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Mode islamique : les indignations sélectives de M. Pierre Bergé
©Reuters

Mémoire voilée

Pierre Bergé oublie non seulement qu'Yves Saint-Laurent a tâté de la mode burka mais que le sort les homosexuels marocains l'indignait moins que le foulard.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

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Les créateurs de mode se seront toujours inspirés des autres cultures, des époques lointaines, pour nous resservir chaque saison les batiks, les motifs mexicains ou aborigènes "revisités", il n'y a donc rien d'étonnant ni de blâmable dans le fait que la maison Saint-Laurent se soit emparée du foulard islamique à une époque où la chose paraissait encore bénigne à défaut d'être innocente: 1967. La presse vient d'exhumer les vêtements orientalistes que créait la maison au creux des années 60 afin de montrer que Bergé se contredit en ce moment. C'est de bonne guerre, mais ce n'est pas honnête, car le tchador avant la chute du Shah d'Iran n'avait pas plus de signification que le sari pour l'opinion mondiale.

Il y a quand même plus fâcheux. Quand on se souvient de la vigueur hystérique avec laquelle Pierre Bergé, homme riche et caractériel menaçait récemment un journal dont il était actionnaire, afin qu'il cesse de militer contre le mariage homo, quand on se souvient de ses prises de position qui laissaient entendre que sa communauté ne saurait être que de gauche, c'est à dire par nature amie des Droits de l'Homme et de la sexualité hors-cadre, on est un peu frappé par sa mollesse à l'égard de l'Islam dès qu'il s'agit des homosexuels. Mariage, procréation assistée, bouquet de roses à la sortie de la mairie, tout  lui paraît digne de militantisme chez nous quand le risque est nul. Mais pas quand il débarque dans le Marrakech de la Jet-set,  pas quand il vend sa couture et ses sacs à main aux femmes voilées du Golfe, pas quand François Hollande décore un roi encore plus teint que lui (une prouesse) qui fait fouetter et tuer les homos. A Riyad, Bahrein, Dubaï, Bergé, ses équipes, ses amis, ses journalistes affidés, en font le moins possible non seulement en matière de dignité de la femme mais aussi quant au sort de cette catégorie statistique minoritaire qui, à Paris, leur importe tant . Il est d'ailleurs utile de préciser que pour ma part, ayant fréquenté toute ma vie des homosexuels d'un genre assez farouche, mathématiciens, militaires ou pilotes de ligne, je n'en ai rencontré aucun qui ait songé, même de loin, même un soir de cuite, à reconnaître Pierre Bergé pour son semblable ou son frère (en tout cas certainement pas son avocat devant l'opinion).

Pierre Bergé sait très bien que les neuf pays de la terre où l'on peut être tué aujourd'hui pour homosexualité (comme les albinos au Kenya, pour les mêmes raisons génétiques) sont des pays musulmans. Mais il n'a jamais rappelé, pour autant, les ambassadeurs de sa marque à Abu Dabi pour consultation. Il ne fait pas effacer les trois initiales YSL dans les boutiques des royaumes lapidateurs. On ne l'a pas entendu s'élever contre Maitre Gims, l'inénarrable membre de Sexion D'assaut, l'idole de la jeunesse française, à l'époque où ce délicieux rappeur halal chantait "Je crois qu'il est grand temps que les pédés périssent, coupe-leur le pénis, laisse-les morts sur le périphérique". Il n'a pas téléphoné au Parquet de Paris pour demander aux magistrats ce qu'ils foutaient, ce jour de 2010 où un chanteur a demandé à la jeunesse de France d'aller se livrer à un pogrom sanglant, radical, définitif, sur les homos qui passaient à sa portée. Il est vrai qu'à l'époque les magistrats étaient très occupés à jouer aux fléchettes sur le Mur des Cons.

Alors soulever le voile des femmes, c'est bien, mais soulever celui de la vérité c'est encore mieux. Quand on entend le Papet de la fripe parisienne s'émouvoir, au nom du féminisme et de ses conquêtes, de ce que, "pour faire du fric", ses concurrents donnent dans la burka en soie écrue, on peut lui rappeler que pour les mêmes raisons, l'attrait du fric, la bonne marche de ses affaires, il s'assied tous les jours sur ses propres convictions. S'il ne les rappelait pas, sans cesse, sur un ton impérieux, aux journalistes à sa dévotion, personne ne s'en serait aperçu mais son attitude commence à lasser ceux qui en ont. 

Des convictions, veux-je dire, encore que finalement cette ambigüité soit la bienvenue.

Christian Combaz est l'auteur d'un livre intitulé Les Ames douces (Télémaque), où il défend, avec le concours d'un biologiste, une thèse qui va fermement à l'encontre des théories du genre et qui affirme, en résumé, que les homosexuels "naissent comme ça". L'accès de vertu de Pierre Bergé en faveur de la dignité de la femme lui rappelle que ce nabab du prêt à porter, en matière d'indignation, reste fidèle au sur-mesure et n'a jamais dit un mot ni pris la tête d'une campagne sur les homosexuels maltraités voire massacrés au nom de l'Islam.

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