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Manuel Valls à Des paroles et des actes : le ministre de l'Intérieur s'est contenté de se tenir "droit dans ses bottes"
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Télé-crochet

Jeudi soir, face à Eric Ciotti, Florian Philippot et Alain Finkielkraut, le locataire de la place Beauvau ne s'est pas laissé marcher sur les pieds, sans pour autant crever l'écran.

Christian Delporte

Christian Delporte

Christian Delporte est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Versailles Saint-Quentin et directeur du Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines. Il dirige également la revue Le Temps des médias.

Son dernier livre est intitulé Les grands débats politiques : ces émissions qui on fait l'opinion (Flammarion, 2012).

Il est par ailleurs Président de la Société pour l’histoire des médias et directeur de la revue Le Temps des médias. A son actif plusieurs ouvrages, dont Une histoire de la langue de bois (Flammarion, 2009), Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine (avec Jean-François Sirinelli et Jean-Yves Mollier, PUF, 2010), et Les grands débats politiques : ces émissions qui ont fait l'opinion (Flammarion, 2012).

 

Son dernier livre est intitulé "Come back, ou l'art de revenir en politique" (Flammarion, 2014).

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Atlantico : Manuel Valls était ce jeudi l'invité de David Pujadas pour l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2. Le ministre de l'Intérieur traverse une passe difficile : il perd 7 points de popularité dans le baromètre TNS du Figaro magazine à paraître ce week-end. Manuel Valls a-t-il su redresser la barre au cours de l'émission de jeudi soir ? Sa méthode est-elle la bonne pour regagner des points de popularité ?

Christian Delporte : S’agissant des sondages, il n’y a pas vraiment péril en la demeure. Le sondage CSA publié aujourd’hui donne Valls comme l’homme politique le plus populaire, le 3e à gauche (avec 61 %) et le 4e à droite (avec 50 %). C’est un peu cet équilibre-là que le ministre de l’Intérieur semblait vouloir préserver. Deux mots ont été absents de son vocabulaire : « gauche » et « droite ». A plusieurs reprises, il a affirmé qu’il ne voulait pas « polémiquer » et que sa tâche était de « garder (son) calme ». Il a voulu faire taire la critique sur son impatience, affirmant sa loyauté à l’égard du Premier ministre (et, bien sûr, du Président de la République), évitant la petite phrase de communication, clamant qu’il n’avait qu’un seul souci, une seule « mission », celle de ministre de l’Intérieur qui, selon lui, « doit s’accomplir dans la durée ». Florian Philippot a cherché, sur ce plan, à le pousser à la faute. Vainement. On remarquera aussi que, dans le public, n’avait pris place aucune figure du gouvernement ou du PS. Valls avait joué la carte du terrain, avec Francis Chouat (maire d’Evry) ou Luc Carvounas (sénateur-maire d’Alfortville), preuve du message qu’il voulait faire passer. N’oublions pas qu’avant d’être ministre, Valls fut un communicant, conseiller de Lionel Jospin. Il sait y faire pour dessiner une image.

D'une manière générale, que peut-on retenir de cette émission ? Manuel Valls a-t-il été à l'aise ? A-t-il été convainquant ?

Valls avait bien préparé l’émission, arrivant même avec des chiffres sur Nice ou Forbach pour gêner ses interlocuteurs politiques. Il avait choisi d’adopter une posture, celle de la « réalité » et de la « transparence », pour reprendre ses mots, ce qui est un peu sa marque de fabrique. Il n’a, en tout cas, jamais été déstabilisé. Il faut dire que le plateau des contradicteurs politiques n’était pas vraiment composé pour l’impressionner. France 2 n’avait pas invité une grande figure de l’UMP et Eric Ciotti était mêlé à deux autres intervenants, dans une discussion plutôt technique. Un représentant du Front de gauche aurait pu le pousser à s’exposer davantage, mais il n’y en avait pas. La vedette du jour était le FN, au travers de Florian Philippot, curieusement hissé au rôle de principal opposant de Manuel Valls, ce qui ne pouvait guère lui déplaire. Chaque fois que ses contradicteurs ont voulu l’entraîner vers la controverse politique (ou politicienne), il a pris garde de ne pas tomber dans le piège. Hier soir, il était le ministre de l’Intérieur « droit dans ses bottes ». Le revers de la médaille, c’est qu’au-delà d’une attitude qui lui a permis d’esquiver les coups, il n’a pas éclairé le téléspectateur sur ce qu’est le « vallsisme », ce qui le distingue fondamentalement sur le plan politique.

Deux moments forts de l'émission auront été les débats, d'abord avec le vice-président du Front national Florian Philippot  puis avec le philosophe Alain Finkielkraut. Qui est sorti vainqueur de ces deux oppositions ? Pourquoi ?

Il y a eu deux temps dans débat Valls-Philippot. Le premier, où l’échange était presque technique, avec une querelle de chiffres, où le ministre de l’Intérieur s’opposait au haut fonctionnaire du même ministère qu’est Philippot. On a même entendu le représentant du FN commencer par dire qu’il partageait certains propos de Valls sur l’immigration et les valeurs ! Philippot a senti le danger et a cherché, vers la fin, la polémique, s’en prenant au comportement et aux ambitions cachées de Valls. Mais le ministre de l’Intérieur, fidèle à sa ligne de communication, ne s’est pas laissé prendre. Est arrivé alors Alain Finkielkraut. Habilement, Valls a commencé par dire : « Je me retrouve souvent dans la pensée, les réflexions, les écrits d’Alain Fienkielkraut, quand il défend la laïcité, la lutte contre les communautarismes et la panne du système d’intégration ». Le débat était terminé avant d’avoir débuté ! La présence du philosophe flattait plutôt Valls, et tout fut ensuite dans la nuance, les « détails », comme l’a dit lui-même le ministre. Les dés étaient pipés : quinze minutes d’échange, c’est peut-être le temps du politique, mais certainement pas l’espace nécessaire à la pensée intellectuelle ! Pas sûr que Fienkelkraut ait été finalement ravi d’avoir accepté l’invitation.

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