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Ni France périphérique ni France d’en haut, la France centrale de Johnny Hallyday
©emMarketer/Statista

Idole des jeunes

Les funérailles nationales de Johnny Halliday ont révélé l'existence d'une autre France, inconnue des médias mais qui n'est pas non plus la France périphérique. Cette France centrale a dévoilé un visage assez inattendu, qui mériterait d'être exploré avec attention... car il est dangereusement boudé par l'élite au pouvoir.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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C'est vrai que sur le parcours du cercueil de Johnny Halliday, ce qu'on appelait en son temps la "France profonde" s'était massée et communiait dans un chagrin inattendu. Cette France-là est restée dans le froid, devant l'église de la Madeleine où les obsèques avaient lieu parmi les grands de ce monde. 

Des cars étaient venus de partout pour déverser les fans ou moins fans mais quand même soucieux de participer à ce moment unique. Un bus de Franche-Comté est arrivé quelques minutes après le passage du cercueil, laissant ses occupants frustrés de n'avoir pu rendre un dernier hommage direct. Un chef d'entreprise est venu spécialement de Lambersart, dans la banlieue chic de Lille. Des Rémois tapaient le pavé en trouvant qu'il faisait trop froid. Une parisienne pleurait en souvenir de son frère défunt il y a deux ans qui adorait Johnny. 

Les absents de la cérémonie

Dans la foule, en revanche, on ne trouvait pas (ou alors étrangement peu) de minorités visibles. Les rues de Paris si souvent parcourues par des représentants de tant de nationalités colorées ont cédé la place pour une longue après-midi à un cortège ethniquement très cohérent. C'était la France "de souche" qui occupait l'espace central de Paris pour saluer Johnny. 

Et c'est probablement le signal majeur qu'il faut retenir de ces funérailles. Inconsciemment et involontairement, la commémoration de Johnny apportait le contrepoint au "Vivre Ensemble". Ni France périphérique ni France de la diversité, la France de Johnny est celle d'une identité heureuse, mais cohérente et finalement rétive à la bien-pensance. 

On ne s'étonnera pas de savoir que France Culture a boycotté Johnny pendant de nombreuses années. Il était bien l'icône silencieuse, discrète, mal assumée, d'une majorité qui résiste sans oser l'avouer en public à toutes les modes qu'aime véhiculer la radio publique. 

Valeurs Halliday, valeurs de la France centrale

On retiendra l'étonnant éloge funèbre prononcé par Patrick Bruel à la fin de la cérémonie. Le chanteur à succès a évoqué sans vergogne la nouvelle Lamborghini de Johnny, sa vie à Los Angeles, son faste, sa fortune. La France qui s'était donné rendez-vous à la Madeleine n'était pas celle de l'égalité, de la lutte des classes, de l'insoumission. C'était plutôt une France réconciliée avec ses riches et ses réussites. 

Là encore, on était loin du misérabilisme de la France périphérique, et de l'égalitarisme bien-pensant. La France qui assume les inégalités et les considère comme un élément constitutif de la société était sortie dans les rues. 

Personne n'a d'ailleurs tiqué au fait que Johnny Halliday soit enterré à Saint-Barthélémy. Ce signe extérieur de richesse fait partie intégrante de la cérémonie. Quelques semaines après le scandale des "Paradise Papers", on mesure l'écart qui sépare la France des médias et la majorité du pays. 

Halliday récupéré par les élites?

L'assistance qui a participé à la célébration religieuse avait de quoi laisser perplexe. François Hollande, Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron: un trio de présidents encore vivants, sans compter les ministres et autres personnalités politiques, ont donné leur extrême onction à un chanteur populaire. 

Le choc des cultures s'est produit. La mort de Johnny a brutalement recentré la vie politique française sur les fondamentaux d'une société présentée d'habitude comme déclinante et ringarde. 

Ce faisant, on peut s'interroger sur la récupération à l'oeuvre. Les plus hautes autorités de ce pays n'avaient pas vraiment le choix: elles se devaient d'être là. Impossible de laisser échapper une telle ferveur populaire sans lui témoigner de la sympathie. Il eut été trop dangereux de laisser cette émotion là faire florès loin du pouvoir. 

Là encore, la commémoration Halliday devrait inciter les Français "centraux" à réfléchir sur leur vrai poids dans la machine politique. 

Le retour en grâce de l'église catholique

L'importance du rituel catholique n'a échappé à personne. La fidélité de Johnny Halliday à l'église a même été rappelée à plusieurs reprises. En direct sur TF1, et partout dans Paris, les louanges à Dieu ont retenti. 

Beaucoup de Français avaient sans doute oublié ce qu'était un cérémonial catholique. Ils ont bénéficié d'une remise à niveau grandeur nature. On a même entendu des présentateurs de TF1 expliquer ce qu'était la symbolique du corps dans l'église. 

Tiens! la France catholique, non celle de la ferveur extrême, mais celle de monsieur tout le monde comme avant, celle de l'identité profonde du pays, a eu droit de cité dans les médias. Elle était au centre de la cérémonie. Et soudain, la France de 2017 s'est retrouvée dans la France de 1960. Celle, sans doute, qui habitait encore Johnny le jour de sa mort. 

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