aux éditions Fayard. 

 

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Atlantico : Vous avez appelé cette semaine à une union des droites, regroupant LR, FN et votre propre parti Debout la France. Outre le fait que les Républicains répètent de manière constante qu’il n’est pas question pour eux de s’allier avec le FN, suffit-il vraiment de brandir l’étendard du gaullisme et du patriotisme pour vous rassembler alors que des divergences de programmes majeures existent entre ces formations notamment sur l’Europe ou l’économie ? Vous parlez de « vos valeurs communes » autour desquelles construire un programme commun mais est ce que cet attelage ne serait finalement pas aussi hétéroclite que l’UMP dont vous dénonciez l’incohérence à sa création ?

Nicolas Dupont-Aignan : Tout d'abord, ce ne sont pas les appareils qui font la vie politique, ce sont les électeurs qui impriment leur souhait aux dirigeants politiques. Ce que je constate tous les jours sur le terrain, partout où je vais, c'est que les électeurs, qu'ils votent LR, Debout la France, Chrétiens Démocrates ou Front National en ont assez de la guerre des egos, des chefs, et veulent que chacun fasse un pas vers l'autre pour sauver notre pays.

L'élection d'Emmanuel Macron a recomposé la vie politique. Certains électeurs républicains sont séduits par Emmanuel Macron ce qui explique le départ de certains dirigeants LR vers son gouvernement. Cette minorité a quitté ce mouvement, ayant clarifié sa position, libre enfin aux gaullistes, aux patriotes, à ceux qui veulent changer de cap, notamment sur l'Europe, de rejoindre une vaste coalition regroupant les "Amoureux de la France" qui s'entendent sur l'essentiel. Si chacun croit qu'il va gagner seul face à Macron, ou face à Mélenchon qui de son côté a uni la gauche radicale, et bien chacun se trompe et nous assisterons à la destruction progressive de notre pays. Il y a urgence. Nous avons certes des différences, bien sûr, mais elles sont nettement moindres par rapport à nos valeurs communes qui sont : l'indépendance de la France, une Europe des Nations et des projets, l'aide à nos PME pour produire français, la promotion de nos villes et zones rurales, une politique familiale forte, la lutte contre les communautarismes et l'islamisme radical, le contrôle de l'immigration, le renforcement de la sécurité, la justice sociale.

Vous aviez quitté l’UMP suite à la fusion du RPR avec l’UDF, maintenant que nombre d’élus centristes, UDI ou juppéistes se sont mis en rupture de ban avec LR, comment Debout la France peut-il résister à la stratégie de Laurent Wauquiez de reconquérir les électeurs partis au FN ou chez vous ? Vous êtes en quelque sorte le caillou dans la chaussure des électeurs de droite ayant envie de revanche...

C'est l'inverse ! Quantité d'électeurs et même d'élus républicains, comme l'ancien député Nicolas Dhuicq par exemple, nous rejoignent, car ils aiment à Debout La France notre sincérité, notre cohérence et notre combativité contre le gouvernement. Les Républicains sont dans une phase de transition. Laurent Wauquiez en parole se rapproche de nous, mais dans les actes continue à faire le grand écart avec des centristes qui sont les complices du gouvernement. Quand vous pensez que l'UDI soutient le candidat En Marche! à la législative partielle du 11 mars en Haute-Garonne et est dans la majorité avec le Modem et LR dans la région Rhône-Alpes, vous vous dites qu'il y a quand même un problème de logique. Nos électeurs en ont assez de l'hypocrisie. La démocratie exige la clarté.

Vous dites que des électeurs LR vous rejoignent, avez-vous aussi des discussions non officielles avec certains cadres LR ? Quelles sont les figures des Républicains avec lesquelles vous seriez totalement à l’aise dans un gouvernement ? Et celles avec qui ça coincerait ?

La question ne se pose pas dans ces termes. Je ne demande pas une fusion des appareils et leaders. Je respecte les parcours politiques de chacun. Je demande simplement qu'on se mette autour d'une table pour bâtir un programme commun pour sauver notre pays qui part dans le décor. Nous sommes tout à fait capables de nous entendre sur 90% des programmes des uns et des autres. Pourquoi ces affrontements et concurrences partisanes artificielles si ce n'est pour défendre des petits postes. Comme le disait le Général De Gaulle : "ce sont les petites soupes sur les petits feux".

Je demande à mes collègues de se hisser à la hauteur de l'Histoire de notre pays. Si nous continuons avec une immigration folle, avec des zones de non-droit, avec la destruction de la politique familiale, avec les délocalisations et la propagande macroniste, notre pays disparaitra de l'Histoire. C'est ça l'enjeu. Et je sais qu'au fond d'eux-mêmes, bon nombre de leaders républicains comme du Front National en sont conscients. Alors pourquoi restent-ils prisonniers de leur logique d'appareil.

Avec les "Amoureux de la France", nous parcourons le pays et nous ferons l'union par le terrain, par la base, car les électeurs et les militants, eux, n'ont pas de petits privilèges à sauver. Et voient l'intérêt général avant leur propre intérêt.

Dans la lettre ouverte que vous avez envoyée à Laurent Wauquiez, vous lui suggérez « d’écouter la base de ses militants et de refuser le diktat des cadres centristes qui l’entourent ». Êtes-vous si sûr que les électeurs LR soient majoritairement souverainistes, eurosceptiques, peu ou anti-libéraux sur le plan économique ? Ça n’est pas ce qu’indiquent les enquêtes d’opinion ?

Tout d'abord, je ne suis pas anti-libéral : c'est une caricature. Je ne suis pas contre l'Europe. C'est aussi une caricature. Certains électeurs qui votaient Républicains votent LREM aujourd'hui : libres à eux de soutenir ce gouvernement. Moi je m'adresse à ceux qui ont compris l'imposture Macron et qui voient bien que derrière la communication, il y a une continuité du déclin du pays. Et je sais qu'il y a énormément de Républicains qui partagent ce point de vue : c'est à eux que je fais appel. Laurent Wauquiez veut encore rattraper des gens qui ne votent plus pour lui depuis longtemps. De toute façon la clarification viendra rapidement, car on le voit et c'est leur droit, des leaders centristes quittent chaque jour Les Républicains.

C'est la fin de l'UMP qui n'avait aucune cohérence idéologique, comme cela a été la fin du Parti Socialiste qui était incapable d'afficher une ligne claire entre Macron et Mélenchon. Je demande juste à Laurent Wauquiez d'être lucide en acte autant qu'il l'est en parole quand il s'exprime devant les étudiants.

MLP a déclaré hier dans le Figaro que "la droite hors-les-murs" avait "échoué" parce qu'elle estime que le principe d'union des droites entérine "le clivage gauche-droite", clivage que le FN combat. Elle dit privilégier des alliances politiques classiques. Dans ces conditions, le FN peut-il dès lors participer à votre plateforme "Les amoureux de la France" ? Dans quel schéma une alliance avec le FN est-elle encore envisageable pour vous ?

"Les Amoureux de la France" vont au-delà de la droite car il y a une droite européiste et ultra-libérale qui est partie chez Macron. Ce que je veux, justement, et ce n'est pas incompatible avec sa déclaration, c'est rassembler tous ceux qui d'abord à droite mais aussi au-delà de la droite veulent défendre la patrie, nos valeurs, et ne l'oublions jamais, proposer un programme moderne pour que la France embrasse le XXIe siècle.

Je pense notamment au domaine scientifique, à la protection de l'environnement. En un mot, au "nouveau monde" que nous devons aussi préparer, mais pas avec la même politique que celle de Macron.

Arrêtons les faux débats. Réunissons les patriotes, les républicains, et vous verrez très vite que le peuple français, lassé du cinéma du pouvoir en place, se tournera alors vers nous. Et nous les emmènerons à la victoire.

Parmi les nombreuses réformes engagées par le gouvernement, quelles sont celles qui trouvent grâce à vos yeux ? Et quelle serait la mesure la plus dommageable pour le pays à vos yeux parmi toutes les décisions prises par Emmanuel Macron depuis son élection ?

Emmanuel Macron fait du cinéma, c'est un génie de la com'. Mais quand vous grattez la peinture, les réformes soi-disant annoncées ne sont pas si mirobolantes et même aggravent la situation du pays. Je prends un exemple concret :  on nous fait croire que la loi asile de Monsieur Collomb durcit le contrôle de l'immigration. Mais qui sait que le regroupement familial réservé aux parents et aux enfants va être étendu aux frères et sœurs, pour les mineurs isolés ? Qui sait que les mosquées salafistes se multiplient sur le territoire ? Qui sait, dans un autre domaine, que les charges sociales sur les PME vont augmenter en 2018 ? Qui sait qu'en douce, M. Blanquer, ministre de l'Éducation adulé par une certaine presse de droite supprime 1300 classes dans les zones rurales et est en train de nous préparer un baccalauréat à la tête du client puisque la moitié sera en contrôle continu ?

J'en ai assez de la propagande qui dissimule la vraie orientation du Président, la transformation de notre pays en une espèce de province de Bruxelles. Il est en train de détruire tout ce qui faisait l'exception française, dans la droite ligne de son prédécesseur M. Hollande. Je dis aux électeurs de droite notamment : "arrêtez de tomber dans le panneau !".

Mais je ne leur en veux pas puisque les Républicains ne font pas leur boulot d'opposition et que le Front National affronte ses propres difficultés. Heureusement à Debout la France, nous sommes au combat.

Il y a certes des mesures qui trouve grâce à mes yeux, par exemple il est positif que le ministre de l'Éducation affirme tourner le dos au pédagogisme ambiant, notamment en réintroduisant le latin. Mais encore faut-il que cela se traduise dans les actes. Il faudra voir la suite.

Marion Maréchal Le Pen a été la vedette américaine de la semaine. Avec sa jeunesse, sa détermination politique, sa ligne libérale conservatrice et son côté glamour, pensez-vous qu’elle ait le potentiel pour devenir la Emmanuel Macron de la droite souverainiste ?

Je n'en sais rien. Il y a tout juste six mois, elle a annoncé prendre du recul. Je n'ai pas le sentiment qu'elle soit prête à se déjuger aussi vite. Maintenant, plus nous serons nombreux à réfléchir à l'avenir, mieux ce sera. Attention cependant : le modèle conservateur américain n'est peut-être pas le plus souhaitable pour la France ; je crois que c'est à nous d'inventer notre propre modèle, et que nous n'avons pas à le copier ici ou là.

Aux États-Unis, elle a déclaré que la France, de fille aînée de l’Eglise était devenue la nièce de l’islam. Vous retrouvez-vous dans cette idée que la France serait en voie d’islamisation ?

Je pense que notre pays affronte, comme tous les pays d'Europe, une vraie menace et qu'il faut d'urgence agir pour d'une part réconcilier sur le territoire tous nos enfants quelles que soient leurs origines et religions, et de l'autre être impitoyable face à toute dérive sectaire et extrémiste. Les Français de confession musulmane attendent de notre État plus de fermeté pour ne pas être les otages des salafistes qui veulent nous conduire à une guerre de civilisation sur notre propre sol. Ne tombons pas dans leur piège.

Marine Le Pen va bientôt devoir affronter un congrès du FN qui s’annonce délicat suite a sa défaite cinglante à la présidentielle après un débat raté, au départ de Florian Philippot et aux peaux de bananes jetés par son père. Vous qui vous étiez allié avec elle, allez-vous lui donner un coup de pouce et quels conseils lui donnez-vous lorsque vous vous parlez ?

Depuis l'élection présidentielle, j'ai toujours refusé de jouer au jeu des petites phrases qu'attendent les journalistes, car elles ne servent à rien. Je suis président de Debout La France et je prépare un projet de coalition qui accepte tous ceux qui veulent sauver leur pays. Je n'ai aucun autre commentaire à faire.

Les souverainistes sont-ils en train de devenir les nouveaux libéraux ou les nouveaux trotskistes, une famille politique loin d’être marginale dans l’opinion mais éclatée en chapelles incapables de s’entendre ?

Le mot souverainiste n'est pas toujours bien compris par nos concitoyens. Je préfère, en tout cas pour moi, celui de gaulliste. La vraie question, encore une fois, est de dépasser les appellations (patriote, républicain, gaulliste, souverainiste…) pour apporter des solutions concrètes aux graves difficultés quotidiennes de nos concitoyens. Or, tout le monde sait que pour résoudre les problèmes du pays, il faut d'abord que son gouvernement ait le pouvoir de prendre des décisions. Ce n'est plus le cas en France puisque nous avons abandonné au fil du temps nos lois, nos frontières, notre budget et notre monnaie à des autorités qui ne sont pas élues. Il faut donc tout simplement reprendre en main les leviers de commandes du pays pour permettre de résoudre ces problèmes et ainsi redonner du sens à l'action politique, c'est-à-dire à la démocratie. Tout le reste n'est que littérature.

Vous avez renoncé à une partie de votre discours sur l’euro car vous considériez que cela vous faisait perdre des milliers d’électeurs, est-ce que vous comprenez que les mots européistes et mondialistes que vous utilisez pour décrire Emmanuel Macron puissent effrayer des électeurs de droite modérés par leur connotation très marquée droite nationale identitaire ?

J'emploie les mots qui me paraissent les plus adaptés. Quand un cadre est licencié parce que la société qui l'employait part en Chine ou en Roumanie, il sait très bien ce que ces mots veulent dire. Quand un transporteur routier perd son emploi parce que des gens payés deux fois moins écument nos routes, il sait très bien ce que veulent dire ces mots.

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