De quoi allons-nous mourir demain ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
De quoi allons-nous 
mourir demain ?
©

Catastrophisme

Chaque jour nous réserve son lot de catastrophes et de dangers en tout genre : pollution, OGM, malbouffe... Jean-Marie Bourre, membre de l'Académie nationale de Médecine, dénonce le "pessimisme morbide" et accuse ceux qui souhaitent "précipiter dans notre assiette un certain nombre de questions sociétales" pour "nous sensibiliser au forceps".

Jean-Marie Bourre

Jean-Marie Bourre

Jean-Marie Bourre est membre de l'Académie nationale de Médecine.

Il est l'auteur de nombreux ouvrages consacrés à la diététique, dont Le lait : vrais et faux dangers (éditions Odile Jacob, 2010). Son dernier livre "La chrono-alimentation du cerveau" est paru en 2016 aux éditions Odile Jacob.

 "La chrono-alimentation du cerveau" du Docteur jean-Marie Bourre

 

Voir la bio »

« Celui qui n’est pas mort jeune s’en repentira tôt ou tard ! » écrivait Cioran. On n’apprendrait donc jamais assez tôt que les corbillards ne sont pas faits seulement pour les voisins. Or, révolution, chaque année passée (12 mois) ne nous rapproche plus désormais que de… 9 mois de la redoutée fatale issue. Car l’espérance de vie ne cesse d’augmenter, qui plus est sans invalidité !

Cessons donc d’écouter les émules de Cassandre, atteints d’une affection psychiatrique grave, car compulsive : le pessimisme morbide ! Car, d’après eux, les dents ne servent qu’à creuser sa tombe, la vie étant évidemment une maladie sexuellement transmissible, toujours mortelle. Les tartines tombent le plus souvent du côté beurré ; pourquoi donc s’obstiner à la beurrer du mauvais côté ? Incidemment, une personne optimiste bénéficie de plus de 5 ans d’espérance de vie que celle qui est pessimiste. Voir la bouteille (de vin ?) à moitié pleine est plus efficace - et plus agréable - que de la contempler à moitié vide. Comme l’écrivait Sainte-Beuve, « C’est une chance de vieillir, mais cela rend vieux ».

Toutefois, le seul moyen de vivre plus longtemps reste encore de vieillir. D’autant que le vieillissement en lui-même n’est pas une maladie. Si vieillir est inéluctable, en revanche il n’est donc pas inéluctable de mal vieillir ! De quoi allons-nous donc mourir demain ? Non plus du vieillissement stricto sensu (quoique !), mais plutôt des maladies qui l’accompagnent. Qu’il conviendrait de prévenir, parfois fort tôt. Or la prévention n’est pas dans notre culture, basée sur la thérapeutique. Notre système de santé préfère encore guérir, plutôt que prévenir.

Mais quand donc commençons-nous à vieillir ?

Concernant les muscles (dont le cœur !), à partir de 30 ans. Un adulte possède en moyenne 11 kg de muscles, ce qui représente 40 % des protéines de son corps, dont le renouvellement quotidien est de 250 à 300 grammes, dont moins de la moitié est assuré par la dégustation journalière de : 1 beefsteak + 1 part de poisson + 1 œuf + 3 laitages ; l’autre moitié étant d’origine végétale. A bon mangeur salut ! Entre 35 et 60 ans, la masse protéique des muscles diminue en moyenne de 40 %, phénomène poétiquement dénommé sarkopénie ; notamment parce que l’alimentation n’apporte pas assez de protéines de qualité, et que l’exercice physique est trop médiocre. Pour le squelette (dont le volume est constitué pour 1/3 de protéines), l’ostéoporose de la cinquantaine se prépare dès l’âge de 12 ans, par déficit en calcium, vitamine D et manque d’exercice physique. Sachant que le squelette n’est pas fossilisé : on en change 3 à 4 fois dans sa vie. Le système digestif se renouvèle en quelques jours. Quant au cerveau, si l’on s’en réfère à la perte des neurones, le vieillissement commence… 2 mois avant la naissance ! Ensuite, cet organe, comme une pile célèbre, ne s’use que si l’on ne s’en sert pas. Faire travailler ses petites cellules grises assure le meilleur vieillissement ; en maintenant, en particulier, le plus grand nombre possible de connections entre les neurones. Michel-Ange ou David Douillet, ou les deux à la fois ?

Du catastrophisme dans nos assiettes

Il est vrai que l’hygiène de vie, y compris alimentaire, a grandement favorisé cet accroissement de la qualité et de longueur de la vie. Les microbes étant plus ou moins maitrisés, c’est la pollution qui s’impose comme catastrophique ainsi que les radiations omniprésentes, Fukushima sonnant le tocsin de Tchernobyl. Mais faut-il cesser de consommer du lait et des champignons, tout en occultant que le césium d’une seule cigarette équivaut à quelques dizaines de kilos de champignons « contaminés » ? La malbouffe nous guetterait, non pas à cause du déséquilibre alimentaire, mais à cause des polluants ! Le bio sauverait-il l’humanité, alors que les OGM en provoqueraient le naufrage ? Et bien non ! Preuve en est avec un simple exemple : cette année 170 000 personnes feront un infarctus (du cœur), à peu près autant un AVC (accident vasculaire cérébral). Pour un bon tiers d’entre elles, sans être exclusive, l’alimentation (déséquilibrée) est majoritairement et directement impliquée. Si toutes ces personnes avaient mangé exactement la même chose, mais bio, toutes auraient quand même fait l’accident, sans exception. Pour une bonne partie des cancers, c’est la même chose. Les OGM ne sont pas dangereux pour la santé, peut-être le sont-ils ailleurs ? En fait, pour certains, en prétendant précipiter dans notre assiette un certain nombre de questions sociétales, espèrent sans doute nous sensibiliser au forceps, et nous impliquer plus fort ; car il nous faut bien manger quotidiennement trois fois par jour ! La dernière trouvaille est de planter au bout de notre fautive fourchette la disparition de l’orang-outang, coupables que nous serions de consommer une huile de palme obtenue par déforestation de l’Indonésie et de la Papouasie Nouvelle Guinée. Oubliant au passage que cette huile de palme sera le plus souvent remplacée par de l’huile de soja ; laquelle nécessite de déforester 7 fois plus de surface, mais au Brésil, en Amazonie. Tout simplement parce que la production d’huile alimentaire (ou non, pour nourrir les moteurs de véhicules) est 7 fois plus grande avec le palmier à huile qu’avec le soja, par hectare.

De quoi allons-nous donc mourir demain ? On n’en sait encore rien. Très probablement pas de ce qui fait la « une » des médias ! Encore moins des produits utilisés par les agriculteurs, qui nous donnent le manger ; ou par les industriels, qui permettent aux aliments de rester mangeables ! Car, puisqu’il n’est pas possible de mettre les villes à la campagne, il faut bien que les aliments y parviennent sans être avariés.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !