Mais où sont passés les syndicats, devenus incapables de répondre à la détresse des étudiants ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Mais où sont passés les syndicats, devenus incapables de répondre à la détresse des étudiants ?
©NICOLAS TUCAT / AFP

Atlantico Business

Les étudiants, épargnés pour la plupart par le virus, subissent de plein fouet la fermeture des facs, la violence du confinement et les difficultés économiques. Les étudiants sont autant victimes de l’épidémie que les personnes âgées et à risques et personne ne s’en occupe. Les syndicats, eux, sont aux abonnés absents.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

De deux choses l’une, ou bien les syndicats d’étudiants ont été entièrement décimés par la Covid-19 ou bien ils se cachent, incapables d’apporter des solutions pour soulager la détresse des étudiants.

Il a fallu qu‘une étudiante épuisée fasse une lettre ouverte au président de la République pour lui exposer la situation désastreuse dans laquelle elle se retrouvait, elle et la grande majorité de ses camarades, pour que la France entière et d’abord les médias se penchent sur ce segment de Français dont personne ne parle, sauf les jours de rentrée universitaire ou les jours de manifs contre.... Contre quoi ? Contre tout en général, puisque les syndicats d’étudiants ont cru comprendre que, pour se faire entendre, il fallait critiquer le pouvoir.

Seulement après un an de crise pandémique, un an de débat un peu confus, un an de décisions gouvernementales contradictoires, un an à venir en fac puis à ne pas venir, un an à se battre avec sa tablette pour essayer de suivre des cours en Visio, à condition que l’internet fonctionne. Après un an, tout se passe comme si les syndicats avaient disparu des radars, sans laisser de consigne ou de mot d’ordre.

A l’exception de l‘élite étudiante, celle qui a la chance d’avoir intégré une grande école, celle qui a la chance d’avoir des parents qui ont les moyens d’accueillir et de soutenir leurs enfants. À l‘exception de ces 20 000 étudiants environ, l’immense majorité de cette population de 2 700 000 jeunes post-bac sont, pour la plupart, dans une situation désolante et même consternante.

Leur raison de vivre et leurs moyens de vivre se sont effondrés. Leurs ambitions se contrarient avec des objectifs brouillés, au point de s’évanouir.

La crise épidémique a commencé par vider les amphithéâtres, supprimer les cours et confiner les étudiants chez eux. Dans leur chambre face à un ordinateur qui représente la seule fenêtre sur le monde. Celle par laquelle ils peuvent vérifier, entre deux cours en Skype, qu’ils sont encore des copains et que la famille ne va pas trop mal. Une vie de chien attaché au clavier. Dans un univers clos de 15 m2, rarement plus et souvent moins.

Il faut avoir une force d’âme exceptionnelle pour croire qu’avoir 20 ans aujourd’hui est le plus beau moment de la vie.

Du coup, on commence à comprendre les dégâts psychologiques et physiques de ces confinements successifs. Dégâts tels qu’ils en conduisent certains au bord du suicide. Comment représenter l’avenir de la société quand tous les outils qui permettraient de construire cet avenir leur sont retirés ? Les enseignements, la formation, le lien social, la rencontre des autres, les voyages et l’immensité des découvertes qui vont conditionner la vie entière, à commencer par la découverte de l’amitié ou de l’amour.

La pire des choses, d’ailleurs, est de se retrouver au banc de la société quand certains autres étouffent et transgressent les règles de distanciation au cours d’un apéro, et sont alors rendus coupable de faire circuler le virus.

Les étudiants sont du coup l’objet d’une double exécution immédiate, parce qu’ils hypothèquent leurs études et se retrouvent coupables d’avoir, par leur comportement, obligé le gouvernement à prendre des mesures restrictives. Ne parlons pas d’une troisième peine qui leur est infligée à perpétuité, celle-ci, puisqu’ils auront à rembourser le formidable endettement que l’Etat a contracté afin d’éviter la ruine du système. En attendant, on risque fort de ruiner une génération.

Ce qui perturbe et alimente leur désarroi provient principalement des difficultés

financières auxquelles ils sont confrontés. La plupart ont perdu leur job de complément; McDonald, plus gros employeur d’étudiants en France - 1500 restaurants et 65 000 salariés, dont 90% d’étudiants - tourne au ralenti comme tous les établissements de restauration rapide. Si on se tourne vers la grande entreprise, elle a fermé le guichet de stages, tous les contrats en alternance ou en apprentissage ont été pratiquement suspendus.

Mais parallèlement, le dossier des prêts étudiants grossit. C’est devenu le deuxième moyen de financement des études supérieures, devant même le mécanisme de bourse.

Le problème existe d’ailleurs dans tous les pays occidentaux où les droits d’inscriptions ont explosé et les conditions de logement coutent extrêmement cher (même avec l’APL), même avec les colocations.

A Paris, le budget minimum mensuel d’un étudiant au niveau Bac +2 dépasse les 1500 euros. Sans l’aide des parents, l’étudiant n'y arrive pas. Il lui faut travailler, négocier un prêt et obtenir une bourse. Quand les conditions sanitaires sont normales, l’étudiant a déjà du mal à s’en sortir. Quand le virus s’installe, les études se transforment en chemin de croix.

Alors, ce qui est étonnant dans cette situation absolument improbable, c’est l’absence des syndicats. La classe politique, n’en parlons pas, elle débat de ses intérêts électoraux sans rapport direct avec la crise pandémique.

Mais les syndicats étudiants, si prompts à descendre dans la rue dès qu’on touche à la diversité ou à la théorie du genre, sont totalement absents. Les seules propositions fortes qui ont marqué l’année 2020 auront été des couplets d’injonctions contradictoires.

1er temps : on a réclamé les masques quand il n'y en avait pas et des cours en amphi ou des TD à la Fac.

2e temps : on réclame les tests mais on refuse d’isoler les cas positifs asymptomatiques, ce qui est le lot de 99 ,99 % des étudiants .

3e temps : quand les masques sont arrivés, les syndicats étudiants ont demandé l’arrêt des cours parce que les conditions sanitaires n’étaient pas réunies.

4e temps : à la fin du premier confinement, les étudiants sont revenus en cours et les syndicats ont demandé l’annulation des examens et des contrôles, passage libre et automatique dans l’année supérieure.

On cherche encore, dans l’offre syndicale, les initiatives concrètes, campagne de testing ou de vaccination, les revendications cohérentes ou les propositions responsables pour sortir de ce marasme.

Cette épidémie mondiale va accélérer les mutations liées au digital, aux contraintes écologiques et a l’évolution de la mondialisation. L’université n’échappera pas à ces mutations.

Cela dit, les syndicats étudiants ne sont pas les seuls à se chercher un avenir, un rôle, une densité. Tous les contrepouvoirs sont concernés. La difficulté, c’est que l’épidémie est un mal tellement profond, tellement spécifique, qu’elle n‘appelle pas de réponses idéologiques ou même politiques. L’épidémie du coronavirus appelle des réponses techniques et financières, responsables et cohérentes. Des solutions concrètes. Des résultats. Les syndicats doivent urgemment réinventer leur logiciel sinon ils vont tous disparaître au moment du réveil.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !