Manuel Valls entend incarner la "Force tranquille" ou la stratégie de l’antiphrase pour pallier le contenu<!-- --> | Atlantico.fr
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Le problème des gens qui prétendent reprendre un héritage, c'est qu'on a tendance à les comparer à leurs inspirateurs jusqu'au bout. Alors puisque Manuel Valls commet l'imprudence d'essayer de surfer la vague mourante.
Le problème des gens qui prétendent reprendre un héritage, c'est qu'on a tendance à les comparer à leurs inspirateurs jusqu'au bout. Alors puisque Manuel Valls commet l'imprudence d'essayer de surfer la vague mourante.
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Y'a du boulot

A l'occasion d'un déplacement de campagne à Narbonne, l'ancien Premier ministre a déclaré vouloir "incarner une force tranquille", ce 12 décembre.

Christian Combaz

Christian Combaz

Christian Combaz, romancier, longtemps éditorialiste au Figaro, présente un billet vidéo quotidien sur TVLibertés sous le titre "La France de Campagnol" en écho à la publication en 2012 de Gens de campagnol (Flammarion)Il est aussi l'auteur de nombreux ouvrages dont Eloge de l'âge (4 éditions). En avril 2017 au moment de signer le service de presse de son dernier livre "Portrait de Marianne avec un poignard dans le dos", son éditeur lui rend les droits, lui laisse l'à-valoir, et le livre se retrouve meilleure vente pendant trois semaines sur Amazon en édition numérique. Il reparaît en version papier, augmentée de plusieurs chapitres, en juin aux Editions Le Retour aux Sources.

Retrouvez les écrits de Christian Combaz sur son site: http://christiancombaz.com

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Manuel Valls vient de changer de stratégie de communication en se faisant passer pour l'émule de François Mitterrand dans la placidité, et en reprenant le même slogan. Est-ce bien raisonnable ?

Le problème des gens qui prétendent reprendre un héritage, c'est qu'on a tendance à les comparer à leurs inspirateurs jusqu'au bout. Alors puisque Manuel Valls commet l'imprudence d'essayer de surfer la vague mourante, presque imperceptible, du sillage de  François Mitterrand, prenons-le au mot. 

D'abord on peut observer qu'il obéit à une stratégie bien connue en publicité, qui est celle des knackis Herta, saucisses polyphosphatées très artificielles, fabriquées et colorées dans des cuves en  inox, mais vendues sous l'étiquette "authentique et naturel" par un grand-père qui les fait griller au feu de bois pendant une sortie champêtre avec son petit-fils. 

Là, visiblement ce que Valls veut nous vendre c'est sa tranquillité, sa maturité, alors que tout le monde voit bien qu'il s'agit au contraire d'un agité qui ressemble de surcroît encore, à cinquante ans, à un petit garçon coléreux et m'as-tu-vu. Donc c'est raté aussi pour la maturité. Ce qui est plus gênant c'est qu'il essaie aussi de vendre sa force et qu'elle serait donc, en vertu du même principe l'antithèse de ce qu'il est vraiment. Une partie des électeurs français, des hommes surtout, a flairé, en effet, en lui le mâle dominant à qui la nature n'a pas donné les moyens de ses ambitions. Du coup il est très imprudent d'attirer l'attention sur ce qu'il ne possède pas. Sa force, si elle existe, est inutile et importune puisqu'elle n'est pas maîtrisée. Il aurait dû miser plutôt sur le mot énergie. Cela transformait en vertu l'impuissance foncière du communicant qui est de devoir bouger tout le temps pour occuper le terrain.

Hélas comme son jumeau à droite (sur qui chacun mettra à un nom aisément), il ne sait rien faire d'autre : bouger, transpirer, trembler de colère à la tribune et hésiter entre chaque mot à force de bouillir intérieurement. Accessoirement aussi,raconter n'importe quoi quand il est acculé, au lieu de se taire, comme Mitterrand l'aurait fait. A l'époque où la France avait du vocabulaire, une époque que Valls n'a pas connue, et cela vaut mieux pour lui quand on l'écoute, on appelait ça être impétueux. L'impétuosité mélange vigueur et mouvement. Mais elle n'a jamais été un signe d'intelligence. C'est là que le bât blesse dans son cas. La méthode Valls a un petit côté Gilles de la Tourette : il glapit toujours les mêmes éléments de langage sur un ton et avec un visage très mobile, mais les gens ne sont pas sûrs qu'il y ait quelque chose derrière ses appels à la République, ses références téméraires à la guerre civile, ses puérilités face à Dieudonné, etc.

La chose curieuse est que Macron adopte une méthode voisine de manière entièrement apprise, sur-jouée, embarrassante. Son chargé de com a dû lui dire qu'il passait pour mièvre, juvénile et qu'il avait la voix haut-perchée, du coup il tonne et fulmine au pupitre, mais on est très loin de Jupiter dont, pourtant, il serait issu par la cuisse.

Dans les deux cas, on voit très bien ce qui leur manque pour acquérir ce que les Américains appelle le momentum : la politique est un système solaire où pour agréger l'opinion, l'attirer à soi selon le principe de la gravité, il faut acquérir de la densité. On ne peut pas attirer un satellite si on est une petite planète gazeuse. A bien des égards, le problème de la politique française, surtout à gauche, est celui de la densité de ses planètes qui ne génère aucune gravité depuis longtemps. Les candidats qui mettent tous leurs oeufs dans le panier de la com' savent bien qu'ils n'ont  aucune profondeur, aucun recueillement, aucun silence intérieur, et que les solutions justes et intelligentes pour le pays ne peuvent venir que d'une planète lourde, inconnue, à l'orbite encore lointaine. On dirait qu'ils la redoutent mais nous l'attendons.

Addendum : Vincent Peillon, visiblement adepte de la méthode de l'antiphrase, aurait déclaré que sa candidature à la primaire serait celle de la "République pour tous", par quoi il faut donc entendre la République pour quelques uns, et là nous sommes à fond dans la filiation mitterrandienne.

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