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Municipales : Macron sans réelle concurrence au niveau national, LREM sans vraie consistance au niveau local
©GEORGES GOBET / AFP

Paradoxe

Alors que le "campus des territoires" était organisé par LREM ce week-end à Bordeaux, les divisions entre le parti majoritaire et le MoDem ont été mises en lumière : les deux formations auront chacune leur candidat pour les municipales bordelaises.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : La République en Marche fait sa rentrée au Campus des territoires à Bordeaux sur fond de tensions : Cédric Villani, candidat aux élections municipales, est dans toutes les têtes. Certains "Marcheurs Libres" ont réclamé un retour à l'ADN de LREM tout en dénonçant une gestion trop pyramidale du parti d'Emmanuel Macron. La candidature de Cédric Villani aux Municipales crée-t-elle des tensions entre les Marcheurs qui souhaitent peser davantage dans ces élections à venir ?

Edouard Husson : Pour ma part, je n’accorderais pas trop d’importance au cas Villani. On peut comprendre qu’un homme de sa valeur ait du mal à accepter d’avoir été écarté au profit de Benjamin Griveaux. Mais s’agit-il de plus que de cela? Cédric Villani a un fond de convictions bien ancré à gauche et il ne s’en est jamais caché. Pour autant, quel effet aurait l’annonce d’une campagne plus à gauche que celle que va mener Benjamin Griveaux? Villani serait alors en concurrence avec Anne Hidalgo. Du coup, il a décidé de s’affirmer comme le candidat le plus écologiste de l’ensemble des concurrents, avec le risque d’être enfermé dans les quartiers acquis d’emblée au centre-gauche, sans pouvoir mordre vraiment sur les quartiers qui votent traditionnellement LR ni sur le nord-est de Paris, où les enjeux de sécurité et d’immigration sont essentiels.

Emmanuel Macron sait qu’on ne peut pas traiter un détenteur de la médaille Fields comme le premier venu. Il a plutôt intérêt à le laisser s’épuiser. Le seul cas où Cédric Villani pourrait représenter un danger, ce serait s’il avait une capacité à fédérer des opposants au sein de LREM. Mais il ne s’est même pas rendu à Bordeaux ! C’est Griveaux qui s’y trouvait. Quant aux personnalités qui ont été le plus suivies durant cette fin de semaine, ce n’était pas des personnalités de LREM mais François Bayrou et Edouard Philippe. Lorsque tel ou tel exprime des velléités de se présenter quand même s’il ne reçoit pas l’investiture du parti, c’est moins une « jurisprudence Villani » qu’un élément de plus dans le joyeux désordre qu’est LREM depuis l’origine. Comme tous les partis au pouvoir, LREM se paie le luxe d’étaler des divisions. Mais chacun sait que rien ne se décide jamais sans Emmanuel Macron. 

Se pourrait-il que ces tensions s'enveniment et se transforment en véritable fronde capable de faire éclater En Marche d'ici le scrutin de 2020 ? Ce Campus des territoires pourrait-il réussir à rassembler les troupes et ainsi gagner des villes pour les Municipales ?

Emmanuel Macron aura besoin de quelques succès spectaculaires. Imaginons que Griveaux remporte Paris, le symbole sera extrêmement fort. Il suffira de quelques autres succès et d’un score autour de 25% des voix au premier tour pour que les élections municipales soient interprétées comme un succès pour le Président à deux ans de l’élection présidentielle. Il faut bien voir, d’autre part, qu’il règnera une grande confusion autour des étiquettes: les élections municipales sont propres aux identifications floues.

Encore une fois, je ne crois pas que l’affichage d’un parti unanime aurait eu un impact. Il faudrait d’abord commencer par avoir du contenu. Or les ateliers de Bordeaux ou les discussions en plénière ont été caractérisés par un mélange de lieux communs et de bons sentiments dégoulinants. Bordeaux est la ville d’Alain Juppé, l’homme de « l’identité heureuse ». Eh bien, c’est chez lui qu’un parti au fond très juppéiste, est venu affirmer cette « identité heureuse ». Pour autant, cela n’empêche pas LREM de présenter un candidat, Thomas Cazenave, contre le maire sortant, Nicolas Florian, le successeur d’Alain Juppé. La réalité d’En Marche est là: beaucoup de flou au centre, un désordre politique affiché, sinon assumé. Et, dans tous les cas, une volonté présidentielle qui s’imposera quoi qu’il arrive. 

Si au niveau national, la seule évidence électorale est encore Emmanuel Macron, au niveau local la désignation est davantage ambiguë. Certaines villes restent fermement positionnées dans un clivage à droite comme Reims, Saint-Etienne ou Caen selon un sondage Ifop. Comment LREM va-t-elle pouvoir conquérir une majorité de villes françaises ?

Nous assistons depuis quelque temps à la « chiraquisation » d’Emmanuel Macron. Le président a tiré les leçons de la crise des Gilets Jaunes: d’une part celle-ci a été en fait une aubaine pour lui, Pour s’en sortir, il a distribué 25 milliards; ils ont donné un peu d’oxygène à l’économie française sinon asphyxiée par l’application stricte des critères de Maastricht; d’autre part, ayant survécu politiquement à cette énorme secousse, débarrassé de LR, le président de la République au fond ne décidera plus de rien avant la prochaine élection présidentielle. Il va faire de plus en plus de communication. Et l’on peut parier que les élections municipales seront l’occasion d’une réécriture destinée à alimenter l’histoire officielle du régime macronien. On l’a bien vu lors des élections européennes où, en soi, le résultat de LREM n’est pas glorieux. Pourtant, la deuxième place obtenue a été transformée en victoire par les médias et les représentants d’Emmanuel Macron. Il va falloir suivre la stratégie des prochains mois de près: il est très probable que le président donnera pour instruction de ménager LR dans des endroits où LREM ne peut pas gagner. Partout ailleurs, dans les grandes et moyennes villes, le parti poussera son avantage jusqu’au bout. 

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