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Les primes de Noël arrivent, les partisans d’un revenu universel se réveillent alors qu’on aurait plutôt besoin de booster la machine à jobs
©Gints Ivuskans / AFP

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Le gouvernement va verser une prime de Noël à toutes les familles dont le revenu est inférieur au SMIC, ce qui réveille les projets de revenu universel. Alors que l’urgence des urgences est de relancer la machine à créer des emplois...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le gouvernement va donc verser une prime de Noël de 150 euros à tous les bénéficiaires du RSA, de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et de l’allocation équivalent retraite (ARE).  Cette prime sera de 150 euros pour une personne seule, 230 euros pour un couple et jusqu'à 380 euros pour un couple avec trois enfants. Cette prime sera versée automatiquement sans formalités particulières et s’ajoute à la prime exceptionnelle versée en novembre. 2,5 millions de ménages devraient en bénéficier pour un montant global qui dépassera encore le milliard d’euros. 

Cette opération répond à un besoin évident parce que la crise du Covid a creusé les inégalités entre ceux qui ont pu garder leur job (dans les grandes entreprises, la fonction publique) et ceux qui ont tout perdu ou presque, à commencer par tous les petits boulots qui permettaient à beaucoup de terminer le mois, et notamment aux étudiants et bénéficiaires du RSA, des APL ou du minimum vieillesse. Tous ces petits boulots ont disparu avec la fermeture des petits commerces et surtout des bars et des restaurants. 

Par ailleurs, il est évident que ce milliard de prestations sociales supplémentaires devrait se retrouver dans le secteur du commerce et apporter un peu d’oxygène aux magasins de proximité en participant à la relance de la demande. 

Cette prime exceptionnelle de Noël a réveillé les partisans du revenu universel qui ont fait leurs calculs pendant toute cette période de crise pandémique et qui en arrive à la conclusion que l'Etat aurait eu les moyens de distribuer presque 1000 euros par mois à chaque Français au lieu de distribuer la manne publique à tous les segments de bénéficiaires selon la force de leur lobbying politique. 

Pour les économistes, qu'ils soient libéraux ou étatistes, le revenu universel a beaucoup d’avantages. Il permet d’éradiquer la misère et de simplifier les mécanismes de redistribution, tout en incitant à découvrir des nouvelles formes de vie. A partir du moment où chaque ménage dispose d’un revenu de subsistance suffisant pour lui assurer un minimum de standard de vie, on peut considérer en théorie que chacun sera libre de travailler selon son talent et ses envies. 

Mais un tel système est assez utopique. Que l'on prenne l’ensemble des prestations sociales et qu'on en simplifie la distribution au plus grand nombre est une chose, mais qu'on alloue à tout le monde un même montant sans se préoccuper de la contrepartie ou des conditions, on court le risque de générer une société encore plus inégalitaire qu'actuellement. Entre ceux qui décideront de ne plus travailler et ceux qui continueront, le fossé risque de se creuser et avec ce fossé, les tensions sociales. On ne voit déjà aujourd'hui entre les ménages qui réussissent à faire le plein des allocations multiples et diverses et ceux qui travaillent, soit parce que leur travail a une valeur de marché, soit parce qu’ils sont obligés. 

Le revenu universel serait compliqué à mettre en application et porteur de risques difficiles à assumer. Les expériences qui ont été faites en Norvège et en Finlande ont été arrêtées. Les systèmes en vigueur dans les monarchies pétrolières où l’Etat distribue à tous les citoyens l’essentiel de la rente pétrolière sous forme de subventions, a produit une génération qui n’a plus de gout au travail, plus envie de créer ou d’inventer et dont la seule occupation est de consommer et de jouir de la vie. Ça peut être agréable, sauf que c’est assez stérilisant et que ça nécessite d’avoir une main d’œuvre pas chère et docile pour faire tous les travaux de maintenance et d’entretien. Maintenant que la rente pétrolière s’épuise, ces pays producteurs de pétrole sont en panne de croissance et de potentiel de création puisque les jeunes générations n’auront pas été formées à préparer l'avenir. 

Dans les pays occidentaux, il n’y ni rente pétrolière, ni esclaves modernes pour faire le travail. Les moteurs sont dans la qualité du travail, la formation, l’intelligence et l’innovation. 

En bref, l’Etat protecteur et distributeur d’un revenu universel ne peut fonctionner que s’il fait le plein de sa croissance et par conséquent des emplois. L’urgence des urgences est donc faire repartir les entreprises, lesquelles ont besoin d’une consommation solvable et surtout d’investissements. L’avenir du commerce en France a besoin d’une demande, mais la croissance économique a besoin d’une offre et cette offre a besoin d’investissements

La période qui va s‘ouvrir après la crise pandémique est pleine d’opportunités. D’abord, parce que le vaccin va apaiser le climat et permettre de restaurer la confiance dans le retour à la vie normale. 

Ensuite, parce qu’aucun actif de production n’a été détruit, ni les moyens en usine, ateliers, ni les centres de recherche, ni les moyens de communication. 

Enfin, parce qu’il y a de l’argent disponible. L’épargne est considérable, elle est figée, elle ne peut que s’investir dès que l’horizon sanitaire sera dégagé. Les boursiers le savent, ils n’ont jamais cédé à la panique, eux. 

Ajoutons que, dès que la reprise est lancée, les entreprises vont se remettre à embaucher très vite et très fort. On pourrait, au cours du deuxième semestre de l‘année 2021, connaître des pénuries de main d’œuvre dans les secteurs en mutation. Beaucoup s’attendent même à une pression assez forte sur les salaires, ce qui peut enclencher un cercle vertueux de croissance forte. 

L’Etat peut en profiter pour engager son processus de désendettement. Pour l’instant, la dette publique ne coute rien. Avec les taux négatifs, elle rapporte même un peu d’argent en prélevant sur l’épargnant une sorte de droit de protection ou de conservation de son épargne. 

Personne ne parle d’impôts nouveaux, mais tout le monde profite des taux négatifs qui ne sont rien d’autre qu’une forme de prélèvement obligatoire mais volontairement consenti. 

Et cet argent consenti sera plus utile s’il est investi que s’il va alimenter la consommation. L’urgence des urgences est de relancer la machine à créer des emplois plutôt que de faire tourner les hypermarchés ou Amazon. 

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