Les pays de l’OPEP disent vouloir modérer la hausse des prix du pétrole, mais faut-il les croire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un homme s'arrête pour faire le plein de sa voiture dans une station-service le 17 avril 2020 à Paris.
Un homme s'arrête pour faire le plein de sa voiture dans une station-service le 17 avril 2020 à Paris.
©FRANCK FIFE / AFP

Atlantico Business

Les pays de l’OPEP auront du mal à enrayer la hausse des prix du pétrole. D’abord, parce qu’ils ne sont pas d’accord sur la stratégie. Ensuite, parce qu’avec les écolos, ils ont trouvé des alliés improbables qui peuvent les soutenir dans l’idée de vivre avec un pétrole cher.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les pays de l‘OPEP ont décidément beaucoup de mal à définir une stratégie cohérente quant à l’évolution des prix du pétrole.

Les prix avaient beaucoup baissé pendant la crise du Covid, mais depuis qu’on commence à sortir des confinements, les prix ont remonté. Du coup, l’essence à la pompe aussi. Ce qui n’est pas sans inquiéter l’automobiliste qui reprend sa voiture.

S’il y a un produit dont on peut difficilement contrôler le prix, c’est celui du pétrole. Les intérêts sont multiples et contradictoires, à un point tel que la régulation est devenue improbable. 

Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le prix du pétrole à court et moyen terme reste un prix d’équilibre du marché. Et ceux qui auraient le secret de cet équilibre ne se manifestent guère.

Ce prix dépend de l’offre et de la demande.

Quand la demande s’effondre, les prix s’écroulent. Et c’est ce qui s’est passé au niveau mondial au plus fort de la crise avec les confinements généralisés.

L’évolution du prix du baril est spectaculaire et sans débat. Depuis janvier de l’année dernière et une bonne partie de l’année 2020, le pétrole est tombé aux alentours de 35-40 dollars le baril. Tout simplement parce que l’économie s’est arrêtée dans le monde entier.

A partir de février/mars 2021, les prix ont remonté de 40 à 70 dollars. Tout simplement parce que le spectre d’une catastrophe économique mondiale s’est éloigné avec le recul de la pandémie, l’économie est repartie, les voitures se sont mises à nouveau à rouler sur les routes, les camions aussi et les avions ont repris leur plan de vol. Tout le monde a retrouvé l’envie de bouger, et la nécessité de la mobilité.

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Du coup, les prix à la pompe ont pris un coup de chaud à tel point que beaucoup d’économistes considèrent que cette hausse des prix de l’énergie et de toutes les matières premières, y compris les produits agricoles, qui vont alimenter des poussées inflationnistes.

Seulement dans le monde du pétrole, les prix ne dépendent pas seulement de la demande. Ils dépendent aussi du comportement des producteurs. Ceux qui vendent le pétrole peuvent réguler l’offre en ouvrant ou fermant le robinet. En théorie, s’ils augmentent la production, ils allègent la pression sur les prix. S‘ils ferment les robinets, ils encouragent les hausses de prix.

Encore faudrait-il qu’ils soient tous d’accord, ce qui n’est pas le cas. Les pays producteurs sont assez divisés pour des raisons économiques ou politiques. D’un côté, l’Arabie Saoudite et ses alliés du Golfe sont prêts à ouvrir les vannes pour calmer la fièvre de la reprise et empêcher le prix du baril d’augmenter trop vite.

Surtout, ils ne veulent pas gêner la reprise économique en Occident alors qu’une partie de leur richesse, désormais, provient des investissements qu’ils ont fait en Europe et en Amérique. Et l’année 2020 restera pour eux une des années les plus compliquées. Non seulement, ils n’ont guère vendu de pétrole à un prix extrêmement bas, mais en plus, les dividendes boursiers leur ont été comptés. Donc leur intérêt profond se cache dans le redémarrage de l’économie mondiale. Si l’économie redémarre fort et vite, ce sera bon pour la bourse et pour la consommation de pétrole, donc pour les pays producteurs, c'est a priori tout bénéfice. A condition d'être prudent pour ne pas asphyxier la reprise avec des prix trop violents. Donc ces pays plaident pour calmer la fièvre.

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En revanche, d’autres pays producteurs dont la Russie (l’autre très gros producteur de pétrole et de gaz dans le monde) ont besoin des revenus pétroliers pour faire tourner leur propre économie et investir pour répondre aux besoins de leur population. La Russie cherche à optimiser ses ressources financières. Son intérêt serait plutôt d’avoir un pétrole cher.

S’ajoutent à ces facteurs purement économiques un impact des considérations politiques. La question de l’Iran, par exemple, est posée. L'Iran, actuellement, est hors marché international, pour cause d’embargo décrété par les États-Unis.

Tout va dépendre de l’accord nucléaire entre les États-Unis et l’Iran. Si l’accord est signé, l’Iran reviendrait dans le jeu et reprendrait ses exportations de pétrole, ce qui tirerait les prix vers le bas. En fait, les investisseurs ne croient pas à un accord proche. Ils pensent même que l’intérêt des Américains serait de vivre avec un pétrole cher parce que leur propre pétrole est cher.

Tous cela plaide au niveau mondial pour un prix d’équilibre du pétrole qui peut rester au niveau de 65/70 dollars encore longtemps, ce qui laissera le prix de l’essence au prix actuel au moins pendant les prochains six mois.

En moyenne, le prix de l’essence tourne actuellement autour de 1,50 euros le litre pour le Sans plomb 95. Le prix du gasoil est d’environ 1,40 Euros.

La réalité géopolitique combinée au comportement du consommateur fait  qu'il n’y a pas de prix d’équilibre. Beaucoup d’automobilistes veulent une essence la moins chère possible. Tout le monde se souvient que les gilets jaunes sont partis en guerre, au départ, pour préserver l’usage de la voiture individuelle dont ils ont besoin. Tous ceux qui prennent l’avion ou qui veulent voyager à l’autre bout du monde souhaitent des billets les plus low-cost possible.

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Pour le gouvernement, le carburant génère des taxes très importantes (60 % du prix), donc plus on consomme, plus ça rapporte à l’Etat. Plus c’est cher aussi, mais à ce moment-là, on consomme un peu moins. Donc l’Etat cherche l’équilibre.

Mais il y a un autre problème qui rentre en jeu aujourd’hui, c’est la pression politique exercée par tous ceux qui veulent protéger la planète. Un pétrole pas cher, c’est polluant. Un pétrole très cher, c’est écolo.

Les mouvements écologistes plaident donc pour un ralentissement de la consommation de pétrole, donc pour la hausse des prix. La hausse des prix ne les gêne pas. L’arrêt de la croissance non plus. Sauf que, dans la vie quotidienne, les écologistes ne sont pas à une contradiction près. La majorité des écologistes ne refusent pas le progrès technologique et veulent continuer d’utiliser leur voiture. Tant que l’électrique ne sera pas à la hauteur des besoins. De toute façon, ils ne considèrent pas que l’électricité offrira une alternative crédible, surtout si cette électricité est nucléaire.

Le prix idéal n’existe donc pas. Il nous faudra vivre avec nos contradictions. Les pays pétroliers le savent et en jouent.

Comme le disait Valery Giscard d’Estaing quand il n’y aura plus de pétrole, il faudra avoir des idées. C’était en 1974 au lendemain des premiers chocs pétroliers. Il y a toujours du pétrole, on commence à avoir des idées pour le remplacer, mais la cohérence de toutes les possibilités n’est pas évidente.  

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