Manifestations anti pass vaccinal : emmerder les non vaccinés au prix de noyer la police sous de nouvelles emmerdes ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Des manifestants anti-vaccin et des Gilets jaunes lors d'un rassemblement à Bordeaux.
Des manifestants anti-vaccin et des Gilets jaunes lors d'un rassemblement à Bordeaux.
©Philippe LOPEZ / AFP

8 Janvier

Interview avec Grégory Joron, Secrétaire Général UNITÉ SGP Police.

Grégory Joron

Grégory Joron

Grégory Joron est Secrétaire Général UNITÉ SGP Police.

Voir la bio »

Atlantico : Une manifestation contre le pass vaccinal va avoir lieu ce samedi, à quoi vous attendez-vous ? Avez-vous des inquiétudes ?

Grégory Joron : Je pense que ce sera forcément une manifestation composée d’une foule en colère. Il suffit de voir les débats à l’Assemblée nationale, la confrontation politique, des mots forts de part et d’autre. Ce qu’on craint surtout, c’est le risque de débordements face à des gens qui se radicalisent dans leur position et ont peut être une expression violente. Dans ces cas-là, les policiers sont forcément en première ligne. C’est notre principale crainte. Lorsque l’on voit ce qui s’est passé en Hollande ou en Angleterre, on sait que le sujet est très sensible. Il suscite beaucoup de crispations, de craintes. Elles peuvent être entendues si elles restent dans un climat apaisé et républicain.

Lorsque vous entendez le président de la République dire qu’il faut emmerder les non-vaccinés, avez-vous le sentiment que ce genre de déclarations vous complique la tâche ?

Ce qui est sûr, c’est qu'il ne la facilite pas. Je ne fais pas de politique donc je ne vais pas m’indigner, je ne suis qu’un observateur. Cela dit, cette phrase exprime sans doute une frustration de la part du président, ainsi qu’une forme de colère. D’un certain côté, cela peut l’humaniser. Mais de l’autre côté, ça ne rend pas service à la police car ça peut « radicaliser » certaines personnes et faire basculer certaines personnes du mauvais côté. Donc ça ajoute à l’inquiétude que l’on peut avoir.

Dans quelle mesure ces petites phrases politiques ont un impact sur vous et le travail que vous devez effectuer ?

À Lire Aussi

Des anti-vax aux anti-OGM : cette culture de contestation scientifique que la France a laissé prospérer tout en feignant de s’en désoler 

L’impact est important. Et la parole du président l’est aussi, quoi qu’on en dise. C’est la première parole publique donc elle est écoutée. Mais elle peut être interprétée et mal prise si les mots ne sont pas choisis. Les mots ont de l’importance. Donc cela peut nous compliquer la tâche. Certains mots des ministres de l’Intérieur ou du président nous ont déjà compliqué la tâche. Ça a été le cas dans son interview à Brut lorsqu’il parle des contrôles aux faciès et reprend les termes de violences policières. Certes nous avons transformé la colère en revendications, cela a permis la mise en place du Beauvau de la sécurité et par là un budget 2022 historique et des perspectives intéressantes pour le métier. La décision du ministre Castaner sur la clé d’étranglement et sa phrase sur le « soupçon avéré d'actes ou de propos racistes ». Il ne faut pas sous-estimer l’impact de la parole institutionnelle.

Ces propos se sont-ils traduits par plus de méfiance ou de violence à l’égard de la police ?

Lors de l’épisode des Gilets jaunes, la réponse devait être économique, politique, sociale et elle a été souvent trop policière. Une fois que le gouvernement a estimé avoir répondu aux attentes, le gouvernement n’a plus apporté qu’une solution policière. On a eu des journées compliquées et une baisse du taux de confiance dans la police pendant le mouvement des Gilets jaunes, celui-ci est revenu à la normale. On a mis à certaines occasions les policiers dans des situations compliquées en termes d’image renvoyée.

À Lire Aussi

La mobilisation anti passe sanitaire ou l’implantation en France d’un libertarisme à l’américaine ?

Dans les instructions données en matière d’ordre public, réfléchit-on trop au maintien de l’ordre pur sans se soucier des conséquences pour les policiers ?

Le maintien de l’ordre est l’un des domaines les plus sensibles et c’est aussi la seule matière directement liée au politique puisque le préfet est chargé des opérations. Quand on est un policier engagé sur du maintien de l’ordre, on sait qu’il fait partie du jeu d’être une forme d’exutoire pour la colère citoyenne. Cela est vrai jusqu’à certaines limites (les agressions ou blessés dans nos rangs). En revanche, je ne vais pas dire que nous sommes manipulés ou utilisés. Il y a, à mon sens, plus de réticences à ce que l’on intervienne plutôt que d’ordres visant à avoir une répression super dure.

Avez-vous l’impression que les policiers avaient les moyens suffisants pour intervenir dans les opérations de maintien de l’ordre jusqu’à présent ?

Il n’y a rien eu de nouveau sur les moyens, à part quelques effectifs. En revanche, il y a eu une démesure dans l’engagement. Avant 2016 et les manifestations contre la loi travail, le déploiement d’un gros dispositif sur Paris représentait entre 15 et 20 unités de forces mobiles engagées. Pendant les Gilets jaunes, on est monté à plus de 60 unités engagées. Ce sont des gros dispositifs. Et dans les premiers temps, les moyens étaient là mais les instructions, le dispositif et l’engagement n’étaient pas au rendez-vous. Cela entrainait que nos équipes étaient très rigides, statiques, ce qui justement exposait nos collègues. Il y a eu un changement de regard et de stratégie pour plus de mobilité. Car le pire pour le maintien de l’ordre, c’est d’être statique, c’est dans ces moments que nous avons souvent le plus de blessés. Le mouvement des Gilets jaunes a été un moment inédit d’engagement des policiers. Au début, nous n’avions pas suffisamment d’effectifs et avons engagé du personnel qui n’était pas formé à la gestion de foules. Aujourd’hui, je pense que la leçon a été tirée.

À Lire Aussi

L’attitude réfractaire à la vaccination est un symptôme du malaise français, et voici pourquoi

Au-delà de samedi, la campagne électorale qui s’annonce vous inquiète-t-elle ?

La campagne électorale va au moins pour le premier mois à venir se dérouler sur fond de crise sanitaire. On ne peut pas savoir exactement ce qui va se passer. De plus deux éléments vont s’entrechoquer, la campagne présidentielle et la présidence du conseil de l’Union européenne. Sur ce point, les échéances à venir entre Brest et Nantes vont entraîner des déplacements importants de personnalités politiques européennes. Or cela demande des dispositifs policiers très importants. Cela vient se greffer à la campagne présidentielle alors que le débat est électrique. C’est donc inquiétant pour l’engagement des personnels que je représente car ils vont être sursollicités très fortement.  

Le sujet vous intéresse ?

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !