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"A force de menacer l’Iran, l’Occident permet surtout au régime de jouer sur la corde nationaliste"
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Nucléaire militaire

Après Israël, le Royaume-Uni et les États-Unis envisagent une attaque préventive contre l'Iran, en réaction à l'inquiétude croissante sur son programme nucléaire. Des menaces qui, selon le spécialiste de l'Iran Thierry Coville, aggravent le problème.

Thierry Coville

Thierry Coville

Thierry Coville est chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Iran. Il est professeur à Novancia où il enseigne la macroéconomie, l’économie internationale et le risque-pays.
 
Docteur en sciences économiques, il effectue depuis près de 20 ans des recherches sur l’Iran contemporain et a publié de nombreux articles et plusieurs ouvrages sur ce sujet.
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Atlantico : En réaction à l'inquiétude croissante que suscite le programme nucléaire iranien, le ministère de la Défense britannique envisagerait une intervention militaire aux côtés des États-Unis. Il serait question de frappes aériennes sur des installations ciblées, et du déploiement de navires dans la région. Quel crédit accorder à ces nouvelles menaces à destination de l'Iran ?

Thierry Coville : Ce n’est hélas pas nouveau. J’avais écrit avec un collègue un article consacré aux stratégies de la menace. Ces déclarations sont une manière de faire pression. Il est clair que l’ennemi iranien est très important pour Israël. Il n’y a rien de tel pour rameuter ses troupes sur un problème extérieur, c’est vieux comme le monde.

Je pense que les politiques que nos gouvernements conduisent ne mènent à rien. Les politiques occidentales visent surtout, dirait-on, à communiquer plutôt qu'à régler le problème. Alors, ou nos gouvernants ne connaissent pas l’Iran. Ou bien, connaissant l’Iran, ils désirent "pourrir" encore plus la situation, car l’Iran exploitera obligatoirement ces attaques pour renforcer le nationalisme de sa population.

A force de brandir la menace iranienne, le camp occidental permet au régime de jouer sur la corde nationaliste. Cela renforce le pouvoir au lieu de l’affaiblir. Et ce, alors qu’un mécontentement énorme grossit en Iran, où le régime traverse une crise identitaire depuis 2009.

Faut-il faire pression militairement ou économiquement sur l'Iran ?

Ni l’un ni l’autre ! Je pense que seule la négociation pourra nous sortir de cette crise. Les menaces économiques et les assassinats de scientifiques ne font que radicaliser la situation. Il devient ensuite impossible de négocier. J’ai l’impression que les pays européens et les États-Unis passent plus de temps à négocier entre eux pour savoir quelles sanctions ils vont appliquer à l’Iran, qu’à réellement négocier directement avec l’Iran.

Il y a quelques jours, une interview de Mohamed El Baradei (l’ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), NDLR) affirmait que tous ces problèmes se règleraient par la négociation. Il évoquait essentiellement la Corée du Nord et l’Iran, en insistant sur le fait qu’il n’y avait pas d’autre issue que la négociation.

Or, des négociations sont possibles : le Brésil et la Turquie avaient obtenu un accord… Avant que l’Europe et les USA ne leur marchent sur la tête… L’ancien ministre des Affaires étrangères de Lula a dit à l’époque : « On a l’impression qu’ils nous en voulaient parce qu’on avait réussi là où ils avaient échoué ! » C’est de ce niveau-là…

Pensez-vous que la bombe constitue la meilleure assurance-vie pour l’Iran ?

Il faut rappeler qu'il était de notoriété publique, qu'au temps du Shah, l’Iran avait débuté son programme nucléaire. Ce dernier a pris fin à la Révolution, sous l'ère Khomeini. Et il a sans doute été repris en 1985-1986, avec un objectif de dissuasion – comme pour la France. Depuis, personne ne sait réellement ce qu'il en est. Nous n’avons pas la preuve de la conduite d'un programme militaire. D’après les agissements iraniens, il semble évident qu’ils veulent pouvoir maîtriser le « seuil technologique », et construire une arme atomique rapidement.

Plus qu’une arme, le nucléaire est surtout un très bon fédérateur. Selon sa population, l’Iran ne doit pas céder sur le nucléaire, c’est devenu une cause nationaliste. Vous ne trouverez pas beaucoup d’Iraniens dans le monde – même les opposants au pouvoir du Mouvement vert ou les Iraniens de l’étranger - qui ne soient pas favorables au projet du nucléaire. 

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