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Net retour de la croissance mais absence de résultats tangibles : Macron face à un grand écart particulièrement périlleux
©Reuters

Atlantico Business

Le chef de l'Etat a magnifiquement réussi à provoquer un choc d’image mais ses réformes n’ayant pas délivré de résultats, le corps social s’énerve. Et pour cause.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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La publication du chiffre de la croissance française va une fois de plus amplifier l’électro choc d’image provoqué par Emmanuel Macron. Avec 1, 9% de croissance en 2017, après 1,1% un an plus tôt, le PIB a atteint son plus haut niveau depuis 2011.

Alors, c’est une bonne nouvelle qui sera présentée par les ministres du gouvernement comme la preuve que la confiance est revenue dans ce pays. Et c’est un peu vrai. La confiance est revenue et l’image de la France et de son potentiel n’ont jamais été aussi puissants.

Cette image d’euphorie est à mettre au crédit du nouveau président. Sa jeunesse, son intelligence, ses discours, la justesse de son diagnostic qui dénonce le manque de compétitivité, et l’ensemble de la politique mise en œuvre pour mettre la France dans le jeu de la concurrence internationale. Tout cela a repeint à neuf l’avenir de ce pays.

Si on y ajoute l’habileté politique à transformer la sociologie des dirigeants, le courage de considérer que l'essentiel se jouera aussi en Europe. L'ensemble a provoqué un choc d’image qui est très fort.

Lors du quinquennat précédent, la finance était notre ennemi. Aujourd’hui, la même finance est notre complice pour financer nos investissements. La mondialisation était un phénomène anxiogène porteur de chômage. Aujourd’hui, c’est une opportunité pour exister dans un monde ouvert.

Ce choc d’image s’est illustré à Versailles où on reçoit désormais les maitres du monde, Poutine et Trump y sont passés, mais surtout les présidents des plus grandes multinationales. Davos reçoit E. Macron comme une rock star alors que les prédécesseurs se bouchaient le nez rien qu‘à l’idée de savoir qu’au pied de la montagne chère à Thomas Mann, des financiers et des hommes d'entreprises pouvaient réfléchir à l'avenir.

Donc ce choc d’image n’en finit pas de résonner à l’intérieur de nos frontières et bien au delà. Le problème, c’est qu’il n’a pas engendré encore une moisson de résultats tangibles.

Le taux de croissance à 1,9%. Oui c’est bien, mais pas mieux que la moyenne européenne. C’est bien parce que ça traduit une reprise de l’investissement et de la production, mais notre balance extérieure est toujours aussi déficitaire, nos importations excessives marquent le manque désastreux de production. Les besoins existent. Nos propres capacités de production sont saturées. Avec 9% de chômage, ce pays ne crée pas ou peu d’emploi. Mais les entreprises le voudraient qu’elles ne trouveraient pas les salariés à embaucher. C’est un comble. Notre chômage est structurel, composé de gens qui sont malheureusement inemployables.

Donc pas de résultats en dehors des vagues envoyées par l’Amérique et les pays émergents.

Pas de résultats parce que les réformes fortes ne se feront pas sentir avant un an ou deux. Et encore.

L’inconnu, d’ailleurs, étant de savoir si Emmanuel Macron, qui a réalisé la réforme du travail par ordonnances, pourra réformer l’assurance chômage (qui coute cher), la réforme de la formation où on engouffre 34 milliards par an sans savoir à quoi ça sert, la réforme des services publics (trop lourds), l‘éducation nationale et la santé publique.

Les doutes sur la capacité à réformer comme prévu se sont invités dans le débat politique.

La conséquence de ces doutes comparés à l‘image et aux intentions va créer un fossé entre ceux qui croient possible un changement et ceux pour qui le changement ne se fera pas ou alors les dérangera tellement qu’ils y renonceront.

D’où le début des « emmerdes. »  Après Notre-Dame-des-Landes dont l’arrêt a semé la zizanie. Après le blocage total des négociations sur l’Unedic et sur la formation, les partenaires sociaux se sont enfermés dans leurs citadelles respectives et ont figé l’évolution. Pourquoi ? Pour combien de temps ?

Quant à la sphère publique plus régalienne, elle commence à s’agiter dans les rangs de la base qui travaille le plus. Les gardiens de prison, les services hospitaliers et des maisons de retraites et dans toutes les collectivités locales où on va commencer à couper des régies, fautes de taxes d’habitation condamnées sur l’autel de la présidentielle.

Le doute sur la capacité à réformer et sur le temps long qu’il faudra accepter pour la mise en place du changement, ce doute-là alimente le fait qu'on n'a plus le choix de supporter des situations difficiles encore longtemps.

Emmanuel Macron a tous les talents de la modernité, il a toutes les chances politiques puisqu’à l’intérieur du pays comme à l’extérieur, il n’a plus de concurrent. Son seul ennemi, c’est le temps qui passe et qui donne impression de ne pas avancer. Tout va très vite aujourd’hui sauf les réformes. On attendait une résistance du côté des syndicats, de la rue, de l’extrême gauche. On a eu tout faux. Ça c’était sous l’ancien régime. Aujourd’hui, la grogne et la rogne viennent de services ultra travailleurs et nécessaires à l’ordre public. Les gardiens de prison et les employés de maisons de retraite, une autre forme de prison.  

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