Montebourg dit qu'il ne veut pas partir au moment où il est en train de sauver et soutenir Alstom... "Sauver et soutenir Alstom", vraiment ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Arnaud Montebourg, ministre de l'Économie, du Redressement productif et du Numérique.
Arnaud Montebourg, ministre de l'Économie, du Redressement productif et du Numérique.
©Reuters

Plaît-il ?

"Beaucoup de gens aimeraient me voir démissionner, mais pas au moment où nous sommes en train de soutenir et de sauver Alstom," a affirmé Arnaud Montebourg en réaction aux informations du Nouvel Observateur selon lesquelles le ministre de l'Economie était sur le point de quitter le gouvernement.

Marc Touati

Marc Touati

Marc Touati est économiste et président fondateur du cabinet ACDEFI (aux commandes de l'économie et de la finance). Il s'agit du premier cabinet de conseil économique et financier indépendant au service des entreprises et des professionnels.

Il a lancé en avril 2013 la pétition en ligne Sauvez La France.com pour diminuer "les impôts", les "dépenses publiques superflues" et "retrouver le chemin de la croissance" afin de "sortir par le haut de cette crise".

Il est également l'auteur de Quand la zone euro explosera, paru en mars 2012 aux Editions du Moment. Son dernier livre est Le dictionnaire terrifiant de la dette (Editions du moment, mars 2013).
 

 

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Atlantico :  Concrètement, quelles sont les mesures qui ont été mises en place par le gouvernement pour soutenir Alstom ?

Marc Touati : Les déclarations de M. Montebourg sont abracadabrantesques. Le gouvernement n'a effectivement pris aucune mesure concrète pour sauver Alstom. Il a simplement mis la pression sur Siemens et General Electric (GE) et a fait ainsi monter les enchères. Le but du rachat d'Alstom par GE n'était d'ailleurs pas de détruire l'entreprise française mais, au contraire, de la sauver.

Quant à l’efficacité de M. Montebourg au Ministère de l’économie, il faut reconnaître qu’il y a bien une erreur de casting. Et pour cause : comment un altermondialiste eurosceptique peut-il être crédible pour défendre les intérêts économiques français sur la scène internationale ? Après ses dérapages à répétition, par exemple à propos d’Angela Merkel, dans les "affaires" Mittal ou encore Goodyear et, enfin, le camouflet de SFR-Numéricable, les nouveaux déboires de M. Arnaud Montebourg, désormais surnommé "Montebourde", commencent vraiment à faire désordre.

Peut-on raisonnablement dire qu'Alstom est sur le point d'être sauvé ? Qu'est ce qu'aura changé financièrement l'intervention de l'Etat dans ce dossier ?

L’intervention de l’Etat finira peut-être par rapporter un ou deux petits milliards supplémentaires dans le rachat d’Alstom. Pour autant, si Alstom est sauvé à court terme, un danger majeur persiste à plus longue échéance, en l’occurrence la non-modernisation de l’économie française. En effet, si les dirigeants du pays persistent à refuser de baisser significativement la pression fiscale et le coût de l’emploi, tout en maintenant les rigidités du marché du travail, la fragilisation de nos entreprises et la désindustrialisation du pays continueront. Peut-être qu’alors les nouveaux propriétaires d’Alstom reverront à la baisse leurs ambitions pour l’entreprises française. Dans le même temps, de plus en plus de nos fleurons deviendront des proies face à des prédateurs internationaux (notamment chinois et qatari) qui auront certainement beaucoup moins de compassion que les investisseurs américains.

Le décret dit "Alstom" permettant à l'Etat d'opposer un droit de veto pour éviter qu’une entreprise française travaillant dans des secteurs stratégiques (énergie, eau, transports, télécoms ou santé) passe sous pavillon étranger permettra-t-il de protéger les intérêts français ? Qu'en est-il de la stratégie de création d'acteurs européens forts ? 

Nous sommes ici en plein marketing, mais certainement pas face à des mesures efficaces. Fermer les frontières et imposer des vetos ne sont pas des solutions opportunes mais des aveux de faiblesse. Si l’on veut que les entreprises françaises soient plus fortes et deviennent des prédateurs plutôt que des proies, il faut tout simplement créer les conditions nécessaires à une croissance durablement plus forte et à leur épanouissement dans l’Hexagone. En l’occurrence, baisser la pression fiscale, réduire le coût du travail et fluidifier le marché de l’emploi.

Par ailleurs ce décret permettra-t-il de conserver des emplois français ?

Rien n’est malheureusement moins sûr car si l’on restreint les flux d’investissements en France, cela réduira la croissance et l’emploi. De plus, si l’on ne modernise pas l’économie hexagonale, rien ne pourra empêcher les entreprises nationales d’investir et d’embaucher à l’étranger.

Plus largement, quelles seront les conséquences collatérales de cette intervention ?

Il faut être honnête : la crédibilité de l’économie française, notamment en matière d’efficacité et de capacité à se moderniser, ne cesse de se réduire depuis une quinzaine d’années. Et ces mesures n’arrangeront évidemment rien. D’autant que les grèves à la SNCF et tutti quanti rappellent une nouvelle fois combien la France est sclérosée. Fort heureusement, certains secteurs (notamment le luxe) tirent encore leur épingle du jeu et bénéficient d’une bonne image internationale. Mais si les dirigeants politiques français s’obstinent dans leur dogmatisme maladif, la défiance à l’égard de notre économie finira par se généraliser.

Alors, réveillons-nous enfin et cessons de penser que la gesticulation médiatique et le marketing autour du patriotisme économique suffiront pour sauver notre économie. Il en va de la stabilité économique, financière et surtout sociale de la France et par là-même de l’ensemble de la zone euro.

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