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“Mon cher Jean-Marc Sylvestre, je ne joue à rien, j’ai la même stratégie depuis 2 ans” : la réponse de Pierre Gattaz à notre chroniqueur éco
©Reuters

Relation épistolaire

Dans son éditorial de mercredi, Jean-Marc Sylvestre revenait sur l’inquiétude provoquée par Pierre Gattaz auprès des patrons alors qu'il annonçait qu'il ne briguerait pas un second mandat. L'éditorialiste économique indiquait que le manque de stratégie du président du Medef suscitait des questions au sein du syndicat patronal. Aujourd’hui, Pierre Gattaz se défend et tient à réaffirmer, par cette réponse, ses engagements et son cap.

Pierre Gattaz

Pierre Gattaz

Pierre Gattaz est président du Medef et PDG du groupe Radiall, entreprise industrielle de 279 millions d'euros de chiffre d’affaires.

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Cher Jean-Marc Sylvestre,

J’ai lu avec d’autant plus d’intérêt votre éditorial "Mais à quoi joue Pierre Gattaz ?", que je n’en comprenais pas le titre. En effet, je joue le même "jeu" depuis 2 ans, celui des réformes permettant de relancer une dynamique de croissance et de création d’emplois dans notre pays et de contrer celles qui vont en sens contraire. Je crois être en la matière d’autant plus constant que c’est une urgence que je ressens tous les jours.

Pour le reste, j’ai été légèrement surpris de certaines de vos analyses. Penser qu’annoncer qu’on ne fera qu’un mandat de 5 ans (alors qu’il me reste encore trois ans et demi à la tête du Medef) revient à "quasiment annoncer son départ" et va "dévaluer l’autorité du président du Medef" comme vous l'avez écrit, me semble plus que surprenant.


Je crois très important que le Président du Medef soit un entrepreneur en activité qui vive cette présidence comme une mission et non comme une fonction. Je peux vous assurer que la mission est exaltante mais très prenante. Rester loin de son entreprise plus de 5 ans comporte donc un vrai risque d’une perte de lien avec la réalité entrepreneuriale de la part du Président et à une "politisation" de la fonction qui me semble malsaine. Quant à l’argument de la "durée" pour faire des réformes, je peux vous assurer que, dans nos entreprises, 5 ans laissent largement le temps d'apporter les évolutions de structures qui semblent généralement nécessaires, dans un monde qui, au demeurant, bouge à toute vitesse.

Je continue de penser que d’autres organisations, ou même femmes et hommes politiques, devraient vivre leurs mandats de la même manière. Je ne suis pas certain que des mandats uniques sur quelques années feraient du mal à notre vie démocratique ou syndicale. Bien au contraire, pour éviter tout clientélisme.

Dire ensuite que la proposition de réforme des statuts "a inquiété le monde patronal qui ne s’y attendait pas" montre en revanche une profonde méconnaissance de notre mouvement et de son fonctionnement. L’idée de toiletter nos statuts, notamment sur la durée du mandat du Président avait émergé lors de la campagne électorale du Medef de 2013. Tout particulièrement parce que la tentative précédente, posée quelques semaines avant l’élection, avait été mal vécue par les adhérents. Il n’y a là que cohérence entre un discours et une action, suivant un processus tout à fait transparent et établi. Que cela puisse surprendre m’inquiète toujours.

Sur la question des dividendes je continue de penser que, sur ce sujet comme sur d’autres, il faut éviter les caricatures et les dogmes. Donc, non, cher Jean-Marc, je n’ai pas été convaincu par une Elise Lucet qui a définitivement choisi de prendre le rôle d’accusatrice publique plutôt que de journaliste dans son émission "Cash investigation" où j'étais interviewé à l'improviste sans connaître précisément le sujet de son "enquête". C’est son choix, même si je pense que cette émission procède plus de la fiction (au sens du développement d’un point de vue) que de l’information.

Pour autant, je persiste à dire qu’on ne doit pas non plus considérer que toutes les pratiques financières sont bonnes "par nature" pour les entreprises. A la caricature, ne répondons pas par la caricature. Ce n’est évidemment pas de Sanofi dont je parle, et si vous aviez lu l’article de Ouest France du 10 mars jusqu’au bout sans vous arrêter au titre, vous l’auriez constaté (à cet égard, je signale que, de même que "l’habit ne fait pas le moine", dans la presse, "le titre ne fait pas l’article").

Revenons au fond et reprenons à la base. Une entreprise qui fonctionne dans la durée est une entreprise qui arrive à équilibrer les demandes de trois composantes parfois opposées : celle des salariés, celle des actionnaires, celle des clients. Et, en la matière, je crois toujours qu’il faut un équilibre. Avoir une approche uniquement financière d’une entreprise me paraît très risquée, de même qu’avoir une vision uniquement sociale (en accordant par exemple des hausses de salaire déraisonnables), ou uniquement "marché" (en voulant se lancer tous azimuth sans maîtriser sa croissance).

Pour autant, cet équilibre est propre à chaque entreprise, à son histoire, à sa situation. Et il est forcément différent entre une entreprise cotée du CAC40 ou une ETI patrimoniale ou une TPE de proximité. C’est pourquoi le débat sur les niveaux de dividende a un côté absurde. Il appartient aux dirigeants de ces entreprises, de définir cet équilibre. Et lorsque cet équilibre délicat est rompu, l’entreprise finit tôt ou tard par connaître des difficultés – je ne connais pas d’exemple contraire.

Sur les autres dossiers où vous vous plaignez de l’absence du Medef, cela montre surtout une méconnaissance de nos actions.

  • L’Europe est au cœur de notre stratégie. A la fois dans une relation bilatérale avec nos voisins que nous avons puissamment réactivé avec nos homologues allemand, le BDI et le BDA, et italiens, avec la Cofindustria, mais aussi en direct avec la Commission que nous rencontrons très régulièrement. Sur le dossier de l’Europe fédérale, notre position est connue et défendue régulièrement, par moi-même, ou par le président de notre Commission Europe, Loïc Armand.

  • La mondialisation est une chance pour la France. Nous le disons sans cesse. Mais au-delà de le dire, encore faut-il agir pour aider nos PME à tirer parti de cette mondialisation, pas la subir. Là encore, vous ignorez, mon cher Jean-Marc, tout ce que fait le Medef, soit dans la logique du "chasser en meute" que je défends depuis de nombreuses années, soit dans l’accompagnement concret de nos PME au travers d’initiatives (Stratexio par exemple), que nous allons renforcer dans les mois qui viennent, soit dans la promotion du Made In France en Asie...

  • La bulle sur les valeurs technologiques. Regarder, analyser et approfondir ce sujet ne signifie pas forcément communiquer tous azimuth, mais bien expliquer les fondamentaux technologiques et redonner un peu de cohérence et de raison dans tout cela. Que les commentateurs cessent donc de croire que, parce qu’on ne parle pas dans les médias, on ne fait rien sur ce sujet !


Voilà mon cher Jean-Marc. J’en profite pour vous signaler que je n’ai pas à "préparer mon retour" dans mon entreprise, ne l’ayant jamais quitté complètement. Il est essentiel à mon sens de garder une dimension opérationnelle, même en étant Président du Medef. Car pour défendre les entreprises et les entrepreneurs, il ne faut pas connaître leur situation de manière théorique et lointaine, mais bien la vivre au quotidien. C’est en tous les cas ma philosophie et ma manière de mener à bien cette mission de Président, que, je vous l’assure, je mènerai jusqu’au bout sans faiblir.

Pierre Gattaz

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