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Macron affronte l'Europe de l'Est en mode bobo
©Capture d'écran

A l'Est du nouveau

On peut égrener sans fin les poncifs bobo sur l'Europe: elle a garanti la paix sur le continent depuis 1945 (tout le monde ayant oublié l'OTAN et sa capacité de dissuasion face à l'URSS), elle garantit la prospérité (tout le monde évitant de remarquer que la performance de la zone euro est inférieure à celle de l'UE 28), et elle doit accueillir des réfugiés venus de Méditerranée.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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On peut égrener sans fin les poncifs bobo sur l'Europe: elle a garanti la paix sur le continent depuis 1945 (tout le monde ayant oublié l'OTAN et sa capacité de dissuasion face à l'URSS), elle garantit la prospérité (tout le monde évitant de remarquer que la performance de la zone euro est inférieure à celle de l'UE 28), et elle doit accueillir des réfugiés venus de Méditerranée. Macron a sacrifié à ces poncifs en tançant vertement la Pologne et la Hongrie.

Europe bobo, Europe occido-centrée

Tous ceux qui partagent l'étrange culpabilité de l'Europe bienpensante vis-à-vis des réfugiés applaudiront, bien entendu, à cette sortie fracassante qui vise notamment la résistance farouche opposée par le groupe de Visegrad à la politique européenne de "relocalisation" forcée des réfugiés. Depuis de nombreux mois, la Pologne et la Hongrie mènent une véritable campagne de refus contre l'intention, portée par l'Allemagne, de "placer" de force des migrants dans ces pays. 

Dans la vision bobo du monde, dont Macron se fait l'écho, cette résistante procède évidemment d'un racisme profond et n'est pas acceptable. Donc, il faut l'éradiquer. 

Ce faisant, Emmanuel Macron reprend à son compte une compréhension à courte vue, essentiellement occido-centrée. C'est le triomphe du boboland. 

Les migrations vues de Hongrie et de Pologne

Du point de vue de la Hongrie et de la Pologne, le problème des réfugiés se pose en effet de façon très différente. 

Côté Pologne, la leçon sur les migrants ne peut qu'être mal vécue. En effet, le conflit en Ukraine a beaucoup pesé sur la solidarité des Polonais. On parle d'un million de réfugiés ukrainiens qui se seraient installés en Pologne.

Ce million de réfugiés portés par la seule Pologne n'a pas beaucoup inspiré de tristesse ni de culpabilité à l'Europe de l'Ouest. Disons même que personne n'en parle. Mais ils expliquent largement pourquoi la Pologne ne se laissera pas faire pour accueillir de nouveaux migrants dont l'Europe de l'Ouest ne veut pas sur son sol. 

Côté Hongrie, Macron devrait se souvenir que la pilule est tout aussi amère. Lorsqu'Angela Merkel a ouvert la vanne pour les réfugiés, c'est en effet la Hongrie qui a dû absorber l'essentiel du choc démographique. On a oublié en France que la Hongrie est historiquement la portée d'entrée du continent quand on vient des Balkans. Les colonnes de réfugiés venus de Grèce en marche pour l'Allemagne se sont toutes échouées en Hongrie, sans que l'Europe ne se mobilise vraiment pour aider la Hongrie à affronter un phénomène inconnu en Europe depuis 1945. 

L'égoïsme de la bonne conscience bobo risque de laisser des traces

Dans cet ensemble, la vision occido-centrée risque donc de laisser des traces. Pour la Hongrie ou la Pologne, recevoir des leçons de solidarité de la part de pays qui sont loin d'être exemplaires ne devrait pas contribuer à rehausser une adhésion spontanée à l'Europe proposée par Bruxelles. 

Avec ses campements à Calais, avec les images de réfugiés bloqués à la frontière italienne, avec un très faible nombre de réfugiés accueillis sur notre sol, Macron prend la tête d'une croisade qui risque de lui revenir méchamment dans la figure. En quoi la France prend-elle plus sa part que la Hongrie ou la Pologne?

Si Macron veut être crédible vis-à-vis de ses collègues, il devra tôt ou tard accepter une vague de réfugiés sur le sol français. Et rien n'exclut que la réaction ordinaire, y compris au sein de son électorat, soit virulente. 

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