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Marine Le Pen s'exprime lors d'une conférence de presse sur la diplomatie et la politique étrangère, le 13 avril 2022.
Marine Le Pen s'exprime lors d'une conférence de presse sur la diplomatie et la politique étrangère, le 13 avril 2022.
©Emmanuel DUNAND / AFP

Politique étrangère

Marine Le Pen a présenté cette semaine la politique étrangère qu'elle mettrait en œuvre en cas de victoire au second tour de l'élection présidentielle. Marine Le Pen a plaidé pour des relations plus étroites entre l'OTAN et Moscou, à contre-courant de la position actuelle de la France.

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane

Guillaume Lagane est spécialiste des questions de défense.

Il est également maître de conférences à Science-Po Paris. 

Il est l'auteur de Questions internationales en fiches (Ellipses, 2021 (quatrième édition)) et de Premiers pas en géopolitique (Ellipses, 2012). il est également l'auteur de Théories des relations internationales (Ellipses, février 2016). Il participe au blog Eurasia Prospective.

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La victoire de Marine Le Pen au second tour des élections présidentielles françaises de 2022 lui donnerait l’occasion d’appliquer un programme qui, en politique étrangère, marquerait une véritable rupture dans la diplomatie française. Outre la volonté de se soustraire aux règles de l’Union européenne, le programme de la candidate du Rassemblement national prévoit une sortie du commandement intégré de l’OTAN. Il s’agirait, pour elle, de s’inscrire dans les pas du général de Gaulle qui avait décidé cette rupture avec l’Alliance atlantique en 1966 mais aussi avec le consensus des élites françaises. Après plusieurs tentatives avortées, le retour dans le commandement intégré a été opéré en 2009 par Nicolas Sarkozy, alors en pleine phase atlantiste. Critiqué par la gauche, il a été finalement entériné par son successeur François Hollande, qui avait confié à l’inoxydable Hubert Védrine un rapport sur le sujet.

Si les experts s’accordent à penser que la présence de la France dans ce qui reste la plus vaste alliance militaire mondiale est plutôt bénéfique, la critique de l’OTAN reste une valeur sûre dans l’opinion française qui y voit avant tout un « alignement » honni sur les Etats-Unis. L’OTAN, ses adversaires prononçant souvent le n final, est un peu l’équivalent pour la France de ce que fut l’Union européenne pour le Royaume-Uni. Tous les Britanniques n’ont pas voté pour le Brexit, mais la critique de Bruxelles était, avant 2016, un lieu commun du débat public en Grande-Bretagne. Dans le pays qui fut pendant vingt ans le siège de son quartier général, l’OTAN a connu les mêmes déboires. En 2021, un sondage du centre de recherche Pew montrait que 51% des Français avaient une opinion positive de l’Alliance atlantique, dix points de moins que la moyenne des Etats membres. Les soutiens de l’OTAN en France étaient moins nombreux qu’en Espagne (55%), en Allemagne (59%), au Royaume-Uni (66%) ou en Italie (72%). Rien d’étonnant à ce qu’Emmanuel Macron se soit taillé un vif succès national en pointant, en 2019, la « mort cérébrale » de l’organisation.

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La guerre en Ukraine a toutefois montré qu’appartenir à l’OTAN avait quelques menus avantages et les opinions européennes évoluent, sur ce sujet, à grande vitesse. Le changement le plus spectaculaire est visible dans les Etats scandinaves neutres, Suède et Finlande, qui, longtemps hésitants pour ne pas froisser leur voisin russe, envisagent désormais à très brève échéance une adhésion en bonne et due forme à l’Alliance atlantique. La situation internationale a obligé la droite radicale européenne à un aggiornamento accéléré. Après un calamiteux voyage en Pologne, Matteo Salvini, le chef de la Ligue, ne s’oppose pas ouvertement à la politique de fermeté du gouvernement Draghi. En Espagne, Santiago Abascal, le leader de Vox, a fermement condamné l’agression russe et s’en prend à la gauche radicale espagnole, proche de la Russie mais soutien du gouvernement de Pedro Sanchez. A Stockholm, le parti des Démocrates de Suède a changé sa position : en accord avec les Vrais Finlandais, il est désormais favorable à l’entrée conjointe des deux Etats dans l’OTAN.

Marine Le Pen va-t-elle changer ? Après tout, Victor Orban, son proche allié, affiche sa compréhension envers la Russie sans sortir de l’OTAN. Si elle décidait de rompre avec ce projet de sortie, elle pourrait en tous cas trouver une inspiration paradoxale dans les idées de son propre père. Avant d’épouser les thèses russophiles aujourd’hui en vogue, Jean-Marie Le Pen fut un fervent atlantiste. Lors de la campagne de 1981, il s’inquiétait du « recul définitif de l’Occident » face au communisme et voulait…la réintégration de la France dans l’OTAN ! Il accusait le président sortant Giscard d’Estaing de « complaisance et d’aveuglement ». Par sa politique de détente, il faisait le jeu de Moscou en aidant l’URSS à faire de l’Europe, mots qui prennent aujourd’hui un sens prémonitoire, « un « glacis neutralisé, finlandisé ».

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