Maroc : la révolution douce<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
"Mohammed VI, dès son accès au trône en 1999, avait fait souffler un vent de réforme."
"Mohammed VI, dès son accès au trône en 1999, avait fait souffler un vent de réforme."
©

Printemps arabe

Quasiment isolé au sein d'un monde arabe en ébullition, le Maroc vit son printemps arabe à sa façon : sans violence, ou presque. Le débat autour de la réforme constitutionnelle a été initié par le Roi lui-même qui tiendra ce vendredi 17 au soir un discours très attendu sur le sujet.

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui

Abdelmalek Alaoui est directeur général du cabinet de communication d'influence Guepard Group.

Il est l'auteur du livre Intelligence Economique et guerres secrètes au Maroc (Editions Koutoubia, Paris).

 

Voir la bio »

Dans un climat régional en pleine reconfiguration suite au « printemps arabe », le Maroc vivra dans les prochaines semaines une étape cruciale de sa transition démocratique à travers l’organisation d’un référendum qui amendera profondément sa constitution actuelle, dont la dernière mouture datait de 1996.

Réorganisation des pouvoirs, renforcement du rôle du premier ministre, indépendance de la justice et responsabilisation des élus locaux et nationaux constituent les principaux changements prévus par ce nouveau texte, sur lequel le peuple sera appelé à se prononcer.

De l’avis général, la proposition de réforme constitutionnelle élaborée par la commission ad hoc présidée par Abdellatif Mennouni serait allée au-delà des orientations données par le roi Mohammed VI lors de son discours du 9 mars 2011. Ceci illustre un changement important dans la méthode de déploiement de la réforme ainsi que la grande latitude qui a été donnée au collège de constitutionnalistes pour donner un coup d’accélérateur à la démocratisation du Maroc.

Vent de réforme... depuis 1999

Cet état de fait n’est pas en soi surprenant, car Mohammed VI, dès son accès au trône en 1999, avait fait souffler un vent de réforme en s’attaquant à des dossiers qui étaient jusqu’alors considérés comme « tabous » : retour des opposants politiques au pays, création d’une instance chargée d’enquêter sur les abus des autorités et de dédommager les victimes (Instance Equité et Réconciliation, ou IER), réforme du statut personnel pour accorder aux femmes leur place pleine et entière dans la société n’en sont que les avatars les plus emblématiques.

Cette première rupture, enclenchée par Mohammed VI il y a plus de dix ans, a été effectuée dans le souci de préserver les permanences essentielles du Maroc, celles qui font que tout Marocain, où qu’il soit, se reconnaît dans cet état-nation millénaire à la fierté parfois ombrageuse.

Lors de la dernière décennie, la volonté réformatrice du roi s’est rarement démentie, bien qu’elle se soit souvent heurtée à la formidable capacité de résistance au changement des technostructures et des clientèles particulières. Ces forces puissantes, dans leur ensemble, ont souffert d’un « déficit d’inventivité » pour s’insérer dans l’agenda royal, entraînant des retards dans le train de croissance initialement prévu, ainsi que des réajustements permanents qui ont occasionné une déperdition d’énergie conséquente.

Un moment constitutionnel déterminant

Le référendum constitutionnel sera un moment politique fort qui devrait permettre de dépasser les freins à la réforme qui se sont progressivement remis en place. En se positionnant comme l’initiateur de la réforme constitutionnelle, le souverain marocain a déclenché une dynamique que la communauté nationale, dans sa majorité, souhaite voir menée à terme dans la sérénité et la conscience aiguë de la lourde responsabilité qui pèse sur les épaules de tous les démocrates du royaume.

Cette responsabilité collective nécessite que le débat autour de la future constitution s’organise autour d’une plateforme d’échanges la plus ouverte possible, afin qu’y soient inclues toutes les opinions, fussent-elles parfois extrêmes. En revanche, le moment est trop important pour que ceux qui nourrissent des agendas cachés continuent de se déployer, ils doivent donc être conviés à participer au débat démocratique de manière transparente et en faisant la lumière sur leurs intentions.

En effet, le moment constitutionnel qui s’annonce est peut-être le plus déterminant du Maroc contemporain, et devra être l’occasion d’initier un débat de fond entre la classe politique, les partenaires sociaux, et la nation dans son ensemble. Car si le Maroc a opté pour un processus de démocratisation qui passe par une refonte de sa constitution, beaucoup d’interrogations légitimes se posent quant à la capacité des partis politiques à réconcilier les Marocains avec la politique.

Quand l'Histoire s'accélère...

C’est là une question fondamentale pour l’avenir du débat démocratique car depuis quelques années s’est installé un véritable climat de défiance à l’égard des partis politiques, les Marocains préférant placer leur confiance en une institution monarchique à la popularité inaltérée.

Le mouvement de contestation initié par la Tunisie, puis suivi par l’Égypte, aura donc permis au Maroc de se mettre dans une dynamique d’accélération de l’Histoire, en s’affranchissant des blocages pour procéder à la mise à niveau du système de manière globale, en favorisant une transition « douce », méthodique et structurelle, plutôt que violente.

Certains semblent aujourd’hui presque regretter cet état de fait, estimant que des revendications exprimées dans la violence auraient plus de chance d’aboutir à une démocratisation réelle.

Stabilité économique et démocratisation sereine

Cet argument vient se heurter à un principe d’efficacité économique basique, à savoir que la croissance a besoin de stabilité pour durer, et que le Maroc, du fait de son déficit en matières premières, ne peut compter sur un « matelas de confort » qui lui permettrait de se payer le luxe d’une transition brutale.

Ceci ne signifie pas pour autant que la réforme constitutionnelle se fera a minima. Elle est au contraire d’une ampleur considérable : transformation du poste de Premier ministre en Président du Conseil (issu obligatoirement de la première force politique du pays), délégation de pouvoirs stratégiques jusqu’alors dévolus au roi en faveur du gouvernement, indépendance de la justice, et décentralisation en sont quelques mesures fortes.

Est donc finalement venu le temps pour le Maroc d’amorcer avec détermination le virage pour lequel il semble désormais paré : celui d’une démocratisation sereine.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !