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Merci, à Claude Bartolone, d’avoir déclenché une prise de conscience dans l’opinion publique, démontrant que la pensée antiraciste de gauche s’est transformée en son contraire, produisant elle-même un discours "raciste"
©Reuters

Combat du passé

Ce mercredi 9 décembre, le Nouvel Observateur rapportait les propos de Claude Bartolone contre Valérie Pécresse. Le candidat socialiste accusait la candidate LR de défendre "en creux" un certain type d'électeurs : blancs, versaillais ou de Neuilly, embourgeoisés. Une déclaration qui provoque un véritable tollé dans la presse et le monde politique, mais témoigne également du discours discriminatoire tenu par la gauche.

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy

Nathalie Krikorian-Duronsoy est philosophe, analyste du discours politique et des idéologies.
 
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Les propos de Claude Bartolone contre Valérie Pécresse, la candidate Les Républicains arrivée en tête à l’issue du premier tour des élections régionales, ont créé une polémique qui a enflé, durant toute cette semaine d’entre deux tours, sur les réseaux sociaux et dans les médias. 

Cela n’a rien d’étonnant. A y regarder de plus près, le différend opposant les deux candidats pourrait faire date, parce que ses causes profondes sont de nature idéologique.

L’écho provoqué dans l’opinion par les paroles du Président de l’Assemblée nationale traduisent selon moi, d’une manière significative, un palier, dans le mouvement de recomposition global actuel des idéologies françaises, de telle sorte que, l’ "hégémonie culturelle"[1] de la gauche, fondée sur une pensée antiraciste, est aujourd’hui victime de son propre discours.

En prononçant à plusieurs reprises, et en écrivant dans l’Obs, ces mots accusatoires à l’égard de son adversaire : "Avec un discours comme celui-là c’est Versailles, Neuilly et la race blanche qu’elle défend en creux",

Claude Bartolone, par un effet de langage saisissant, a voulu retourner contre elle, les intentions qu’il prête à la candidate de droite. Fort de la domination idéologique de l’antiracisme auprès de l’opinion, et dont il se prétend le défenseur, le procès d’intention qu’il lui dresse établit un lien direct entre les origines sociales et ethniques de ses électeurs supposés, "riches électeurs blancs", de sorte que cela lui permet de sous entendre en retour, qu’il incarnerait, pour sa part, la candidature des banlieues pauvres où vivent les arabes et les noirs. Le procédé rhétorique a fait preuve de son efficacité, en des périodes électorales plus clémentes.

Mais aujourd’hui, Claude Bartolone ne s’est à aucun moment douté, tant il est sûr de l’efficacité du vieux logiciel intellectuel socialiste hérité des années 80, de son degré de déphasage culturel, dans le contexte politique et moral de la France, tel que l’ont renforcé, le choc du 13 novembre puis les résultats d’un premier tour des régionales, faisant du Front National le premier parti de France. Le seul à obtenir plus de 40% des voix dans presque six régions sur douze.

Ces deux faits cumulés ne permettent plus qu’on traite les Français comme des demeurés, auxquels on pourrait encore faire gober que le danger, c’est le racisme. Tel que le dénoncent Claude Bartolone ou Jean-Christophe Cambadélis, ou tel que Manuel Valls l’appelle : "apartheid". Le premier ministre lui-même, étant non moins inconscient de faire une bourde, cette semaine, lorsqu’il prétend que voter FN créerait "une guerre civile", quelques semaines après que plus de 130 personnes ont été massacrées, suite à un attentat perpétré par de jeunes Français, embrigadés dans l’islamisme… en France.

Durant près de deux générations à gauche, le discours et la pensée antiracistes ont fonctionné sur deux ressorts discursifs essentiels :

  • 1.Victimiser les populations issues de l’immigration maghrébine pour en faire un réservoir de vote, rebaptisé "musulman", par le Think Tank socialiste Terra Nova, pour la campagne de François Hollande en 2012.
  • 2. Amalgamer la droite à l’extrême-droite en prétendant que, entre les deux, la frontière est poreuse. D’où l’image du "barrage" ou du "rempart" contre l’extrême-droite, mobilisée tantôt contre le Front National, tantôt contre le RPR, l’UMP et aujourd’hui, contre la candidate Les Républicains par monsieur Bartolone qui lui prête des intentions racistes.

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[1] Au sens qu’en donne Gramsci

Mais aujourd’hui, le conflit opposant les deux candidats pour la Présidence de la région Ile de France a permis pour la première fois, à l’opinion française, d’assister à une inversion de sens du discours antiraciste de gauche, démontrant que l’antiracisme de gauche peut se manifester de deux manières :

  • 1. Soit de façon objective, par un juste combat, contre la réalité de faits ou de discours de nature raciste, tel celui de monsieur Dieudonné.
  • 2. Soit, devenu idéologie, de manière fictive, sous la forme d’une pure rhétorique, en "racialisant" les relations entre les gens, ou en donnant une interprétation "racialiste" des faits ou des discours de l’adversaire, n’étant pourtant pas de nature raciste.

Ce qui conduit les candidats socialistes, le gouvernement et le Président de la République à recourir en permanence à un double discours, contenant "en creux", pour reprendre l’expression de monsieur Bartolone l’idée que le racisme est toujours-déjà-là, comme potentiel, d’autant plus dangereux qu’il est invisible, et réside dans l’intention de ceux qui parlent et non dans les mots des discours.

A cela je vois une raison de principe : il faut une victime à la gauche socialiste française. C’est de là qu’elle tire son sens, voire sa légitimité : dans l’acte de sauver les opprimés, jadis du capitalisme et depuis le tournant libéral de 83, du racisme.

Mais aujourd’hui cette gauche est prise à son propre piège : pour des motifs divers, par glissement sémantique la doctrine socialiste, en 2012, a choisi de changer la figure victimaire du racisme. Elle est passée de la désignation de "l’immigré" à celle du "musulman". Sans voir qu’était ainsi rendue encore plus cohérente la nouvelle doctrine nationaliste et républicaine de Marine Le Pen.

C’est tragique en un sens, pour la gauche, le nationalisme nouvelle formule du FN n’est plus, au plan politique, ni anti-parlementaire, ni anti-démocrate, et par conséquent ni fachiste, ni raciste, mais à nouveau républicain. Le procès es-racisme des socialistes à son égard et qui plus est à l’égard de la droite, repose donc désormais sur un déni de réalité permanent. Aucun parti politique en France ne défend, aujourd’hui, une politique et encore moins un programme raciste. Et en politique les discours sont des actes. Pourtant l’argument antiraciste est toujours avancé par la gauche, contre son adversaire de droite ou d’extrême droite.

Sur Itélé, vendredi, Claude Bartolone a donné l’impression de se défausser. Il a élevé la pleurnicherie politique au rang d’un art, à tel point qu’on avait envie de lui dire, comme Brice Toussaint qui l’interrogeait : "Mais c’est la politique ça, ne me dites pas que vous le découvrez?" et de lui conseiller gentiment de prendre sa retraite. Parce qu'il est dit-il, d’origine italienne, il se sent victime d’un racisme pernicieux qu'il découvre derrière l’emploi du  mot "mafieux" utilisé par son adversaire pour le contrer. C’est une réaction un peu paranoïaque. Rassurons-le, ça n’est pas écrit sur son front, et les Français, au pire, s’en contrefichent, au mieux : sont heureux de l’apprendre.

Quant aux Français défavorisés et de culture musulmane ou pas blancs qu’il prétend défendre : ils s’inquiètent des origines immigrées de monsieur Bartolone comme de leur première valise, et ils en ont assez de se faire victimiser et instrumentaliser. Certains voient leurs enfants partir faire le djihad et n’ont plus que leurs yeux pour pleurer, d’autres se font massacrer par les djihadistes au Bataclan et d’autres encore n’ont plus de bus pour se rendre au travail parce que des voyous analphabètes les caillassent en criant "nique ta mère, la police".

Faudrait peut-être se réveiller, messieurs les défenseurs des opprimés, et voir à changer de discours, parce que l’ordre, la nation, la République et l’intégration, à laquelle aspire la majorité de ceux que vous avez délibérément appelés "musulmans" depuis 2012, c’est chez Marine Le Pen et le Front National qu’ils les trouvent.

On n’en remerciera, pas moins, Claude Bartolone, d’avoir déclenché une prise de conscience dans l’opinion publique, et une grande partie de la classe politique, en prouvant, malgré lui, que le "discours antiraciste" de la gauche s’est peu à peu transformé en son contraire : devenant, lui-même, un discours "raciste". A force de se faire, depuis plus de trente ans, le défenseur des origines ethniques ou culturelles des gens, de la diversité, contre l’unité, la doctrine  socialiste s’est, d’une certaine manière, "racialisée". Il serait peut-être temps d’en changer.

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