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La difficile majorité à laquelle pourrait s’attendre un Président Hollande
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Le jeu des sept familles

Si le candidat PS est élu, il devra, dès la campagne pour les législatives, gérer ses alliances avec des partenaires très divers, des Verts aux chevènementistes en passant par les membres du Front de gauche.

Serge  Federbusch

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président du Parti des Libertés, élu conseiller du 10 ème arrondissement de Paris en 2008 et fondateur de Delanopolis, premier site indépendant d'informations en ligne sur l'actualité politique parisienne.

Il est l'auteur du livre L'Enfumeur, (Ixelles Editions, 2013) et de Français, prêts pour votre prochaine révolution ?, (Ixelles Editions, 2014).

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Mis à part Valéry Giscard d’Estaing en 1974, dans la foulée de leur victoire tous les présidents de la cinquième République ont pu disposer d’une confortable majorité parlementaire. Et Giscard eut à se mordre les doigts de devoir compter, tout au long de son septennat, sur le faux appui des néo-gaullistes de Jacques Chirac.

Sur le papier, François Hollande n’a donc pas de souci à se faire : sa victoire éventuelle à la présidentielle devrait être confirmée aux législatives par des Français qui n’ont pas tout à fait oublié les effets délétères des cohabitations. Qui plus est, la sanction du pouvoir sarkozyste devrait se prolonger par celle des députés UMP sortants.

Sauf que ...

Tout d’abord, il faudra que les socialistes défalquent de leur majorité les députés Verts qui seront élus grâce à l’accord passé en novembre dernier. En cas de victoire aux législatives, le nombre de députés EELV devrait tourner autour de 30, pour 60 circonscriptions réservées. Certaines d’entre elles sont en béton armé pour la gauche, à commencer par la sixième circonscription de Paris, à cheval sur les 11ème et 20ème arrondissements, fléchée pour Cécile Duflot.

Il faudra également soustraire les députés du MRC de Jean-Pierre Chevènement. Aux termes d’un accord conclu il y a à peine un mois, le PS a cédé neuf circonscriptions dont 4 à 6 gagnables (notamment la 4e de l’Aisne, la 13e du Nord, la 2e du Territoire de Belfort, la 10e du Val-de-Marne). Nous en sommes déjà à 35 sièges à retrancher.

Vient maintenant le gros du problème : le Front de Gauche. S’il transforme l’essai de Mélenchon et que ce dernier dépasse les 15 %, le PS a du souci à se faire. S’il flirte avec les 20 %, ce serait pour les socialistes un vrai tracas. Et ce n’est pas une pure hypothèse. L’idée se répand en effet dans l’électorat de gauche qu’il conviendrait de « contrebalancer » le vote Hollande aux présidentielles par un coup de barre mélenchonnien aux législatives. Elle est très périlleuse pour le PS. Car le vote néo-communiste risque d’être assez concentré sur les anciens territoires du PC et de le placer devant le PS dans à peu près 70 à 80 circonscriptions.Rappelons qu’après les législatives de 1978, le groupe communiste avait 86 députés dans la foulée d’un score de 20,5 % au 1er tour.

Dès lors, trois possibilités s’ouvrent au PS et à cet allié potentiel et encombrant.

La première consiste pour chacun à jouer la carte du maximalisme, à maintenir ses candidats, ce qui provoquerait de nombreuses triangulaires, dangereuses si l’UMP ne s’effondre pas.

La seconde serait l’application de la vieille règle dite de «la discipline républicaine», qui implique un désistement au bénéfice du candidat arrivé en tête. Dans ce cas le résultat serait le même : près de 80 députés pourraient faire défaut au PS.

La troisième serait l’utilisation d’un instrument d’arbitrage de second rang, dit de «la règle à calcul», où les protagonistes se répartiraient les circonscriptions en fonction de leur poids électoral respectif. Une sorte de proportionnelle interne, en quelque sorte, mais toujours une saignée en nombre de députés socialistes.

Admettons que les soustractions «verte», chevènementiste et «rouge» se cumulent : ce sont près de 120 élus auxquels le PS devrait renoncer à l’Assemblée nationale au bénéfice de ses partenaires de la gauche. Sa majorité ne tiendrait plus qu’à un fil si tant est qu’elle existe.

Reste, pour François Hollande, à affronter le pire : pourrait-il compter sur les députés socialistes eux-mêmes pour faire prévaloir son point de vue dans les innombrables débats et arbitrages politiques qui émailleraient son mandat ?

N’oublions pas un détail lourd de sens : à la différence de François Mitterrand et même de Lionel Jospin, François Hollande ne dispose pas au PS d’un courant qui lui est dévoué et sur lequel il a pu imprimer sa marque et son autorité. Lors du dernier congrès socialiste de Reims, de pitoyable mémoire, il avait dû faire alliance avec Delanoë, un attelage de circonstance et un pacte tellement artificiel que le maire de Paris fut l’un des soutiens les plus engagés d’Aubry lors des récentes primaires socialistes ! Leur motion dite «A», ne réunit que 25 % des voix. Si l’on attribue généreusement à Hollande la moitié de celles-ci, son poids dans le parti est donc de 12, 5 %.

Mais il y a eu les primaires « citoyennes » depuis, objecteraient vous ! Certes, mais elles n’ont que peu de signification. D’abord, les militants n’étaient pas loin s’en faut les seuls participants à cet exercice. Et, surtout, une forte majorité des députés sortants et candidats investis par le parti sont issus de la mouvance Aubryste. Il est peu vraisemblable qu’ils obéissent au doigt et à l’oeil aux injonctions élyséennes si elles leur posent problème. D’autant que beaucoup d’entre ces élus seraient davantage sensible à la menace de la concurrence mélenchonnienne.

Bref, nonobstant le symbole du parti, la cohabitation avec l’Assemblée nationale ne serait pas une vallée de roses pour François Hollande. Martine Aubry, Benoît Hamon et l’aile gauche du parti pourraient se montrer exigeants. Ils n’ont au fond pas un intérêt aussi fort que celui de Hollande à endiguer la montée du Front de Gauche.

Pendant ce temps, n’oublions pas que la majorité socialiste au Sénat est très faible, fermant la route à toute réforme constitutionnelle par la voie du congrès.

Ces calculs, bien évidemment, sous-estiment la dynamique créée par une victoire à l’élection présidentielle, ainsi que l’habitude d’obéir au chef, qui siègerait symboliquement à l’Elysée. Ils ne prennent pas non plus en compte le parjure.

Les socialistes pourraient dénoncer leur accord avec les Verts afin de faire plus facilement de la place au Front de Gauche. Plus simplement, ils pourraient laisser prospérer les candidatures dissidentes de militants ou sortants qui rejetteraient l’accord avec EELV.

Mais une telle trahison aurait des contrecoups en termes de multiplication des affrontements avec ces ex-alliés et de risque de triangulaires dans les grandes villes, où le vote Vert reste significatif.

En définitive, l’art de gouverner autre chose que la rue de Solférino risquerait d’être d’un apprentissage difficile pour François Hollande. Heureusement, la France est prospère, son économie florissante, sa dette inexistante, son poids en Europe et dans le monde incontestable et sa population unie par un sentiment profond de concorde nationale. Il n’y a donc rien à craindre de cette éventuelle phase de tâtonnements …

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